Motocultor – Vendredi 15 août 2025 – « Le Darty Vendeur »

vendredi/22/08/2025
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« Slave New World »

Zéphyr est un prénom rare et joli. C’est celui du guitariste des Français de Houle, qui étrennent à 13 heures cette deuxième fournée. Les festivaliers ont massivement répondu présent. Car Houle est ce qu’on peut qualifier de « phénomène » : cinq jeunes Franciliens habillés en marins pêcheurs, jouant un black metal chaotique et désespéré, ayant pour thème principal l’océan. 12 heures 45 : un chant marin est diffusé sur fond de vagues en colère. Tous habillés de cirés gris très abîmés, les quatre instrumentistes prennent place sous des applaudissements. Et attaquent leurs premières rythmiques. Adsagsona, la vocaliste, arrive ensuite : titubante, déboussolée, cherchant un chemin à travers des embûches imaginaires. Lanterne à la main, vêtue pareillement d’un ciré hors d’âge souillé par des algues, la turbulente jeune femme mime le marin luttant dans la tempête. Elle ôte sa capuche au bout de quelques minutes, mais cache son minois sous ses cheveux orangés. « Adèle est difficile à shooter, on peine à voir son visage », commentera quelques minutes plus tard Axel Meuriche à l’espace presse. Elle tombera ensuite le ciré, afin de poursuivre cet inhabituel set en pull marin. La tempête prendra fin à 13 heures 25. La chanteuse donnera rendez-vous à ses fans à la tente LADLO.

« -Tu passes un bon moment ? -Oui -C’est bien, j’aime quand les gens sont contents » :  telle fut la teneur d’un bref échange avec un des serveurs du bar de l’espace VIP. À 14 heures 02, le groupe français Tanork se fait un plaisir de reprendre « Slave New World » de Sepultura (1993), en final de leur concert de death contemporain. « New Found » de Gojira (2021) est ensuite diffusé à fond dans les baffles de la Dave Mustage. Mine de rien, cela fait son effet. Probablement un choix de Julien Truchan. Car les Stéphanois de Benighted font, à 14 heures 14, une entrée remarquée sur des nappes synthétiques. Notre musculeux compatriote pousse son premier cri à 16, annonçant une déferlante death brutale. D’une violence caractérisée. Le Motocultor est venu en masse, et participe pleinement aux réjouissances. La musique est deux fois plus puissante que celle de Gutalax hier, la poussière de Kerampuilh se soulève en quantité identique. « Motocultor à chaque fois qu’on est là, vous foutez le bordel malgré la chaleur, il y a de la poussière partout !!! » relève lui-aussi le screamer aux pieds nus… Il demandera ensuite (de façon sincère) que le public remercie la sécurité « qui prend soin d’eux », avant d’annoncer qu’il allait faire de nouveau travailler cette dernière sur « Scapegoat »… C’était, ai-je besoin de le préciser, le concert le plus physique de cette deuxième fournée…


« Opaline »


Il y a nettement moins de monde sous la Massey Ferguscène à l’approche des Londoniens de Five The Hierophant. Le Pape est la cinquième carte du Tarot de Marseille (et de celui d’Oswald Wirth), et est appelé « The Hierophant » en anglais. Five The Hierophant est programmé à 15 heures, les photos sont autorisées uniquement durant les trois premiers morceaux : 3 X 5 = 15, tout se tient sur le plan alchimique. Musicalement, les choses sont de prime abord nettement moins limpide… Le quatuor se décrit comme un « jazz band », qui jouerait du « Post-Black / Doom Metal / Dark Ambient »… Des amplis de marque Orange sont installés, de l’encens brûle à même l’estrade (un peu comme Hippotraktor en avait fait brûler l’an dernier). C’est donc sous une forte odeur d’encens que les musiciens pénètrent sous la tente, vêtus de bures noires, encapuchonnés. Statique, le chef fait tinter une cloche à intervalles régulières, sous des lumières rosées. L’approche est à premier vue shoegaze. Trois cuivres résonnent. Les trois instrumentistes mobiles jouent à l’unisson d’un instrument à vent, celui du milieu a un saxophone. Une sorte d’appel. Il y a, dans cette surprenante entame de concert, comme une ambiance de rituel chamanique, bouddhique… Le batteur, le bassiste et le guitariste entament alors un lourd rythme metal, sabbathien… Zepellinien plutôt, vu comment c’est planant… Une fois ce long instrumental achevé, l’assistance applaudit, visiblement intéressée par cet étrange spectacle. La tente est à présent remplie. Au dehors, les festivaliers sont assis en tailleur sur la pelouse, et profitent de ces sonorités réflexives. Les instrumentaux vont ainsi s’enchaîner quarante minutes durant, sur des interventions permanentes au saxo du leader… Déroutant. Cinq, cinq comme le cinq de 595, et je dois promptement rejoindre la Dave Mustage…

