Interview avec Zsuzsa Radnóti / Shakey Sue de The Hellfreaks

vendredi/14/04/2023
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Initialement fondé en 2009 à Budapest en tant que formation de psychobilly The Hellfreaks a ensuite dérivé vers un punk US late 1990’s avant de prendre plus récemment quelques libertés avec ce style, y incorporant ici et là des éléments actuels tant vocaux qu’instrumentaux parents des Butcher Babies voire de Spiritbox. Le combo mené par la virevoltante chanteuse Zsuzsa Radnóti, Shakey Sue de ses prénom et nom de guerre, mérite toutefois mieux que de sommaires étiquettes. ANR a interrogé la peroxydée vocaliste par Skype le mardi 11 avril 2023 à 19 heures 30 à l’occasion de la promotion de « Pitch Black Sunset », leur cinquième et vitaminé LP sortant ce vendredi 14. Ce qui marque étant que la bougresse réussit la prouesse d’à la fois paraître et d’être ; en cette vive et attachante personnalité forme et fond sont inextricablement entremêlés. Thumbs up !

 

 

Art’n’Roll : Bonjour ! Ma première question sera très simple : peux-tu s’il te plaît nous présenter votre cinquième album « Pitch Black Sunset » ?

Zsuzsa Radnóti / Shakey Sue (Chant) : Oui ! (NDA : débit rapide et assuré) Si vous aimez le punk rock et la musique metal, si vous aimez les groupes à chanteuse, si vous aimez les voix agressives alternées avec des passages mélodiques, si vous aimez les paroles et la musique sombres, et si vous êtes ouverts aux sonorités d’aujourd’hui (NDA : écarte démonstrativement les bras) cet album « Pitch Black Sunset » le cinquième de The Hellfreaks est le vôtre !

ANR : C’est fait, merci !

ZRSS : (Rires)

ANR : Vous êtes originaires de Hongrie, pourtant cet album sonne comme s’il était américain…

ZRSS : Merciiiiiii !

ANR : Quelles sont vos influences ?

ZRSS : Tu as de très bonnes oreilles mon ami parce que, oui, bien que cet album ait été enregistré dans l’immeuble d’où je te parle (Rires) ici chez nous en Hongrie, son mixage, son mastering ainsi que la post-production ont été intégralement réalisés aux Etats-Unis. Quant à nos influences : nous avons tous des goûts différents, mais tous grandi en écoutant de la musique punk, et nous écoutons à présent beaucoup de musique metal. Le type de punk que nous aimons est essentiellement américain, c’est celui des années quatre-vingt-dix, donc (Rires) c’est pour cela que tu ressens cette inspiration américaine dans notre musique (Rires)

ANR : Oui. Peux-tu donc nous lâcher quelques noms ? Rancid par exemple, The Vandals ?

ZRSS : Pour ma part The Offspring et The Distillers constituent des influences majeures. Du côté du hardcore je suis mordue de Madball et de Walls of Jericho, et nous écoutons également des petits groupes locaux bien de chez nous. En ce moment, je suis très branchée « groupes à chanteuse », il n’y a rien de « politique » là-dedans, c’est uniquement mon appétence du moment : j’aime les chants féminins, les chanteuses qui ont une attitude de mec, comme The Pretty Reckless par exemple, c’est vraiment ma came !

ANR : Aimes-tu Gwen Stefani ?

ZRSS : Oui ! Je sais qu’un tas de gens ont comparé ma voix à la sienne, ce que je considère être un énooooooorme (NDA : main droite portée sur son thorax) honneur !!! Elle était cool, elle fût et donne toujours l’impression d’être une reine, tu ne peux pas percevoir les marques des vingt dernières années sur son visage, c’est un véritable vampire (Rires) Mais, oui, c’est une voix fabuleuse !

ANR : Je l’ai vue à Paris en 1997…

ZRSS : (NDA : moue extrêmement glamoureuse) Oh ! Woooooooooow….

ANR : Quand tu n’étais pas née…

ZRSS : Oh ! Woooooooooow…. Cela devait être un moment magique et historique !

ANR : Donc ! « Pitch Black Sunset » est formé par neuf morceaux, j’en ai choisi trois parmi les plus marquants et je te propose de nous les commenter, d’accord ? Le premier est « Old Tomorrows »…

ZRSS : Alors ! (NDA : plat de la main tranchant l’air en deux) Je souhaite auparavant te briefer sur la thématique globale de cet album : cet album évoque les opposés, les différences, les contraires, et traite de tout ce qu’il peut y avoir entre les deux. Tu vois ? Et « Old Tomorrows » évoque une jeune fille de l’ancienne génération, les différences entre la manière dont les jeunes filles de cette ancienne génération pouvaient concevoir les choses et celle des jeunes d’aujourd’hui, différences provoquant incompréhensions mutuelles, et conclut qu’il est nécessaire de respecter et de faire en sorte de comprendre les conceptions de chacun. Car il existe quoi qu’il en soit de bonnes choses à prendre des deux côtés. Fonctionner séparément et aller chacun de son côté ne résoudra rien.

