Motocultor – Jeudi 14 août 2025 – « Magma rue Baratin »

vendredi/22/08/2025
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« Like a Prayer »

Être accrédité presse et photo au Motocultor est une chance, et il ne faut jamais banaliser la chance… C’est ce que je me dis avant de pénétrer pour la deuxième année consécutive ce Débir qu’est à mes yeux le pit-photo… Je suppose que, nombre de mes pairs accrédités, en tous cas parmi les plus réalistes et reconnaissants, se sont présentement dit la même chose. Je commence cette seizième édition avec Dogma. Il est 15 heures 07. À la suite de mes amis, les vieux routiers Lionel Båålberith et Thomas Orlanth, je descends la pente qui mène aux deux mainstages, l’instant est gouleyant, solennel. Une musique angoissante est enclenchée à 15 h 08. Je salue Gwena, la responsable du pit photo, puis j’enfile mes bouchons d’oreilles. Pour ce qui est des Américaines, je pars avec un a priori quelque peu défavorable, un peu ras le bol du cliché de la bonne sœur… Car le dogme en question, vous vous en doutez, n’est pas celui de Lars Von Trier… D’emblée, les cinq jeunes femmes jouent et surtout bougent, comme des superstars accomplies. Pourtant leur premier album, Carnal Liberation, a moins de deux ans. Cinq Gene Simmons femme se mouvent de façon lascive sur la Dave Mustage. La musique du premier morceau est séduisante, elle est pleinement sous influence Ghost. Dogma serait en fait le compromis féminin parfait entre Ghost et KISS. Ça a le look du black, mais ce n’est pas du black. Les déhanchés sont incroyablement suggestifs, étudiés telles de savantes chorégraphies. On dirait des sculptures de cathédrales, des goules, bougeant au ralenti. Le public, tous sexes confondus, en redemande. 15 heures 15 : en une chanson, « Forbidden Zone », les cinq Amazones ont conquis le Motocultor. Et m’ont convaincu.

15 heures 21, je quitte pour la première fois le pit photo. 15 heures 31, les notes de clavier de « Like a Prayer » (de qui-vous-savez) investissent le ciel finistérien. Et me surprennent. Fabuleuse initiative, en dépit du fait qu’on a perdu en route le groove de la version originale. Le morceau suivant, « Bare to the Bones », puise davantage dans une veine « metal épique ». La voix de la chanteuse peine néanmoins à monter de façon décente dans les aigus. « À photographier ça doit être super, mais à écouter c’est nul », tranche (un peu violemment) un mec à l’espace presse. La voix « manque d’affirmation » avait analysé, pour sa part, le journaliste Mathieu David quelques minutes auparavant. Cela n’empêchera nullement le Motocultor de saluer chaleureusement Dogma à 15 heures 50. En définitive, je me dis que l’esthétique et les poses aguicheuses de ces sculpturales donzelles constituent plus un crachat aux visages du politiquement correct et de la pudibonderie ambiante, qu’à celui de l’église catholique (laquelle en a, de toutes façons, vu d’autres…)


« Rock’n’roll »

Au tour des enfantillages (conscients et volontaires) de Guillaume Aldebert et de son groupe Helldebert. Le copieux décor du chanteur, façon Angus Young de cours de récréation, est monté pendant que les suisses de Versatile jouent leur black metal apocalyptique en français (je n’aime pas trop le black chanté en français…) aux relents parfois indus… Motocultor, terre de contrastes… 16 heures 42 : est diffusée une comptine sur fond de grosse guitare, puis résonne « Thunderstruck » (de qui-on-sait…) « Vous êtes bourrés les gars, c’était hier AC/DC » badine Mathieu David devant son gobelet de l’espace presse, avant d’affirmer « qu’il va choquer la Denise » (les initiés savent…) C’est à cet instant précis qu’Aldebert investit l’estrade sur un mini-sketch, enchaîné à un épisode instrumental débouchant sur « Rock’n’roll », une des plus efficaces chansonnettes de son nouvel album, le bien nommé « Enfantillages 666 ». Le (très jeune) public en reprend les paroles. Solo de son guitariste Nicolas (Alberny, du groupe de metal girondin Gorod), pendant que notre gentil chauve (déjà en sueur) entame un duck walk. « Merci le Motocultor, on rêvait d’être là ! » Il lance ensuite « Seum 51 », une parodie gamine du groupe Sum 41. À ma grande surprise, les premiers rangs sont blindés de tiots accompagnés par leurs parents. Cinglé dans sa veste à patchs, Aldebert trébuche et manque de se casser la binette. Grand pro, il descend dans la fosse, au-devant de son auditoire. Qui connaît par cœur les paroles de « Pour louper l’école ».