« La musique est une mathématique sonore, la mathématique une musique silencieuse ». C’est une citation d’Herriot. L’édile lyonnais avait par ailleurs affirmé que « La politique, c’est comme l’andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop »… mais ça, ça n’a rien à voir avec la choucroute… Ni avec Heriot d’ailleurs. 15 heures 37 : les quatre jeunes anglais terminent leur balance : « Check Check One Twooo ». À 43, les baffles crachent « Rock and Roll All Nite » de KISS, la version studio de 1975. Debbie Gough n’était certainement pas de ce monde en 1975. La fille de Swindon enfile sa Jackson jaune canari à 15 heures 45. Un bruit apocalyptique s’ensuit. Un constat s’impose : la hargne anglaise, londonienne tout particulièrement, n’est pas morte… D’où je suis, je l’entends répéter au moins quatre ou cinq fois les mots « fuck » et/ou « fuckin’ » en moins d’une seule phrase… D’où je suis, car le micro de Debbie déconne, rien n’en sort. Les problèmes de son ont largement répondu présents durant toute cette seizième édition, c’est bête… Le fighting spirit anglais n’étant point un vain mot, Debbie attaque son show avec la violence qu’on lui connaît. Elle fait la moue, grimace, peste, comme l’ont fait d’illustres aînés britanniques avant elle. À sa droite, le placide guitariste Erhan Alman apporte comme une sorte de tempérance, et créé par ailleurs des solos très intéressants. Car Heriot fait partie de cette mini-vague de groupes de metal extrême d’outre-Manche, comportant au minimum une fille en leur effectif (avec notamment Venom Prison et VEXED). Des combos peu portés sur le vestimentaire traditionnel : Debbie est en short de sport et t-shirt gris… Elle trépigne, headbangue. Elle demande un circle pit. Elle l’obtient. Le micro remarche. Elle me rappelle un peu ce sketch de Groland : comment apprendre l’anglais en écoutant parler une famille typique de la working class, qui parle du « Darty Vendeur »…

Les kids attaquent « Demure », leur classique, à 15 heures 56. C’est hostile, caverneux, terreux, vitupérant. « Make Some Fuckin’ Noise !!! ». Debbie Gough a de la gueule, un patronyme impeccable, et puis « Devoured by the Mouth Of Hell » (2024) est le meilleur titre d’album depuis au moins des lustres… « Show Me Your Fuckin’ Nuts Right… FUCKIN’ NOW !!! ». Rien à redire, elle a définitivement le sens de la formule. « Thank You So Fuckin’ Much, We Got a Last Few For You, It’s Called « Opaline » »… Superbe morceau. Les quatre jeunes lads achèvent leur set à 16 heures 23 sur le saccadé et presque rappé « At the Fortress Gates », puis quittent la scène sur un morceau électro bien bourrin (« Bonkers » d’Armand Van Helden). To The Grave, qui prend la relève à 16 heures 35 a, en comparaison, l’air deux fois moins couillu. En conclusion, « l’ennemi héréditaire » remue encore, et ça c’est une (putain de) bonne nouvelle…


« L’ascension du mage noir »

Il fait à présent gris sous la voûte d’Armorique, on dirait presque qu’il va dracher. J’avais passé la soirée du vendredi 15 novembre 2024 attablé au Heavy Metal, 282 Donggyo-ro, Mapo-gu : le seul véritable bar metal de cette mégalopole qu’est Séoul. Là-bas, ce sont les clients qui décident des clips à diffuser : pour ce faire, un cahier et des stylos sont à leur disposition. Étant quasiment seul, je ne m’étais guère gêné : Satyricon, Abbath, Black Sabbath, Trust, Rotting Christ, Gojira, Asphyx, Obituary et tant d’autres, pour finir sur les coups d’une heure du matin avec Beneath my Sins. Un jeune couple de metalleux, des originaires de Szczecin, avait apprécié ma programmation. Moins goinfres que moi, ils avaient quant à eux opté pour passer Blackbriar. J’ai découvert à cette occasion. C’est en souvenir de cette singulière soirée que j’ai ajouté cette formation de metal symphonique néerlandaise à mon programme du jour. La chanteuse Zora ressemble un tantinet à Annette Olson, la deuxième chanteuse de Nightwish. Sa façon de chanter et de se mouvoir sur la Bruce Dickinscène m’évoque Charlotte Wessels du temps des premiers Delain. Son pied de micro est recouvert de fleurs, tout comme celui de Charlotte sur sa dernière tournée. Elle est théâtrale, sensuelle, facile à photographier. Le public se régale, il y a par ailleurs des très jeunes dans l’assistance. C’est une musique sympathique, ouverte à tous. Il y a bel et bien, je me tue depuis des années à l’écrire, une spécificité néerlandaise en matière de metal symphonique « à chanteuse ».

