Dès la première écoute, on se dit que c’est le compromis parfait entre Korn et Architects. Pas faux. De façon amusante mais opportune, Wikipedia les catalogue « nu metal », « metalcore » et même « nu Metalcore »… Par l’entremise de Napalm Records, les quatre Géorgiens de Tetrarch ont dévoilé le 9 mai dernier The Ugly Side of Me, leur troisième album, depuis Freak en 2017. Une très intéressante création. Expliquons-nous. Les montées vocales et les refrains quelque peu lancinants et obsédants ont quelque chose de Korn. La production massive et les rythmiques s’apparentent au metalcore, du metalcore d’aujourd’hui. Le petit truc en plus de Tetrarch résiderait dans les brillantes interventions à la guitare lead de Diamond Rowe, qui revendique être « la première afro américaine signée en tant qu’artiste metal ». L’ambitieuse et fulgurante Dame possède même sa propre signature chez Jackson : la Jackson Pro Series Diamond Rowe. Certains t-shirts de Tetrarch sont de même à son unique effigie. La réputation de la jeune guitariste ne semble guère usurpée tant ses solos sont pertinents et singuliers, un peu comme ceux de Tom Morello en son temps. Elle use notamment du tapping sans en abuser. Ses chorus sont eux-aussi bien sentis. Ses parties chantées sont en outre agréables. L’accrocheur et martial « Live Not Fantasize » s’annonce d’ores et déjà comme un des singles de cette année 2025, dans la veine des meilleures chansons d’Architects. The Ugly Side of Me est un disque contemporain, accessible, varié et… typiquement américain. SLH Agency m’a donné l’opportunité de m’entretenir avec Diamond Rowe. Son visage souriant apparaît à l’écran à 19 heures précises le jeudi 15 mai. Action !
Art’n’Roll : Salut, et merci de nous accorder cette interview ! The Ugly Side of Me est sorti vendredi dernier. Quel est ton état d’esprit une semaine après ?
Diamond Rowe (Guitare) : Excitée. C’est toujours agréable de vivre une sortie d’album, de finalement pouvoir entendre ce sur quoi nous avons travaillé. Je suis également excitée à l’idée de partir en tournée, la scène est le moteur de notre groupe. Je suis aussi anxieuse (Rires) C’est tout un ensemble de sentiments différents, majoritairement de bons sentiments !
ANR : Votre dernier simple est « Best of Luck ». Son sujet est amusant : peux-tu s’il te plaît nous l’expliquer ?
DR : Ouais. C’est effectivement assez amusant. Il évoque les démarches que nous avions effectuées au début de ce groupe. Prendre contact avec les différentes maisons de disques, les boîtes de management, sans vraiment bien connaître ce milieu. Nous avons essuyé un paquet de refus. Nous nous sommes aperçus que les courriels de fin de non-recevoir se terminaient souvent par cette formule, qui est brutale et terrible : « Best of Luck in the Future » (Rires) Tu vois ce que je veux dire ?!? Ce n’est pas un « Fuck You », mais cela y ressemblait ! Nous nous sommes malgré tout accrochés, et nous leur adressons maintenant notre « Best of Luck » en retour (Rires)
ANR : Effectivement, on dirait une formule de politesse quand on postule pour un poste dans le secteur privé corporate…
DR : Exactement. Cela veut dire : « On vous souhaite le meilleur mais on ne veut pas de vous » (Rires)
ANR : Votre précédent simple, « Live not Fantasize », est à mes yeux la meilleure chanson de votre album… Ma préférée… Elle parle de volontarisme, non ?
DR : Merci ! C’est une chanson sur le dépassement de soi-même. Il faut être positif et faire les changements qui s’imposent, construire sa propre histoire, sa propre réalité, et non rester assis à attendre que cela se fasse tout seul…
ANR : Le meilleur moment de ce morceau est… Le solo de guitare, qui est très réussi !
DR : Merci !
ANR : Où puises-tu ton inspiration ?