ANR : « Hit Me Where It Hurts »…

ZRSS : C’est à propos de la relation entre espoir et désespoir. Cela parle d’une personne qui est depuis trop longtemps attachée à son propre rêve et qui s’avère incapable de s’en détacher afin de se consacrer à quelque chose de plus réaliste. Lorsque tu espères obtenir quelque chose depuis trop longtemps et que rien n’arrive, la situation devient parfaitement toxique. Nous pouvons par exemple parler de relation toxique lorsque tu espères plus que tout que l’autre change, et qu’évidemment l’autre ne change pas puisque les gens ne changent guère comme ça d’un seul coup (Rires) Tu dois sortir de toute relation toxique afin de contrôler ta propre vie sans espérer un changement d’autrui qui ne viendra pas, tu dois être fort et tourner les talons (NDA : balaie d’un revers de main et sourire de satisfaction)

ANR : « Weeping Willow »…

ZRSS : C’est probablement la chanson la plus sombre de cet album et que notre groupe n’ait jamais composée (Rires) Elle traite de la santé mentale ainsi que de la dépression, lorsque tu as perdu tout espoir et que tu ne perçois aucune lumière au loin.

ANR : Tu es la principale compositrice du groupe ?

ZRSS : Je suis la principale compositrice des paroles. Je compose les paroles ainsi que les mélodies, mais je n’interviens pas pour tout ce qui relève des parties instrumentales, lesquelles sont principalement composées par notre bassiste (NDA : opine du chef)

ANR : Les solos de guitare sur cet album ne sont pas mauvais… Ils sont différents de ce à quoi on pouvait s’attendre considérant le style que vous pratiquez, ils détonnent et créent un contraste avec ce punk rock d’inspiration US…

ZRSS : Ouais c’est vrai (Rires) Notre guitariste Josi (NDA : de ses vrais prenom et nom József Takács) possède un style éminemment uniiiiiiiiiiiiiiiiiique ! Peu importe de quoi on parle, ce que j’aime le plus dans la vie est le caractère unique, cela peut être bizarre je m’en moque du moment que c’est unique ! Chacun dans notre groupe est unique, chacun possède des superpouvoirs (Rires) Et le superpouvoir de Josi c’est d’écrire des solos qui sont réellement inhabituels !

ANR : Toi-même tu possèdes un « supernom » : d’où vient ce nom de guerre, « Shakey Sue » ?

ZRSS : (NDA : éclate de rire et se projette en arrière sur son fauteuil) Nous devons nous remettre dans le contexte d’il y a quinze ans lorsque nous avons formé The Hellfreaks, qui à la base était un groupe de psychobilly. Au commencement nous n’avions pas de plan ni d’ambition, c’était uniquement le plaisir d’être ensemble et de nous amuser, de donner des concerts. Tu sais que dans le genre psychobilly les gens se donnent des surnoms, des noms de scène, des mots qui sonnent comme des berceuses ou des cauchemars. Je ne me souviens pas de l’instant précis où j’ai opté pour ce nom, je me souviens uniquement qu’il s’agissait d’une demande pressante de notre guitariste : « Je veux que tu choisisses immédiatement un nom de scène » afin qu’il puisse l’inscrire sur les notes de pochette et le matériel destinés à la parution de notre premier album ; il se trouve que ce jour-là, j’écoutais un morceau qui parlait d’une « Shakey Sue » et je lui ai balancé ce nom comme cela (NDA : se prend la tête à deux mains) sans me douter un seul instant que ce nom me collerait encore pour quatorze putains d’années (Rires) Si tel avait été le cas, j’aurais davantage approfondi le sujet !!! En fait, je ne me doutais même pas que des gens auraient un jour à devoir employer mon nom, mon véritable nom hongrois, du coup j’ai répondu : « Sue, appelez-moi simplement Sue » ! L’âge avançant, je suis en mesure de dire (NDA : tient son casque en se penchant vers le micro) « Appelez-moi Zsuzsa », qui est mon véritable prénom (Rires)

ANR : Cool et intéressant ! Quand as-tu chanté une chanson en hongrois pour la dernière fois ?