Retour à la Dave Mustage, où le chanteur de Benediction demande lui aussi que le pit soit « respectful » de la sécurité. Ça fait au minimum deux hommages à la sécu aujourd’hui. Sinon c’est du bon vieux death anglais bien comme on l’aime. Le grand oncle de Debbie Gough ? Ces vétérans nous quittent à 18 heures 05 sur la diffusion d’« Il barone rosso » par Luciano Michelin. Darkenhöld prend le relais sur la Supositor Stage. Du black français honnête, à découvrir. Les Niçois viennent de publier un sixième album en juin dernier (Le fléau du rocher, chez Les acteurs de l’ombre). Ils en jouent d’ailleurs un extrait : « L’ascension du mage noir ». Les rythmiques sont épiques. Ce sont des musiciens honnêtes et passionnés. Le tout est enlevé, même si je n’accroche pas spécialement avec les voix à la Francis Lax dans les Muppets (id est le black metal chanté en français). Un set engagé, entraînant et chaleureux, qui se termine à 19 heures sur « Le cortège royal ».


« Enjoy the Silence »

19 heures 12 : le Motocultor réserve un accueil triomphal (Romain) aux Lacuna Coil, qui entament leur démonstration pied au plancher sur « Layers of Time ». La Commedia dell’arte metal gothique peut commencer… Cristina enchaîne sur le magnifique et tourmenté « Reckless » (2019). 19 heures 39, et le mythique refrain de « Heaven’s a Lies » (2002) tonne dans le ciel de Carhaix. Magnifique duo vocal entre Cristina et son ami de toujours, Andrea Ferro. Leur paradis à eux n’est pas un mensonge. À 41, les Milanais jouent leur nouveau et génial single : « I Wish You Were Dead ». Dans le clip, Cristina et Andrea, font semblant d’être mariés pour le pire. Alice Saprich et De Funès version metal 2025. S’ensuit une version renversante d’« Enjoy the Silence » de Depeche Mode (1990). Meilleure que leur adaptation studio (2006). Leur auditoire chante à l’unisson, les mains se lèvent. Puis les Italiens vont enchaîner « Oxygen » et « Never Dawn », deux récentes confections (2025). 19 heures 56, et survient le fatidique « Merci beaucoup les amis !!! We Love You So Much !!! » C’était trop court.

Il est 20 heures 05, et un chant de soprano (très haut perché) annonce l’arrivée imminente de Fleshgod Apocalypse. Décidément, c’est le moment italien du Motocultor, puisque le ce groupe de death metal lyrique nous vient de Pérouse. Bon sang, c’est grandiloquent mais pas mal du tout ! Une tourterelle survole le site tandis que tombe le soleil. Autant je suis fan de Slayer, autant je considère que l’album solo de Kerry King (2024) lui a simplement permis de se dégourdir les didis en attendant la réactivation de son groupe depuis 1983 (et peut-être de convaincre ceux-ci de l’inévitabilité de cette reformation). On n’oublie pas que Kerry King a été écouté par la totalité des artistes qui l’ont précédé aujourd’hui dans ce festival. Le colosse de la guitare thrash metal nous gratifiera d’un jouissif « Repentless » (2015) à 21 heures 23, puis d’un immarcessible « Rainning Blood » (1986) vingt-deux minutes plus tard. C’était bien bath.

 

Mes trois concerts persos vendredi 15 août 2025 :

 

  1. Lacuna Coil
  2. Heriot
  3. Kerry King

 

 

Samedi c’est là les amis !

Motocultor – Samedi 16 août 2025 – « C’était super Didier »

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