HOT on the rocks!
Interview de Qamelto (jeudi/04/04/2024)
Interview de Myrath (jeudi/07/03/2024)
Interview de abduction (mardi/19/12/2023)

INTERVIEW D’ ARKAN

lundi/19/10/2020
771 Views

c est avec un immense plaisir d aller discuter avec FOUED et MUS de LILA H , dernier album en date du groupe ARKAN

Art’n Roll : Salut Foued, heureux d’avoir des nouvelles d Arkan, comment allez-vous ?

Foued : Eh bien nous, ça va. On sort d’une période de confinement comme tout le monde avec plein d’interrogations, mais l’album était prêt, l’album a été un peu décalé parce qu’il devait sortir en plein confinement. Oui, on est super content enfin de pouvoir présenter ce qu’on a produit il y a quelque temps

Art’n Roll : vous vous considérez toujours dans une schématique de musique culturel, musique du monde avec un message à faire passer ?

Foued : Oui, ça fait partie de l’ADN du groupe. La partie mixte de cultures, de sons, d’instruments, c’est quelque chose d’important. Après, ça définit initialement les premiers albums parce qu’il y avait aussi la volonté d’imposer un style. Aujourd’hui c’est quelque chose qu’on perçoit, c’est quelque chose qu’on a mixé peut-être de manière un peu plus harmonieuse. Il faut tendre l’oreille parfois pour deviner… c’est un album en fait qui va se découvrir au fur des écoutes comme pour l’album Kelem.

Art’n Roll : ce qui est impressionnant dans votre carrière c’est tous les groupes dont vous faites partie et dont vous avez fait partie. Et on se demande si ce n’est pas la force d’ARKAN. Vous venez tous de plusieurs formations différentes ?

Foued : Oui. Manuel et moi on a fait partie d’un groupe, The Old Dead Tree, qui était très impressionnant en termes de compos avec énormément de richesses musicales, d’expériences et d’émotions. Effectivement, c’est une base sur laquelle on a pu s’appuyer pour aussi créer un ARKAN très différent de The Old Dead Tree sur plein de points et qui se rejoignent à un moment donné parce que le chanteur, parce que le batteur…

Art’n Roll : Je vois qu’il y en a qui faisaient partie de Melted Space ?

Foued : Oui, c’est Manu. Il était chanteur dans Melted Space. Mais ce n’est pas un élément sur lequel on s’est beaucoup appuyé. Ça fait une richesse, mais ce n’est pas quelque chose qu’on revendique en fait.

Art’n Roll : Donc Manu vous a rejoint en 2016. Ce qui est intéressant, c’est que certainement la direction musicale de The Old Dead Tree ne lui plaisait plus ?

Foued : Ah, c’est intéressant comme sujet.

Art’n Roll : Parce que le groupe n’est pas dissous, il existe toujours ?

Foued : Parce que ça faisait partie à un moment donné de son ouverture d’esprit musicale. Il avait joué dans Melted Space, il a joué dans ARKAN, il a aussi fondé un nouveau groupe Rouge Carmin… à un moment donné, après fait une pause de quelque temps il est revenu avec beaucoup d’énergie et ça lui a permis de faire plusieurs groupes, de participer à des projets… il avait le besoin de revenir, je pense. Et puis, c’était aussi un souhait qui était fort de notre part et de ma part. Après que Sarah soit partie, soit il nous fallait un chanteur d’envergure… Manu c’est quelqu’un d’impressionnant et il avait cette volonté peut être de nous retrouver sur quelque chose d’un peu différent et l’album Kelem représente ça.

Art’n Roll : Sarah qui a quitté le groupe. Sofia est l’album le plus intimiste d’ARKAN ?

Foued : Oui, je suis d’accord.

Art’n Roll : Est-ce que pour toi c’était la fin d’un chapitre plus qu’un changement de label ? Il s’est passé beaucoup de choses pendant cette année-là.