Helldebert n’ayant pas imposé de restriction de temps aux photographes (c’est l’un des trois groupes du jour en pareil accès de générosité, les deux autres étant Saqqarah et Lazuli), je reste le plus longtemps possible : je suis à présent seul dans le pit. En plein soleil. Sur les refrains du bretonnant « Les derniers pirates », le chanteur d’Amon Amarth fait des apparitions sur les deux écrans. Il avait posé sa voix sur la version studio. Parfait. Les petits n’en loupent pas une miette. Le doux-amer « Du gros son », où il répète « C’est calme », apporte un répit. Je me dis que cette ballade tristounette donnera à réfléchir, aujourd’hui ou demain, à ces tout-petits… Dans un esprit identique, il chante le (très bon) « Marche du monde », sur lequel figurent Amélie Nothomb et Serj de System of a Down… Aldebert demande ensuite un solo de batterie, lequel débute par l’introduction d’« Addict to Chaos » de Megadeth… Sympa, amusant… Le gentil chanteur narre ensuite la genèse du « Cartel des cartables », chanté sur disque avec Max Cavalera de Sepultura, avant de faire monter sur scène… Max Cavalera ! « Merci les amis à très bientôt, c’était incroyable, merci à vous ! » à 17 heures 27. Rappel à 28, à peine troublé par des soucis de micro… Guillaume fait diffuser une bande vidéo remerciant chaque membre de son équipe. Ce n’est pourtant pas fini. Dépassé par l’émotion d’avoir eu la chance de chanter sur scène avec son idole, il en a oublié de remercier les grands-parents présents dans l’assistance. Il fait donc monter sur scène « Mamie Claudie », une grand-mère présente dans la foule. Helldebert clôt ainsi à 17 heures 46 son spectacle sur « Super Momie », au cours duquel interviennent sur les écrans les grandes figures de la scène française (Fetus, Niko Jones, Mouss 2 Mass, pour finir par un Stéphane Buriez toussotant). Enfin, Aldebert fera slammer Mamie Claudie… Un show placé, vous l’aviez compris, sous le signe de la générosité. Nice Boys Can Play Rock’n’Roll…

« Territory »

« Nos parents nous ont appris à parler et le monde à nous taire » (Proverbe Tchèque). Le chanteur de Gutalax, Martin Matoušek, nous enseignât ensuite le pig squeal, serais-je tenté d’ajouter… Le public s’est massé devant la (en l’occurrence bien nommée) Supositor Stage. Sous un cagnard de fin de journée des plus carabinés, c’est dire la popularité et la réputation des quatre David Rozehnal scatophiles… Ça scande à tue-tête le nom du combo flatuleur. Nombre d’objets gonflables sont d’ores et déjà brandis dans l’assistance. Notamment des brosses à chiottes. 18 heures 01, retentit le traditionnel « Ghostbusters » de Ray Parker Jr, le premier 45 tours numéro un lors de la création du Top 50 en novembre 1984… Trêve d’anecdotes, Gutalax n’est pas là pour cela. D’emblée la sécu est débordée et demande des renforts ! Dans le pit photo, les photographes sont sur leurs gardes, au vu des projectiles et des slams en provenance de la fosse, le niveau d’alerte est au maximum ! Se déclenche un circle pit des plus déterminés, sur fond de cris de cochon. Des dizaines de rouleaux de papier hygiénique sont lancés depuis la fosse, le pestacle est autant dans le public que sur scène. Les photographes alternent entre photos de premiers rangs sur déchaînés et des quatre pétomanes sur l’estrade. Ils alternent également entre photos au boîtier et au smartphone. Nul doute que les petits venus pour Helldebert sont partis pour l’heure du goûter. « Bonjourrrrrrr ». Les Tchèques chics se lancent ensuite dans une adaptation de « Celebration » de Kool & the Gang. Puis, comme au Hellfest il y a deux mois, Gutalax enchaîne ses perles. Mais, contrairement à celle du Hellfest, cette prestation est cette fois carabinée. Car le public a répondu présent à l’appel des Devo régressifs, avec une vigueur presque déconcertante. Très probablement le carton populaire du jour. S’ensuivra une heure de metal progressif, intense et lyrique, avec Tesseract. Très bien.