DR : La musique que nous jouons est en général dépourvue de solos de guitares, en tous cas, c’est comme cela que le public la conçoit… Notre musique est inspirée par le néo-metal des années 2000, un genre peu porté sur les solos de guitares… Pour ce nouvel album, j’ai souhaité prendre les devants et y incorporer mes propres idées, mes propres solos de guitare… Sur ce morceau, je me suis sentie en totale confiance afin de jouer ce qui lui correspondrait au mieux. Ce solo est un peu chaotique, assez non-conventionnel, j’ai pris du plaisir à le composer, à y intégrer des effets, et le résultat est représentatif de mon style !
ANR : Il y a deux ingrédients distincts : le feeling, qui est la résultante de l’inspiration, et la partie de tapping à la fin qui est une ponctuation technique…
DR : Oui. Absolument. J’ai restitué mes influences, je pense à Dimebag, à Zakk Wylde, un mélange entre du tapping traditionnel et quelque chose de plus moderne, du pitch Shifting, un mariage réussi !
ANR : Tu viens de citer deux grands noms, mais je pense que ton style possède également quelque chose de Tom Morello. Il avait à l’époque créé un son totalement nouveau venu de nulle part…
DR : (Rires) C’est amusant, on me l’a déjà dit, pourtant je n’ai pas beaucoup écouté Rage Against the Machine… Je suis davantage une fan de Korn. Head utilise une pédale digitech whammy : une façon de moduler le son qui m’a énormément inspirée à mes débuts en tant que guitariste, et qu’effectivement Tom Morello avait popularisée en son temps… Aimes-tu Audioslave ?
ANR : (Fait non de la tête)
DR : Tu n’aimes pas Audioslave ?
ANR : J’ai vu Audioslave à Paris, à l’Olympia en 2003, c’était assez ennuyeux en définitive…
DR : Oui, ce n’est pas très étonnant…
ANR : Chris Cornell était ailleurs, il regardait par terre en tournant en rond… En comparaison, j’avais préféré le concert de Rage Against the Machine à Paris trois ans plus tôt, c’était très chaud…
DR : Vraiment ? C’était différent ?!? Je te crois !
ANR : Tiens justement, il y a sur votre nouvel album une chanson qui est intitulée « Cold ». Penses-tu que la musique de Tetrarch est « Hot » ?
DR : Est « Hot » même si une de nos chansons s’appelle « Cold » ? (Rires) Notre musique est un mélange entre le chaud et le froid !
ANR : Le côté « froid » proviendrait de la production, non ?
DR : La production de ce nouveau disque est très policée si on la compare à l’album d’avant. Je pense que c’est une évolution normale pour un groupe. Nous avons fait en sorte d’obtenir la production la plus moderne qui soit ! Sur scène, notre son est plus sauvage et agressif, notre façon de composer l’est également, assez simple et brute !
ANR : Tu as cité certaines de tes influences, mais pas encore Gojira…
DR : Une influence énorme. Je pense que Gojira figure dans mon Top 3 ou Top 4 de mes groupes préférés de tous les temps. J’ai toujours en mémoire la première fois que j’ai entendu The Way of All Flesh, précisément le morceau « Vacuity », je n’avais jamais entendu quelque chose de semblable ! J’étais toute jeunette ! Je suis ensuite allé regarder le clip, et me suis dit : « C’est fabuleux ! ». J’ai couru acheter le disque, et je l’ai écouté non-stop durant des mois !!! Après cela, j’ai écouté From Mars to Sirius, et suis devenue une énorme-énorme fan de Gojira !!! Ce groupe ne possède aucun équivalent !!!
ANR : Mon album préféré est Magma…
DR : Oui !
ANR : Et toi, quel est ton album préféré ?
DR : Mon album préféré est définitivement The Way of All Flesh. Ce disque dégage une telle intensité, et Mario est le meilleur batteur du Monde ! Sur « The Art of Dying », sur « Oroborus », il y a tellement de chansons sur lesquelles il montre sa capaciter à innover ! C’est mémorable, ce n’est pas technique dans le sens où tu comptes quand tu l’écoutes jouer, c’est technique parce que tu ne peux t’empêcher de remuer de la tête et être épaté, tu vois ce que je veux dire ?!? Ce sera donc mon choix de disque !