Foued : Oui, Sofia, c’est un aboutissement avec un message qui a été diffusé de manière un peu intimiste où l’émotion prenait le pas sur tout le reste… je pense que c‘est à ça dont tu fais référence et tu as tout à fait raison… effectivement, quand Sarah est partie on s’est retrouvé avec deux directions possibles, soit changer le nom du groupe, changer de direction et faire quelque chose de différent avec Manu, ou conserver l’origine d’ARKAN, l’expérience d’ARKAN et utiliser notre musique pour faire quelque chose avec quelqu’un de différent, mais garder l’authenticité du groupe… enfin, l’authenticité de notre musique. En effet, les deux solutions auraient été bonnes, garder le nom ARKAN avec le vécu, l’expérience, ça avait aussi du sens… aujourd’hui, je ne regrette pas qu’on ait pris cette décision-là. Mais on aurait pu changer de nom avec l’arrivée de Manu, ça aurait pu se faire. Maintenant, ça aurait été dommage parce que ça aurait voulu dire de tirer un trait sur un groupe qui avait un vécu et des choses à dire. On a eu des choses à dire encore jusqu’à cet album-là, et à chaque album on avait des choses à dire.

Art’n Roll : Finalement, quand vous allez refaire des concerts, est-ce que les chansons avec Sarah vous comptez les rejouer ?

Foued : Bien sûr, on a fait des concerts où Manu a repris les partis de Sarah. Et puis, ça a tout son sens. On ne renie pas ces périodes-là.

Art’n Roll : Votre dernier album qui sort, Lila H. Déjà, la signification du titre ? J’ai remarqué qu’il ressemble beaucoup à l’album de hilal qui est sorti en 2013 et vous avez échangé les lettres. C’est voulu ?

Foued : Oui.

Mus : En fait, on s’attache beaucoup aux symboliques dans ARKAN depuis le début. À chaque fois qu’on donne le nom à un album, il y a plusieurs lectures au niveau du titre. C’est le cas cette fois-ci aussi dans LILA C’est aussi un prénom, c’est le prénom d’une fille, en arabe, ça veut dire « La nuit ». L’obscurité est très exploitée dans l’album, on parle de l’obscurantisme, on parle aussi des révolutions, on parle de notre colère, de la part sombre de l’humain… et, Lila ça veut aussi dire en arabe « au nom de Dieu » et ça prend en charge tous les fous de Dieu, tous ceux qui ont été manipulés dans tous les sens par les croyants par les religions. Ça veut dire aussi « à Dieu ». Il y a plusieurs lectures en fait.

Art’n Roll : C’est le personnage qui est en couverture de la promotion ?

Mus : C’est un peu ça. Le personnage qu’on trouve sur le site, c’est cette figure de l’obscurité, c’est une sorte de spectre qui se balade délabré et qui représente un peu le côté sombre de l’homme. Et il y a aussi notre vidéo qu’on trouve sur notre site aussi où au contraire c’est un gamin qui marche aussi dans une ville délabrée, mais en pleine lumière et qui a une sorte d’espoir, qui part vers la lumière. C’est à la fois le côté sombre qui rôde dans les rues et aussi le côté espoir de l’enfant qui avance vers la lumière.

Art’n Roll : J’ai remarqué que vous avez toujours 12 titres dans chaque album. Peut-être un album où il y en a 13…

Mus : C’est surtout Foued qui s’attache le plus à ce symbole

Foued : … oui, le nombre de lettres sur chaque nom de l’album, il y a cinq lettres. Le nombre de titres, c’est systématiquement le même… et je crois que pour l’album dont tu parles, en fait, c’est une problématique de numérologie, mais en fait il y en a 12 parce qu’il y a un nom qui n’est pas un titre… mais en effet on est très attaché aux symboles, c’est important pour nous que chaque nom d’album représente quelque chose. Le premier album c’était un croissant de lune, il y avait toute une signification sur l’émergence d’un signe qu’on voulait porter. Aujourd’hui, c’est la nuit… la boucle se boucle à un moment donné dans un message qu’on veut entier. Sur les 13 ou 14 ans d’existence du groupe, il y a tout un tas de choses et on a essayé d’être lunaire, d’avoir une projection assez intelligible des messages qu’on voulait porter, qui soient des messages de tolérance, de paix, de prise de hauteur sur les situations qu’on a vécues que ce soit dès le premier album avec la paix dans le monde ou les guerres fratricides entre communautés d’obédience ou de différence… mais il y a tout un tas de symboliques dans notre musique. On est très attaché à ça.