ZRSS : (Sourire) Pour être honnête c’était il n’y a pas si longtemps… Avec The Hellfreaks, je n’ai écrit qu’une unique ligne en hongrois, c’était sur l’album « Astoria » (NDA : publié en 2016) le titre « Back to my Planet ». Il adopte la perspective d’un extraterrestre qui serait hongrois, c’est un morceau plaisantin ! Mais c’est déjà un morceau ancien enregistré en (NDA : coupe et regarde le plafond l’espace de trois secondes) 2015 ! C’était il y a huit ans. Maaaaaaais, un ami qui est dans un groupe m’a demandé ces jours-ci de faire une apparition en hongrois dans une de leurs chansons, il s’agit d’une chanson en allemand au sein de laquelle différentes chanteuses font une apparition dans leur langue natale ! Mais oui (NDA : susurre au micro) c’est bien de chanter en hongrois…

ANR : Quel est ton mot favori en hongrois ?

ZRSS : Mon mot favori ?!? Pffffffff !!!! Je n’ai pas de mot favori, as-tu un mot favori toi en français ?!?

ANR : Hé hé ! Je ne sais pas, peut-être…. « République » !

ZRSS : (Rires) D’accord ! Peut-être alors que j’ai une bonne histoire pour toi, une histoire hongroise : différents personnages originaires de différents pays se rencontrent et comparent les différentes façons de traduire « Je t’aime » dans leurs langues respectives. Cela sonne agréable dans l’ensemble des langues, sauf en hongrois où « Je t’aime » se dit « Szeretlek » ce qui est assez moche… Mais le poète dit alors que puisqu’aucun étranger ne connaît le hongrois, il suffira de lui faire croire que « Je t’aime » se dit « Pillangó », ce qui signifie « Papillon » et qui sonne bien plus joli… Donc, pour répondre à ta question, je choisis « Pillangó », qui veut donc dire « Papillon » (Rires)

ANR : Merci ! Parlons de vos concerts à présent ! Le 20 mai prochain The Hellfreaks se produiront au Rocket Engines de Prague : un mot à propos de ce nouveau bastion rock et metal qu’est devenu la Tchéquie ?

ZRSS : Oui (NDA : opine du chef) Dans notre histoire nous avons donné de très bons et fabuleux concerts à Prague, j’aime beaucoup cette ville ! Donc, je suis super contente de retourner y jouer, cela ne manquera pas d’être marrant ! Nous jouerons ensuite une paire de concerts dans la partie septentrionale de l’Allemagne.

ANR : Quel serait le show des Hellfreaks qui t’a le plus laissée sur les rotules ?

ZRSS : Pfiouuu (NDA : porte sa main à son front et ferme les yeux) Hum…. Ce fût… Dans un festival aux alentours de Berlin… Qui se nomme le « Spirit Festival »… Ce fût véritablement crevant car nous avions voyagé directement depuis Budapest puis avons joué sans pouvoir nous reposer du voyage, c’était au cours d’un jour d’été caniculaire et la scène était dépourvue d’ombre (Sourire) Comme tu peux le voir, ma peau est très claire et (Rires) ces trente-cinq minutes à chanter sur scène en plein cagnard m’ont occasionné un coup de soleil comme jamais ! J’étais complètement sonnée par la chaleur ambiante ainsi que par la puissance des rayons solaires (Rires)  

ANR : As-tu rencontré tes idoles ?

ZRSS : (Sourire) Non, non, pas encore… Je voudrais vraiment pouvoir avoir l’opportunité de rencontrer un jour Brody Dalle (NDA : la chanteuse de The Distillers) Oh mon Dieu ! Hum !

ANR : The Distillers sont programmés au prochain Hellfest, je pense assister à leur prestation…

ZRSS : Merci d’avance pour eux ! Il y a neuf ans de cela, ils ont donné un concert secret à Berlin, dans un club très confidentiel, d’une capacité maximale peut-être de deux-cent personnes, et j’ai eu la chance d’obtenir un billet : ce fût le meilleur moment de ma vie !

ANR : The Hellfreaks sont désormais chez Napalm Records. Tout se passe bien avec Napalm ?

ZRSS : Oh ouiiiiii ! Tu sais, c’est quand même très différent d’être chez Napalm plutôt que chez des petits labels comme nous le fûmes des années durant, c’est la première fois que nous travaillons avec un grand label… Être signé chez un petit label t’oblige et t’apprend à tout faire par toi-même, car tu ne peux pas faire autrement. Cela comporte des avantages ainsi que des inconvénients. Tu ne peux pas avoir idée à quel point je suis reconnaissante de ne plus avoir à organiser moi-même la promotion comme auparavant ! J’ai donné une quinzaine d’interviews cette semaine, ce qui est beaucoup mine de rien, et suis heureuse de ne plus avoir à organiser ceux-ci !