Le soleil est moins virulent. Il est vingt heures passées lorsque Max Cavalera investit (ou plus justement réinvestit) avec Nailbomb la scène. Il a délaissé le maillot de la Seleção Brasileira qu’il arborait avec sa fierté coutumière. En revanche, le public est tout autant déchaîné qu’il y a une heure. Les participants au Motoc’, notamment ceux qui étaient hier dans le car Paris-Carhaix d’OnTours, me rappellent bigrement ceux du Hellfest il y a une dizaine d’années. Prévenants, serviables, drôles, cultivés (hier, j’avais entre autres intercepté sur ma gauche une conversation sur les relations entre Carrier et Robespierre, une autre à ma droite à propos du « Syndrome des Galápagos », pendant que mon voisin écoutait une vidéo de John Jordan sur Dokkan Battle, et qu’un autre plus loin lisait La société du spectacle…), connaisseurs-passionnés de la musique metal, et vêtus au diapason. Oui, le fameux « CSP+ habillé en noir », qu’on nous avait vendu à l’époque, souvenez-vous… Quelques mesures du légendaire « Territory » (1994) de Sepultura sont jouées à 20 heures 35, enchaînées sur « World of Shit » de Nailbomb. Max Cavalera, son frère, et leurs mercenaires, nous donnent congé sur un larsen coupé à 20 heures 47. Carhaix a réservé un triomphe à ceux-ci. C’était la tournée des trente ans de Proud to Commit Commercial Suicide.

Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh

Une heure durant, je vais écouter les hymnes instrumentaux des Écossais Mogwai. C’est pastel, inspiré, cela se marie bien avec le soleil couchant. Ne communiquant pas avec le public, les musiciens déclinent, étirent leurs thèmes, sous des lumières rouges, mauves, violettes… Puis multicolores, sur les vingt dernières minutes de la démonstration…

Le 4 juin 1972, Magma alors en gestation de Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh, se produisait au Raincy. Il jouait le 8 ensuite dans la Gagny voisine. Cette singulière information n’a pas manqué d’aiguiser ma curiosité… Dans quel endroit ou recoin de la Neuilly séquanodionysienne ces monstres vivants du prog’ français ont-ils bien pu jouer ? Dans le centre culturel du boulevard du Midi ? Dans le square de la mairie, allée Baratin ? Ou encore chez un particulier ? Christian Vander serait-il en mesure de s’en souvenir ? Quoiqu’il en soit, c’est une foule relativement modeste qui s’est ce soir massée sous la Massey Ferguscène. Le public est assez avancé en âge. Un rassemblement d’initiés. De derrière son imposante et mythique batterie, Christian Vander délivre ses ultimes instructions à ses instrumentistes. Ça va être ardu de les reconnaître, puisque Wikipedia liste plus d’une centaine de noms de musiciens ayant participé à la plus dingue (et sélect) de toutes les épopées musicales hexagonales (dont feu René Morizur, le multi instrumentiste des Musclés). Déjà, je constate qu’il n’y a pas Jannick Top ce soir à la basse… Acclamation à 22 heures pile. Le public garde un œil sur sa tocante, et il lui tarde d’ouïr Magma. Le chanteur me fait ipso facto une grosse impression, quelle implication, quel professionnalisme ! Son jeu est théâtral, c’est un comédien. La setlist est (relativement) accessible (à tout du moins pour Magma). Nos adeptes de Coltrane débutent leur récital sur un beat assez lourd, et catchy, c’était probablement délibéré. Les paroles en kobaïen sont répétées, tels des mantras : à un moment, on dirait que les choristes répètent « la bedaine » une centaine de fois… Très certainement un des meilleurs concerts de ce jeudi qui touche à sa fin… Une très riche journée, ai-je besoin de le préciser ? Aussi copieuse qu’un petit-déjeuner de Gérard Larcher… Malgré tout, je le saurai plus tard, ce n’était pas la meilleure des quatre…

 

Mes trois concerts persos jeudi 14 août 2025 :

 

  1. Helldebert
  2. Dogma
  3. Magma

 


Vendredi c’est là les amis !

Motocultor – Vendredi 15 août 2025 – « Le Darty Vendeur »

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