Art’n Roll : L’album parle en fait de ce qui s’est passé en Algérie en 1990 avec la fin des partis politiques et l’arrivé de ces groupes islamistes. En fait, en France, on n’est pas trop au courant de ce qui s’est passé dans les années 90 et j’ai l’impression que vous aviez envie d’en parler, que vous avez attendu ce moment-là . Nous, en France on a connu la guerre d’Algérie… Et après, aujourd’hui, on a essayé de renverser le président… mais, les années 90 en Algérie ont rarement étais évoqué dans les médias ?

Mus : Tout à fait. C’est une façon d’essayer de garder une sorte de devoir de mémoire et de rappeler, d’expliquer, raconter l’histoire de ce qui s’est passé dans notre pays. C’est très compliqué d’avoir des informations sur cette période aujourd’hui. Le temps a fait son travail de l’oubli. Or, cette période-là est constitutive et fondamentalement importante dans la société algérienne, notamment vis-à-vis des événements qui se passent aujourd’hui même en Algérie avec tous les mouvements de contestations entre le gouvernement actuel et qui s’inspire au final de ce qui s’est passé dans cette période et justement en évitant toutes les erreurs qui ont été commises pendant cette période-là. C’est un peu ça le message, c’est de raconter une histoire qui est très intense, très dense, très douloureuse en rappelant aux gens de ne pas commettre les mêmes erreurs qui ont été commises.

Art’n Roll : À cette époque-là, faire de la musique en l’Algérie ça devait être difficile ?

Mus : Oui tout à fait. Paradoxalement ça ne nous a pas empêchés d’en faire. Quand on était jeune ado et un peu jeune homme, on faisait du metal à l’époque en Algérie et on arrivait très bien à faire des concerts. Bon, c’est nous qui faisions absolument tout parce qu’il n’y avait pas réellement de structure pour organiser des concerts, mais ça se faisait. On arrivait très bien à faire des concerts.

Foued : Il y avait un public et la musique était contestataire. Moi, je ne l’ai pas vécu, j’ai grandi en France, mais des images et des vidéos que j’ai pu voir du passé de Mus ou de Samir, la musique était portée, c’était un exutoire qui avait une force et qui est même à l’origine du hard rock ou du metal. C’est avant toute une musique contestataire à la base avant de devenir un divertissement avec des gens qui se maquillent, etc. avant, c’était quelque chose où l’on voulait hurler un message et le faire entendre très fort. C’est comme ça je pense que ça a été vécu, je pense, chez vous. Et ça s’est fait avec un public qui était là pour supporter. C’est extraordinaire ça. C’est là où on voit la force du metal, c’est une musique universelle

Art’n Roll : Vous aviez déjà des fans ?

Mus : Oui, c’était rempli. On était dans des salles devant 500 ou 600 personnes. Ce qui était intéressant de voir, c’est que dans le public il n’y avait pas que des metalleux… franchement, il y avait tout le monde, y compris des personnes qui passaient par là… « tiens, il y a un concert, je rentre… ». C’était génial justement. Là, quand on a joué en Algérie il y a trois ou quatre ans, pareil, la salle était remplie et il y avait de tout en fait. Il y avait même des vieux et des vieilles…

Foued : Il y a aussi une soif de culture dans ces pays-là, dans tous les pays du Maghreb. Finalement, on nous a donné la chance et la possibilité de jouer dans ces pays-là, mais ils accueilleraient le monde entier s’ils le pouvaient.

Mus : Oui, ils sont très demandeurs de ce genre de musique.