ANR : A présent, je te donne des noms d’autres artistes signés chez Napalm, ce qu’on appelle en anglais vos labelmates, et tu me réponds si tu apprécies et ce que tu penses d’eux, es-tu d’accord ?

ZRSS : Oh mon Dieu ! J’ai peur de ne pas en connaître certains ! Tu sais, le catalogue de Napalm est si gros (Rires)

ANR : Oui c’est gros : si tu ne connais pas du tout, ou si la réponse s’avère gênante pour toi, je la passerais à l’as dans ma retranscription… Burning Witches ?

ZRSS : J’apprécie indéniablement le fait qu’il s’agit d’un groupe uniquement composé de femmes, donc c’est cool : Thumbs up (NDA : lève le pouce vers la caméra)

ANR : Monster Magnet ?

ZRSS : Tu vois, je ne les connais pas ceux-là, je t’avais pourtant prévenu ! (NDA : ton agacé) Tu ne partiras pas sans m’avoir dit quel est ce groupe, car j’aime également apprendre des choses au cours de mes interviews, les gens me demandent tout le temps des choses, à mon tour des fois de leur demander des choses…

ANR : Tu veux que je te dise ce qu’est Monster Magnet ?

ZRSS : (NDA : montre son smartphone à la caméra) Je vérifie, je suis en train de vérifier !

ANR : C’est un grand groupe, c’est un groupe de stoner…

ZRSS : Un groupe de stoner… D’accord ! C’est probablement pour cette raison que je ne les connais pas parce que, je ne dis pas que je n’aime pas le stoner, mais je n’ai jamais écouté beaucoup de stoner…

ANR : Pour faire rapide, tu as deux albums incontournables de Monster Magnet : « Dopes to Infinity » de 1995, et l’autre de 1998… Attends… (NDA : l’interviewer se lève précipitamment)

ZRSS : (Rires)

ANR : (NDA : montre la pochette du CD) « Powertrip » !

ZRSS : (NDA : regarde attentivement sur son smartphone) Je les ai trouvés de mon côté, je les vois, et pour être honnête, je trouve qu’ils ont une apparence superbadassssss ! Je ne manquerai pas d’y jeter une oreille, ils ont l’air très authentiques, tu sais (Rires)

ANR : Très bonne musique US !

ZRSS : Oui !

ANR : Infected Rain ?

ZRSS : (NDA : subitement comme touchée) J’aime… Réellement… Le fait qu’ils soient parvenus à tirer leur épingle du jeu alors qu’ils viennent d’un pays comme la Moldavie. Je veux dire, nous sommes originaires de Hongrie en Europe de l’Est, c’est réellement difficile de percer à l’international quand on vient d’ici, davantage que lorsque l’on vient d’Europe de l’Ouest. Donc, je peux aisément imaginer les difficultés et la somme de dur travail nécessaire afin de percer quand ton groupe est originaire de Moldavie, donc… : Thumbs up (NDA : lève le pouce vers la caméra)

ANR : Jinjer ?

ZRSS : Well Jinjer est un groupe cool, et nous sommes proches d’eux car nous avons le même management. Et je vais te répondre la même chose que précédemment : parvenir à s’imposer comme meilleur groupe de modern metal actuel depuis l’Ukraine impose le respect ! Ils sont uniques et ont créé une musique qui n’existait pas auparavant, ils possèdent leur style propre, et je les aime beaucoup, j’ai un profond respect pour eux spécialement pour les burnes qu’ils ont posé sur la table, ils méritent amplement leur succès, c’est incroyable.

ANR : Agree. The Agonist ?

ZRSS : (NDA : regarde sur le côté, émet un soupir à la limite de l’embarras de bonne copine) Je ne suis pas une grande fan. Effectivement. Mais ce n’est pas contre eux, simplement ce n’est pas mon type de musique.

ANR : Tu as le mot de la fin…

ZRSS : (NDA : se penche vers son micro et susurre) Well, il se passe toujours quelque chose avec les Hellfreaks, je vous propose à tous de nous suivre sur les réseaux sociaux comme ça vous aurez des nouvelles de première main sur ce qui se passe ! Je voulais aussi dire que nous travaillons avec ardeur afin de pouvoir revenir jouer en France, donc j’espère vous voir très bientôt (Rires)

ANR : Merci Mrs Radnóti !

ZRSS : (Sourire) Merci !

ANR : Bonne soirée !

ZRSS : Bonne soirée également ! Take care !

https://www.facebook.com/thehellfreaks

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