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Enter Shikari – Trash Boat – Cody Frost au Trabendo

dimanche/18/12/2022
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« Ce message provoc’ est plutôt marrant, et je ne suis pas le mieux placé pour donner des leçons de pondération. Il est intéressant, car il témoigne d’un manque de curiosité et d’une tendance chez certains, dont la mission est précisément de s’émanciper du marketing, de l’attitude et des préjugés, à les amplifier ». Analyse (emplie de bon sens) dans le mensuel de référence de décembre signée Bertrand Burgalat, du tonitruant et aigre tweet d’un mandarin-citron à l’endroit de rééditions vinyle de Jethro Tull, posture peu convenable (oxymore) mais malheureusement coutumière de quelques sexagénaires, traditionnellement adoptée à l’endroit de certains septuagénaires (des progueux en l’espèce) ainsi que de genres jugés inférieurs et déviants (les musiques extrêmes notamment). Fâcheux, car ces dogmatiques prises de posture ne parlent plus qu’à un quarteron d’orthodoxes au fur et à mesure que s’éloigne la masse créative de la seconde séquence du vingtième siècle ; doublement fâcheux, car bouder équivaut le plus souvent à se priver et ostraciser à ignorer. Chez ANR, à l’instar de la grande majorité des petits médias dématérialisés, la découverte primera ; et hormis éventuelles réserves, nulle vacherie n’est jamais proférée gratuitement et a priori à l’encontre d’un artiste, phénomène quasi-novateur au pays de Sainte-Beuve, où débiner octroie souvent galons, patentes et lettres de noblesse au rock-critique… Dans cet ordre d’idées, ou état d’esprit, suivre la néo-trentenaire Pouniiie (« néo » signalant principalement ici sa famille musicale non son état civil) lors de sa promenade photographique au concert d’Enter Shikari, une formation de post-hardcore britannique des années 2000, ne pouvait que contribuer à l’émancipation de l’attitude et des préjugés.

Ce prolégomène effectué, saut au Trabendo où se déroulait la manifestation. Affiche résolument anglaise. Ainsi que public, comme en attestent intonations baignant le patio et alentours. Juvénile également, les spectateurs et tateuses ne dépassant pas au pif la quarantaine. Voire même la trente-cinquaine. Les atours témoignant de cette supériorité numérique gén’ Z. Pas ou peu de consommation d’alcool. Cela changera pour le coup des concerts d’Overkill. Une nouveauté, tiens : les sanitaires indiquent dorénavant « Toilettes pour tou.te.s (urinoirs à gauche) », cela a le mérite de raccourcir le temps d’attente (NB : ne pas écrire « la queue »). C’est dans ce joyeux contexte que Cody Frost, une rejetonne du Lancashire (comté regroupant Liverpool et Manchester avant le Local Government Act de 1972) émerge à 19 heures 34 sur l’estrade, slammant vocalement sur quelques accords synthétiques préenregistrés, accompagnée par son seul batteur. La participante à la cinquième édition de « The Voice UK » (son équipe était baptisée « Boy George ») arbore une « esthétique audacieuse » (« Edgy Aesthetic ») résultante de cheveux courts (hirsutes sur les côtés façon Keith Flint, courte frange et mulet) teints en rouge pétant, soit l’exacte couleur de son survet’ Adidas à bandes blanches (lequel sans manquer d’évoquer Mel C ou Vickie Pollard), d’un maquillage assorti tout droit sorti d’« Astérix chez les helvètes » (les courtisanes romaines de l’orgie à Condate), de grosses tatanes noires et de piercings variés. Apparence au diapason de femmes-chats vêtues streetwear parsemant l’assistance. Sa manière de mouvoir, naturelle et désarticulée, n’évoque en revanche pas grand-chose d’identifiable, hormis peut-être la Björk des Sugarcubes. L’influence de la brune fée des glaces (en solo) est perceptible dans le timbre et la musique (prédominance du tom basse) de Cody. Laquelle fait en définitive penser à Ruby, une grunge écossaise (Silverfish) à l’album trip-hop naguère remarqué (« Salt Peter », 1995) et à redécouvrir. Pour l’heure, la découverte de cette exubérante anglaise (« I’m Codie from the North of England and this is my Drummer… ») légitime cette soirée au septentrion parisien. Une belle voix, du drum and bass, quelques emprunts à Prodigy, des luminosités rougeoyantes… et de la franche gouaille à l’anglaise. Une audience réceptive.