Foued : De la musique de manière générale, de la musique européenne. La musique metal a un vrai public.

art n roll : tout en restant discret ?

Foued : Non. Là c’était supporté par le ministère de la Culture, on a été pris en charge par l’État. Nos messages ont été lus. Quand on arrive, on savait qui était ARKAN, on savait qu’elle était notre musique et on nous a laissé nous exprimer quand on parlait de paix, de tolérance… tous ces messages-là ont été portés par le groupe ils ont été portés aussi par les autorités locales. Ça donne une image de ce pouvoir-là, de ces pays-là, de ces gens, de ce peuple-là qui restera gravé. Notre rêve, c’est d’y retourner, même éventuellement d’aller plus loin, de ne pas s’arrêter au Maghreb.

Art’n Roll : Faire éventuellement des premières parties ?

Foued : Oui, exactement. Et toute notre musique prend son sens.

Art’n Roll : Vous faites partie de cette culture, de ces groupes qui parlent de vos origines mêmes des peuples. Vous êtes un peu dans le mode Pagan… plus profond, moins dans le côté festif ?

Foued : Oui ça a du sens aussi la musique Viking parce qu’elle porte aussi des messages ancestraux. Il y a de la place pour tout le monde. Et nous en fait, quand on est arrivé, la mode Pagan n’existait pas, il y avait le Black metal qui revendiquait autre chose… c’était plutôt marqué politiquement, nous, on arrivait avec l’envie de partager nos cultures, nos origines, et aussi faire passer un message qui était fort, on ne vient pas du même endroit et pourtant on avait le même message à faire passer qui était « aimons-nous, aimez-vous, tolérez-vous, respectez-vous… on va passer des moments difficiles » en fait, on a passé des moments difficiles, quels que soit les moments. Et là, le monde qu’on vit aujourd’hui est très fort, mais avant, il y a eu dans certains territoires les printemps arabes et compagnie…

Art’n Roll : Deux titres sortent du lot My Son et black decade. Au niveau de la voix, une voix claire, et de la puissance de la musique… je voulais savoir ce que vous en pensiez, surtout My Son. Elle est très forte au niveau du clip ?

Mus : Alors, le clip, c’est juste des images et des photos un peu emblématiques de cette période-là qu’on a récupérées à gauche et à droite. Il y en a une particulièrement qui est significative, elle raconte l’histoire de mon père qui un jour, j’étais gamin, me dit « mon fils, si tu es dans une situation grave, au moindre problème, au moindre coup de feu, à la moindre explosion, tu cours, tu rentres à la maison tu fermes les volets. C’est ça l’instruction numéro 1 ». Toi, tu es un gamin, tu as 10 ans, tu ne comprends pas trop ce qui se passe, mais en tout cas tu sais qu’il y a un problème, une gravité, une insécurité qui était catastrophique…

Art’n Roll : Tu étais à Alger ?

Mus : Oui, j’étais à Alger. En fait, cette histoire c’est un jour où il y a eu des islamistes qui ont voulu récupérer la zone de la ville de Kouba et les mecs sont venus en force ont essayé de mettre une sorte de coup d’État local. Leur stratégie c’était de créer le chaos et la panique. Ils ont appelé toutes les écoles primaires et ils ont dit qu’il y avait une bombe dans l’école. Donc, toutes les écoles ont été évacuées. Et à ce moment-là, les mecs avaient essayé en réalité de prendre la mairie. Ils tiraient dans tous les sens, l’armée a été déployée parce que c’était costaud… il y avait des groupes armés aussi. Donc là, ça tire dans tous les sens, on te dit que l’école va exploser, donc, tu cours. Et une des photos qu’il y a dans le clip, c’était justement la photo de la sortie de mon école sur la rue avec la police autour de cet événement-là. Quand tu es gamin, en fait tu ne ressens pas la dangerosité de la situation, c’était plutôt mon père. Il y avait ma sœur qui était au collège et il a dû avoir la décision la pire de sa vie « quel enfant je vais aller récupérer à l’école ? » C’était ma sœur qui était au collège le plus loin… donc, il est parti récupérer ma sœur, il a envoyé un pote à lui pour me récupérer. Moi, j’ai appliqué la consigne, j’ai couru et je suis rentré à la maison.

