Interview avec Tamás Kátai de Thy Catafalque – Hellfest – Jeudi 19 juin 2025

mardi/08/07/2025
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Lorsqu’il cherche à décrire-définir la musique d’un artiste ou d’un groupe, le chroniqueur (ou le journaliste, c’est idem en pareil cas) en panne d’inspiration ou en proie à des failles lexicales, se livre usuellement à des comparaisons avec d’autres artistes ou d’autres groupes aux styles plus ou moins avoisinants… Cet artifice s’avère toutefois inopérant dans certains cas. Notamment celui de Thy Catafalque. Car la musique de la formation hongroise fondée et animée depuis 1998 par le cérébral Tamás Kátai est à nulle autre similaire. Il sera dès lors vain de tenter de se raccrocher à telle ou telle branche ou référence, afin d’essayer d’en donner au lecteur ne serait-ce qu’un début d’idée. Surtout, le paresseux acronyme « OVNI », appartenant désormais au langage journalistique, sera formellement proscrit. Cherchons plutôt les adjectifs éloquents. Avant-gardiste, foisonnante, exigeante, austère, naïve, cérébrale, joyeuse, traditionnelle, imprévisible, pionnière, audacieuse, protéiforme, sophistiquée, surprenante, exigeante, atmosphérique, européenne, cinématique : une superposition de multiples (et parfois contradictoires) adjectifs pourra peut-être aider, faute de mieux, à cerner cette intrigante musique… Nous avons saisi l’opportunité que représentait le premier passage de Thy Catafalque au Hellfest, afin de rencontrer Tamás Kátai, et ce, deux heures et quarante-cinq minutes avant que celui-ci n’investisse la scène de la Temple en compagnie de ses six musiciens… Cheveux gris, et désormais courts, le presque quinquagénaire (il passera cet auguste cap en décembre prochain) attend sagement, assis entre un ventilateur et une bouteille d’eau minérale, au sein d’un des (sombres et dépouillés) box de la (chaude) tente-presse… Affable, clair, posé, humble : entretien adjectivé avec un gentleman…

 

 

Art’n’Roll : Quel est ton ressenti avant de monter sur scène ?

Tamás Kátai (Multiinstrumentiste) : J’ai chaud (Rires) Je me sens bien, je suis excité d’être ici !

ANR : Préfères-tu jouer en festival ou en concert ?

TK : C’est difficile à dire. Je dirais que les concerts me semblent plus « intimes », et tu as plus de temps pour jouer ; tandis que dans les festivals tu ne disposes que de cinquante minutes pour convaincre. C’est plus dur.

ANR : Thy Catafalque est signé chez Season of Mist. Un mot sur votre label ?

TK : Ouaaaaaais, c’était une très bonne décision que celle d’avoir décidé en 2011 de travailler avec eux. Cela fait donc près de quinze ans que nous travaillons ensemble. Tout se passe bien, ils apprécient vraiment notre musique, et nous nous sentons « à la maison » chez eux. C’est un bon label.

ANR : J’ai tenté de lister les adjectifs susceptibles de définir la musique de Thy Catafalque. J’en ai trouvé plus d’une vingtaine : « Avant-gardiste, foisonnante, exigeante… »

TK : (Rires)

ANR : « …austère, naïve, cérébrale, joyeuse, traditionnelle, imprévisible, pionnière, audacieuse, protéiforme, sophistiquée, surprenante, exigeante, atmosphérique, européenne ». Finalement, j’en suis venu à la conclusion selon laquelle votre musique était comme un « accord des contradictoires », qu’en penses-tu ?

TK : C’est un peu beaucoup d’adjectifs. Si cela te va, ça me va. Je dirais pour ma part, que je ne considère aucune frontière, donc je me contente d’aller là où je veux, je joue simplement ma musique. Je ne crains pas de faire ce que mon esprit me recommande de faire. Y compris de mélanger les choses au risque de choquer. Je me sers de la musique comme d’un média, elle me sert à narrer des histoires.

ANR : Selon moi, l’adjectif le plus déterminant dans ma liste, serait « cinématique »…

TK : D’accord. J’aime. J’aime.