Lumières rallumées à 19 heures 56 tandis que la sono diffuse « Pretend We’re Dead » de L7. Puis à 20 heures 13 « Three Lions (Football’s Coming Home) » l’hymne chauvin concocté par Ian Broudie (The Lightning Seeds) pour l’Euro 1996 puis pour la Coupe du Monde 1998, diffusion remémorant tant l’origine géographique des vedettes de ce 8 décembre 2022 que le contexte global. L’enceinte s’en moque et a visiblement la tête à autre chose qu’aux scopitones de pubs. Fond sonore bristolien à 20 heures 15 pour l’accostage de Trash Boat, un quintet formé en 2014 à St Albans (bourgade pavillonnaire du Nord de Londres connue pour ses vestiges romains… et Enter Shikari). Eux affirment pratiquer du « punk rock »… « hardcore » voire « post hardcore » seraient plus justes appellations tant nous sommes dès les premières mesures éloignés des Pistols ou des Clash… Une musique forte, musclée même, assenée par des godelureaux encapuchonnés et tatoués, dont la gestuelle est davantage imprégnée du NY/HC à la Biohazard que de la malice gothique d’un Dave Vanian (au hasard). Non dissous l’ADN victorien semble substantiellement hybridé avec autre chose en provenance d’outre-Atlantique ; ce dont témoignent les six morceaux de ce set, tous issus de « Don’t You Feel Amazing ? » leur troisième album commercialisé l’an dernier par les californiens d’Hopeless Records (entre autres Sum 41, Avenged Sevenfold… et Enter Shikari). Une musique compacte, de temps à autre augmentée de rythmes discoïdes (modèle Gang of Four), le tom basse étant ici aussi largement mis à contribution. L’accent de Tobi Duncan, introduisant chaque chanson, nous ramène néanmoins et à intervalles régulières vers l’intrépide Albion. A l’image de son attachante devancière, que l’on aperçoit woker à d’autres occupations dans les travées, le screameur finira la prestation en débardeur. Noir celui-ci. Un jeune couple, que l’on devine amis, pogote en duo complice au fond aux abords du patio sur l’haletante rengaine « He’s So Good » qui clôt la performance. Les cinq dégagent rapidement de scène à 20 heures 43. Telle une firm.

Seconde pause. Et conversation engagée avec deux spectateurs à l’extérieur, dans plusieurs sens du terme puisqu’ils sont pareillement supporters d’Aston Villa (le Club de cœur de Geezer Butler… mais aussi celui d’Ozzy Osbourne m’informent-ils, rien ne portait pourtant à croire que la goule de Birmingham s’intéressait à ses heures perdues au référentiel bondissant) et ont planifié une fin de semaine outre-Manche afin de voir le concert d’Enter Shikari ce jeudi puis de rester à Paris assister au décisif (ou fatidique) France-Angleterre du samedi. Retour une seconde fois à cette fameuse actualité mondiale ; et en ce 8 décembre à une échéance un tantinet anxiogène… On se rassure et reprend de l’assurance par un ou deux « If Mbappe is hot, we’ll see… », glissant au passage aux affables interlocuteurs que la commune de ce dernier se situe à seulement sept kilomètres à l’est, suscitant en retour surprise et vif intérêt. Rien de crucial c’est vrai, tout comme l’est le fait de savoir que « Shikari » veut dire « chasseur » en hindi, et que c’était le nom du rafiot du tonton de Rou Reynolds, le chanteur et multi-instrumentiste (guitare, synthé, programmation, percussions et trompette) des quatre coqueluches du Herts. Et appréhender leur musique lorsque l’on est néophyte n’est pas chose aisée. Le constat étant que celle-ci semble à première vue s’être complexifiée et notablement enrichie depuis leurs débuts vers 1999. Patent à l’écoute de leur « Nothing Is True & Everything Is Possible » paru en 2020. Hybridée même : « Hybryd » fût d’ailleurs le premier blaze du groupe. Une prédestination nominale. « Tainted Love » dans la sono sonne la fin de la récré et des discussions foot (on venait de commencer à comparer MC et PSG…). Entrée des lads modernistes à 21 heures 14 sous les néons, vivas et cris suraigus, ainsi que sur les claviers et cuivres (samplés) du récent « THE GREAT UNKNOWN ». Une approche typiquement anglaise. Pourvue d’un son massif et contemporain. Ovation du Trabendo. Suit le saccadé « Destablise », puis un « Bonsoir Paris… ça fait… du bien… d’être de retour… en France », amusante amabilité quand on sait que l’assistance n’est pas spécialement parisienne, ni même foncièrement française. Coupure inopinée du jus de la guitare de Liam « Rory » Clewlowau à la quatrième (« modern living… ») des dix-neuf plages du set, une panne d’avance absoute par ce public conquis (« Et vous avez payé pour ça ?!? » questionne Rou, faisant très lointain écho à l’ultime saillie scénique de Johnny Rotten). Le charismatique (il y a quarante ans on aurait adjectivé « héroïque ») « the pressure’s on » constitue un temps fort de la prestation. Tout comme « Sorry, You’re Not a Winner » leur classique de 2003, ou le vitaminé « Bull » joué pour la première fois en public, avec Cody Frost de retour sur les tréteaux. Un Trabendo affichant complet passe d’une inspiration voisine de The Streets (« Gandhi Mate, Gandhi ») à une autre plus proche de Coldplay (« satellites* *») sans véritablement ressentir de trou d’air conceptuel. Rappel à 22 heures 28 sur… « Heroes » du Thin White Duke, une version quasiment clamée a capella. La salle étant par contraste silencieuse, méditative. S’ensuivent « { The Dreamer’s Hotel } » (cette propension à faire mumuse avec le clavier de l’ordi dans les intitulés…), puis la gambillante chansonnette électro « Live Outside ». Extinction des feux (où plutôt des surpuissants stroboscopes et lasers) à 22 heures 42. Un roadie dépose le proto-ordinateur de la pochette de « The Spark » au centre d’une scène désertée, représentation de cette prédominance technologique, tandis que la foule se disperse, rassasiée après quatre années d’attente. La farandole anglaise doit se produire demain mêmes créneaux horaires à Wasquehal (prononcez « Ouaskal ») pour la deuxième date de cette incursion continentale. Retour donc, vers la zone de confort intellectuel habituelle. Et fin d’une soirée de décembre délibérément placée sous le signe de la curiosité, et incidemment de l’exotisme. Ne jamais mépriser Jethro Tull, y compris Metallica a retenu cette leçon.

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