ANR : Tu as vu Gojira aux JO ?
DR : J’ai regardé. C’était fascinant.
ANR : C’était une surprise pour toi, ou pas ?
DR : Oui. En raison de l’échelle de la prestation, j’étais littéralement en état de choc !!! Je m’attendais en fait à les voir jouer sur scène, face à une foule, filmés par des caméras. Pas à assister à cette mise en scène, sur ce bâtiment, en totale adéquation avec la culture française ! C’était super cool ! C’était fabuleux ! Pour te dire, j’écoute encore la chanson des mois après !!!
ANR : Peux-tu nous parler à présent de ton équipement ?
DR : Je suis endorsée par Jackson. Je suis une guitariste Jackson, j’ai ma propre signature de guitare, que j’associe à un ampli EVH, le 5150 EL34, et je possède également un EVH Cab. J’ai beaucoup de pédales d’effets. Les gens me disent de passer au digital, mais je préfère continuer avec mon rack de pédales ! Je suis branchée BOSS. Je considère que les pédales offrent davantage de créativité.
ANR : Les pédales sont plus physiques à utiliser sur scène, visuellement c’est plus sympa !
DR : Ouais !
ANR : Tu es membre du club des guitaristes qui possèdent leur propre signature. Je vais, si tu le veux bien, te donner des noms de guitaristes qui ont une signature et tu me dis ce que tu penses d’eux… D’accord ?
DR : D’accord !
ANR : Le premier sera Mark Morton, et sa Jackson Mark Morton Signature Dominion…
DR : Il est désormais chez Gibson. C’est une de mes principales influences en tant que guitariste ! J’ai depuis toujours apprécié sa façon de jouer des solos. Il est très bluesly, mais s’adapte parfaitement au style très sombre de Lamb of God ! C’est un des meilleurs guitaristes de tous les temps, et également un très bon ami ! Je l’aime (Rires)
ANR : Intéressant… Êtes-vous sur une même longueur d’ondes parce qu’il est Virginien et toi d’Atlanta ?
DR : (NDA : Ravie) PEUT-ÊTRE ! Effectivement, le fait qu’il soit Virginien et moi de Géorgie joue probablement ! Nous sommes tous les deux branchés courses du NASCAR (Rires) Il y a certainement quelque chose de cela, même si je réside désormais en Californie ! Je suis une grande fan de Lamb of God !
ANR : La deuxième signature sera la Jackson Signature Dave Davidson Warrior WR7…
DR : Ouais, Dave Davidson est un autre grand guitariste, Revocation est un très bon groupe ! Ce n’est pas vraiment un groupe que j’ai écouté des tonnes, je le connais principalement en tant que joueur de guitare, et j’aime le regarder jouer notamment sur vidéo… Donc… Je lève également mon pouce !
ANR : La troisième sera : la Dean Guitars Dimebag Darrell Signature Electric Guitar !!!
DR : Dimebag ! Une de mes plus grosses influences ! Sa guitare a été un des premiers modèles que j’ai acquis, je l’ai toujours, elle se trouve chez mes parents ! Je dois également avoir conservé une photo de moi où je joue avec sur scène ! Cette guitare est la signature parfaite !
ANR : La quatrième sera l’Ibanez K7 Korn Signature…
DR : (Rires) J’ai joué avec ce modèle quand je suis arrivée à Los Angeles au mois d’octobre dernier. Il est d’ailleurs dans mon dressing room ! Ils sont passés chez ESP avant de revenir chez Ibanez, c’est une guitare vraiment sympa. Korn est mon top numéro 2 en tant qu’influence ! Ce ne sont pas les plus techniques, mais incontestablement une grosse influence pour moi !
ANR : Et la dernière de ce club : l’Ibanez PSM10-BK Paul Stanley !
DR : Paul Stanley ! Woaaaaah (Rires) Très bon ! Que dire de plus sur Paul Stanley et KISS ?!? C’est un bon guitariste et ils sont iconiques ! Tu ne trouveras rien de plus gros !