ANR : Comment se définirait la musique « cinématique » selon toi ?

TK : J’ai toujours voulu composer des musiques de films. J’en ai d’ailleurs composé une à ce jour. C’est un exercice intéressant. Je conçois le plus souvent les compositions de Thy Catafalque comme des musiques de fictions. De plus, ce n’est pas toujours un processus conscient de ma part. Parce que j’ai systématiquement des photos, des images, des couleurs, des peintures, qui me viennent en tête lorsque je compose.

ANR : Le deuxième disque de Thy Catafalque s’intitulait « Microcosmos », c’est également le titre d’un film sur les insectes…

TK : D’accord, mais c’est avant tout une œuvre au piano écrite par Béla Bartók… J’ai pensé à cela lorsque j’ai écrit cet album…

ANR : Très bien. Parlons justement un peu de la Hongrie. Tu es né à Makó…

TK : Oui.

ANR : Qui est également le lieu de naissance de Joseph Pulitzer !

TK : D’accord. C’est vrai.

ANR : Et qui est également « la ville des oignons »…

TK : C’était vrai. Ce n’est plus vrai désormais. Le style de l’agriculture locale à bien changé. Les fermiers ne cultivent presque plus d’oignons. Encore un tout petit peu, c’est tout. Je pense que, globalement, la ville n’est plus ce qu’elle était.

ANR : Peux-tu me décrire s’il te plaît la ville dans laquelle tu as grandi ?

TK : C’était une ville très calme, très verte. Quand j’étais gamin, il y avait 30 000 habitants, maintenant il y en a 23 000. Donc, cela a bien baissé. Il y a également une belle rivière (NDA : la rivière Maros) Si tu suis celle-ci sur plusieurs kilomètres, tu arrives en Roumanie.

ANR : Existe-t-il une approche hongroise de l’art ?

TK : De l’art ? Ahemmmmm, je n’en sais pas grand-chose… Je pense toutefois que l’art hongrois serait plus « sage », ce pourrait être le mot le plus approprié afin de le définir….

ANR : Est-ce que l’humour appartient à l’univers de Thy Catafalque ?

TK : Oui.

ANR : Je pense que votre chanson « Piros Kocsi, Fekete Éj » est une chanson pleine de joie et non de tristesse… Me trompe-je ?

TK : Je pense que c’est plutôt une « chanson nostalgique ». C’est une chanson du chanteur-compositeur Attila Bakos.

ANR : Nous avons convenu que Thy Cataflaque était difficile à catégoriser… Je vais à présent te donner trois noms d’artistes contemporains eux-aussi difficiles à catégoriser…

TK : D’accord.

ANR : Tu commentes si tu le souhaites, et si tu le souhaites également, tu me dis de qui tu te sentirais éventuellement le plus proche…

TK : D’accord.

ANR : Moby…

TK : D’accord.

ANR : Devin Townsend…

TK : D’accord.

ANR : Florian Schneider…

TK : D’accord. Je vois qui est Moby, mais… je ne le connais pas assez pour être en mesure de commenter. Devin Townsend, bien sûr, je le connais déjà mieux, je connais la majeure partie de sa discographie, je le suis, et quand il publie quelque chose je ne manque pas de l’écouter, je pense que c’est un très bon compositeur, un personnage haut en couleurs…

ANR : (Rires)

TK : Quant à Florian Schneider, on parle bien de celui de Kraftwerk, c’est ça ?

ANR : Oui.

TK : J’aime Kraftwerk. Une des premières musiques que j’ai « expérimentées » fut The Man-Machine de 1978…

ANR : Oui.

TK : Et j’aime cet album. Vraiment. Un très grand intérêt.

ANR : Penses-tu que « les beaux rêves vont seulement arriver » (NDA : référence à XII: A Gyönyörű Álmok Ezután Jönnek, le titre de leur dernier disque, paru en octobre 2024) ?

TK : C’était mon état d’esprit il y a un an. Je pense qu’ils ne viendront pas, en tous cas pas maintenant…

ANR : Merci, ce sera tout pour aujourd’hui !

TK : D’accord. Merci !

 

Photo de couverture : RG ; photos de concert : Pauline Cassier.

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