Article – Chronique CD – Interview avec Tshomarelo Mosaka d’Overthrust

mardi/09/12/2025
5 Views

Un désert de sel

Tshomarelo Mosaka a fait l’école de police du Botswana. Il est également biker et ceinture noire de karaté deuxième dan sensei. En couple, trois enfants, Tshomarelo vit sa meilleure vie à Letlhakane, un petit bourg du milieu de cette vaste contrée, situé non loin des lacs du parc national du pan de Makgadikgadi. Pour vous faire une idée, le pan de Makgadikgadi est un désert de sel situé dans le nord-est du bassin du Kalahari. C’est dire si notre homme a été formé à la rude. Tshomarelo est surtout le fondateur, bassiste et chanteur du groupe de death metal Overthrust.

Du sens et de la gueule

Certains d’entre vous gardent peut-être en mémoire le superbe documentaire animé par notre ami Pierre Janaszak, consacré aux scènes metal du sud de l’immense continent africain. Il s’était rendu là-bas au cours de l’année 2015, afin de présenter « Afrique, dernière frontière du metal » réalisé par Olivier Richard. Ce bijou de reportage avait été diffusé en décembre 2015 dans Une dose 2 metal, la regrettée émission 100% metal du jeudi soir, programmée sur la toute autant regrettée Énorme TV. Overthrust fait une apparition à l’écran, en compagnie d’autres passionnés Botswanais, Sud-africains et Mozambicains. Souvenez-vous également du reportage de Stefan Kleinalstede « Botswana : Les reines du Heavy Metal », consacré à ces jeunes amazones lookées cuir et clous, écoutant avec fierté et un compréhensible zeste d’insolence la même musique que nous. Cet autre témoignage marquant avait été diffusé sur la chaîne culturelle franco-allemande en 2018. On dira ce qu’on voudra, mais être metalleux pratiquant dans l’agglomération de Ghanzi, ou à Gaborone la capitale de ce pays prospère mais enclavé, modestement peuplé et quasi-désertique, ou bien sur la rive sud du fleuve Zambèze, voire à Letlhakane, où habite Tshomarelo, ça a réellement du sens et de la gueule. Vous remarquerez au passage que les scènes metal sont représentées en Afrique subsaharienne anglophone et lusophone, mais nullement en Afrique subsaharienne francophone… Pourquoi ? On est sur le coup, on tentera de répondre à cette interrogation…

Des vautours au Botswana

Dans l’immédiat, revenons à Overthrust. Ce vaillant combo a été créé en 2008. Sa page Facebook est suivie par 30 000 internautes. À l’échelle française, c’est un peu moins que Black Bomb A ou No One Is Innocent, davantage qu’Akiavel ou Loudblast, et pile autant que Sinsaenum. Le pseudo de Tshomarelo est « Vulture Thrust », soit « la puissance du vautour ». Hé oui, il y a des vautours en République du Botswana… Il est épaulé par de solides gaillards dont les surnoms sont : « Spencer Thrust », « Godfather », « Dawg Thrust » et « Beast Thrust ». D’ailleurs « Vulture Thrust Entertainment » est le nom de la boîte montée par Tshomarelo. Il s’agit d’une société de booking musical, de promotion, de marketing et d’organisation d’événements. Ajoutons qu’Overthrust possède son propre metalfest : l’« Overthrust Winter Festival Mania Fest », qui a lieu chaque année au mois de mai… Oui, en mai, c’est l’hiver au Botswana… Il nous est présenté, excusez du peu, comme : le « Plus intense et plus gros festival de heavy metal de charité dans le Sud de l’Afrique ». Les fonds recueillis par l’OWFMF sont usuellement reversés à l’aide aux enfants handicapés et à la lutte contre le SIDA. L’OWFMF devait se tenir cette année aux 30 et 31 mai, et accueillir une dizaine de vedettes et groupes dont la star locale rock-reggae Ras Jesus Mosokwe. Il a été exceptionnellement ajourné, mais sera reprogrammé.

Une disparition brutale

Précisons à ce stade qu’Overthrust a connu le deuil. Leur précédent batteur est mort percuté par une voiture conduite par un ivrogne, qui a emplafonné le bar de Ghanzi dans lequel l’infortuné se trouvait. Premier martyr vraisemblable de la scène metal africaine, Gakeitse « Suicide Torment » Bothalentwa a rejoint les anges le 25 décembre 2018. Le défunt, amateur de houblon, a été remplacé derrière les fûts par son oncle, Balatedi Folai alias « Beast Thrust ». Avant cette brutale disparition, Overthrust s’était produit en 2016 au Wacken, et tourné à trois reprises en Europe (à l’exception notable de la France) en 2016, 17 et 18. Ces ambassadeurs du metal africain ont d’ailleurs remis cela depuis, et pas plus tard qu’en juillet dernier, à l’occasion de quelques dates en Angleterre et en République Tchèque (dont l’Obsene Extreme).