ANR : Considères-tu Tetrarch comme un groupe américain ?
DR : Un groupe américain ? NOUS SOMMES UN GROUPE AMERICAIN ! Je pense que nous ne passons pas notre temps à nous balader avec des drapeaux américains… En ce sens, je pense que nous sommes également un groupe ouvert sur le Monde entier, nous essayons d’ailleurs de nous produire dans le maximum d’endroits… Donc : oui nous sommes un groupe originaire d’Amérique, nous sommes un groupe américain, mais également un groupe ouvert sur le Monde…
ANR : Quand je pense à Atlanta et à la Géorgie, je pense aux B52’s, aux Black Crowes, à REM, à Pearl Jam et son disque live enregistré en 1994 à Atlanta… Penses-tu que Tetrarch fera un jour partie de ces groupes qui évoquent la Géorgie aux yeux du grand public ?
DR : Je suis certaine que oui ! Les gens nous associent de plus en plus à Atlanta. Pourtant Atlanta est un bastion du hip-hop. Ce n’est pas une ville de rock, d’indie ou de metal. Donc, j’espère vraiment faire partie du « club » que tu viens de citer, celui des groupes qui font penser à Atlanta, j’espère que Tetrarch fera lui-aussi penser à Atlanta ! C’est marrant que tu aies parlé de Pearl Jam, car le papa de notre chanteur est un GIGANTESQUE fan de Pearl Jam ! Il les a vus tellement de fois, il les a suivis en tournée !!! Qui plus est, je crois bien que Pearl Jam a joué à Atlanta il y a deux semaines (NDA : les 29 avril et 1er mai 2025, bien vu Diamond !) C’était la première fois qu’ils revenaient jouer chez nous depuis des lustres, parce qu’ils avaient auparavant décidé de boycotter les états du Sud ! Donc, oui, je pense que nous pouvons être ajoutés à cette liste !!!
ANR : Tu as parlé de hip-hop : quels sont les artistes « non-metal » que tu apprécies ?
DR : J’aime la rappeuse Megan Thee Stallion et le hip-hop (Rires) J’aime aussi la country… J’aime aussi John Mayall…
ANR : Il y a un revival de la country actuellement aux USA…
DR : La country a toujours été populaire, c’est le second genre le plus populaire ici après le hip-hop, elle a toujours été populaire quoique moins sous les feux de l’actualité… Le fait est que c’est maintenant redevenu cool d’écouter de la country, parce que de nombreux artistes comme Post Malone ou Beyonce avec son album de country, ont donné une nouvelle jeunesse au style… Ce style a toujours été important ici, il est simplement redevenu cool, et les gens admettent de nouveau en écouter !
ANR : Lors de l’interview que tu avais accordée à notre webzine, il y a quatre ans en 2021, tu avais affirmé pratiquer le skateboard…
DR : J’ai dit ça ?
ANR : Je l’ai lu en tous cas.
DR : Je ne m’en souviens pas (Rires) J’ai peut-être dit que je voudrais bien skater ! J’ai essayé de m’y mettre quand j’étais plus jeune…
ANR : Tu es toujours jeune. Qu’aurais-tu peur de perdre en vieillissant ?
DR : Je réalise que je fais ce que j’ai toujours voulu faire dans la vie, je m’en rends compte chaque jour, et perdre cette possibilité est ma plus grosse peur. Ne plus pouvoir vivre de ma musique. Ne plus pouvoir tourner. Ce n’est peut-être pas une réponse surprenante, mais c’est la stricte vérité !
ANR : C’est la fin de cette brillante interview : tu as le mot de la fin !
DR : Merci à la France pour le soutien, et également pour avoir enfanté ce fantastique groupe qu’est Gojira (Rires) On se verra un jour ! Nous traversons l’océan le mois prochain, et la France est le seul pays qui ne figure pas sur la carte de notre tournée européenne !!! On va faire en sorte de corriger cela la prochaine fois…
ANR : Merci beaucoup Diamond !
DR : Merci beaucoup, Bye !