Du death terreux

Musicalement, Overthrust joue du death metal old school. Leur premier album, Desecrated Deeds to Decease a été publié en mai 2015, et leur dernier Infected by the myth en juillet 2024. Un morceau s’appelle opportunément « Overthrust Death Metal ». C’est du death terreux, crasseux, authentique, qui lorgne un peu vers le stoner, probablement en raison d’une prod’ assez rudimentaire. Cette relative faiblesse technique, est compensée par l’attitude et par l’atmosphère que dégage le son Overthrust. Ça nous rappelle 1992 et les premiers groupes de death français. La voix de Tshomarelo est caverneuse. Il émet des grognements tout du long des huit pistes de cette sympathique galette. La guitare est basique, lourde et grave. La pochette représente un pasteur évangélique africain pratiquant l’imposition des mains sur une pauvre femme couverte de bubons, et ce, devant une assemblée en délire. Au premier plan, devant l’autel, et au-dessus de la foule au fond, se trouvent des vautours. Très certainement Tshomarelo et ses compères.

« Dis-lui bonjour de ma part ! »

Pour en savoir plus, et vous immerger le cas échéant dans l’ambiance du metal botswanais, vous pouvez vous procurer, outre le récent Infected by the myth d’Overthrust, la compilation intitulée « Brutal Africa – The Heavy Metal Cowboys Of Botswana », publiée en septembre 2019 par le finaud label finlandais Svart Records. Overthrust y place, non pas un, mais deux extraits. Quoi qu’il en soit, notre nouvel ami Tshomarelo a répondu à nos questions…

 

Art’n’Roll : Bonjour Tshomarelo. D’où es-tu, et quel est le premier disque metal que tu as écouté ?

Tshomarelo Mosaka (Basse, Chant) : Je suis originaire de Rakops, dans le centre du Botswana. Le premier disque metal que j’ai écouté est Altar of Madness de Morbid Angel.

ANR : Quelles sont tes influences ?

TM : Deicide, Morbid Angel, Possessed et Cannibal Corpse.

ANR : Quel bilan tires-tu de votre dernier album, Infected by the myth, paru en juillet 2024 ?

TM : Nous avons davantage travaillé les parties de guitares, notamment les solos.

ANR : Quels sont les groupes et artistes « frères » d’ Overthrust ?

TM : Starks Daemon (NDA : un chanteur-guitariste-producteur rock-metal botswanais) Wrust (NDA : un groupe de death de Gaborone) Crackdust (NDA : idem) Skinflint (NDA : un trio heavy metal assez populaire, également en provenance de Gaborone)

ANR : Overthrust jouera-t-il un jour en France ?

TM : Nous le souhaitons véritablement. Si nous parvenons à booker une date, nous donnerons alors notre meilleur. Nous avons beaucoup d’amis en France.

ANR : Quel est ton artiste ou groupe africain préféré, metal ou pas ?

TM : Vulvodynia, d’Afrique du Sud (NDA : du deathcore de Durban)

ANR : Quel est ton artiste ou groupe metal français préféré ?

TM : Gojira, et j’ajoute Loudblast.

ANR : Pourquoi Gojira ?

TM : C’est un des premiers groupes que j’ai ajoutés à ma playlist, à l’époque où j’ai commencé à écouter du metal. Je suis tout de suite tombé amoureux de leur puissant et solide rythme !

ANR : Et pourquoi Loudblast, étant donné que tu as répondu par deux noms ?

TM : Loudblast, pour une raison évidente : j’aime la façon dont ils conservent leur cohérence, et ne perdent pas leur direction musicale. Ils ont su maintienir à travers les années tous les éléments des riffs classiques de death thrashing ! Loudblast est un de mes groupes de death metal préférés du monde entier. Je porte toujours leurs patchs et leurs t-shirts !

ANR : En 2015, tu as rencontré Stéphane Buriez de Loudblast, quel souvenir gardes-tu de lui ?

TM : Il est vraiment gentil. C’était facile d’engager la conversation avec lui. C’est quelqu’un d’amical. En septembre 2020, j’étais également heureux de recevoir tout un tas de merch Loudblast, un colis plein de t-shirts, des autocollants et autres goodies qu’il m’avait envoyé par la poste ! Dis-lui bonjour de ma part !

ANR : Ce sera, bien évidemment, transmis ! Une dernière question : vous vous appelez les « vautours »… Dans la culture européenne, du moins, les vautours sont considérés comme des animaux maléfiques… Quelle est votre opinion sur ces oiseaux, leur réputation et sur votre choix d’être surnommés ainsi ?

TM : Pour moi, c’est un tout autre concept. Dans notre pays, les vautours sont des oiseaux très spéciaux, et un des animaux protégés. Les vautours sont très importants parce qu’ils nettoient l’environnement en se nourrissant d’animaux morts, en empêchant la propagation de maladies, en maintenant l’équilibre des écosystèmes et en soutenant la biodiversité. Pour ma part, pourquoi suis-je appelé le « vautour » ? Quand j’étais enfant, j’étais fou de viande. Un jour, alors que mes parents étaient partis loin au poste à bétail, ils avaient laissé de la nourriture pour mon oncle. Après l’école, j’ai mangé ma part, et je n’ai pu résister à finir toute la viande dans l’assiette de mon oncle… Quand mes parents sont revenus, ils ont immédiatement remarqué que son assiette n’avait plus de viande. Ils étaient furieux et mon cousin m’a crié : « Tu es un vrai Vautour ! » Il a même plaisanté en disant que j’avais une tête comme un vautour… À partir de ce jour-là, le surnom « Vautour » m’est resté, tout cela à cause de mon amour imparable pour la viande !

ANR : Merci beaucoup Tshomarelo !

TM : Merci beaucoup !

 

Leave A Comment