Art’n Roll : D’où les paroles. Mais qui écrit les textes ?

Mus : Essentiellement Florent et Manu. Après, bien entendu, on les a tous lus…

Foued : Oui, c’est surtout inspiré des histoires de chacun des membres, Samir et Mus. L’idée c’est que le processus d’écriture se fasse en deux temps. La première étape, ça a été les interviews. C’est-à-dire que Samir et Mus n’étaient pas prêts à en discuter. C’est très juste ce que tu disais en avant-propos. En fait, il y a eu un moment pour en parler, et ce moment-là n’avait pas eu lieu avant. Et pour cet album, quand il a été question de composer des chansons et d’y mettre des titres, naturellement Samir et Mus se sont sentis prêts à parler de leur vie et de marier la musique qui avait commencé à prendre forme. La fin de la composition a matché avec l’écriture des paroles et c’est ce qui fait que c’est vraiment très intense. La composition s’est terminée avec l’écriture des paroles. Il y a une vraie phase de recherche avec des interviews, de longs interviews hyper intenses intimistes. Je n’ai pas eu le droit d’y assister pour être très honnête parce qu’il y avait un travail d’introspection qui pouvait être douloureux. Après cette phase-là, il y a une phase d’écriture qui devait être la plus pertinente possible pour parler de cette histoire. C’était une écriture macro où tu racontais une situation. Ce titre-là, My Son qui est extraordinaire, le héros parle à la première personne. Il y a cette symbolique qui est très forte avec l’accord de Mus « est-ce que tu es d’accord pour que je parle de ton père, que je parle de toi ? » C’était extraordinaire. Et la voix est magnifique.

Art’n Roll : C’est rare dans les autres albums ?

Foued : Oh, il y a eu… sur Kelem. Je suis tout à fait d’accord avec toi, My Son est extraordinaire et le chant de Manu est extraordinaire, il y a une prise de risque. Mais rappelle-toi que sur Kelem il y a un ou deux titres… à se demander si ce n’était pas Sarah qui chantait.

Art’n Roll : Et en même temps, l’album a un côté très symphonique qu’on n’a pas l’habitude d’entendre chez ARKAN ?

Mus : Non, pas du tout, l’objectif n’a jamais été symphonique en soi. Nous, on réfléchit plutôt en termes de mélodies. Quand on compose un titre, on se rencontre d’abord par des mélodies. C’est souvent des mélodies très simples de trois ou quatre notes. C’est d’ailleurs très important pour nous, on se dit « Ouais, une mélodie, c’est trois notes et pas plus… » cette mélodie-là, on l’a fait tourner, on l’a fait évoluer dans un process d’échanges, de répètes, etc. et au final ça a abouti à quelque chose de plus complexe. Et parfois on a envie d’appuyer certaines mélodies par rapport à d’autres. D’où l’intérêt de l’utilisation de certains… on va dire, « stratification » d’instruments. Parce que parfois ça sonne comme étant une instrumentation de type classique, mais en fait, ce sont des guitares électriques… il y a une quantité industrielle de guitares électriques qui sonnent, qui résonnent. Et avec des effets, ça donne une impression qu’il y a un orchestre derrière. On a aussi travaillé avec un pote du lycée Jean-Charles qui nous a aidés, justement, sur ce point précis d’orchestration avec des potes à lui qui ont enregistré des instruments à cordes, violoncelle, violon… ils les ont enregistrés plusieurs fois et ça donne un peu ce côté….

Foued : Il a fait le rôle d’arrangeur ce qui nous a permis de prendre un peu de hauteur par rapport à ce qu’on composait. L’idée c’était « quels sont les instruments qui peuvent servir le propos ? » Quand il faut que ce soit intimiste ou que ce soit simplement percutant, eh bien il va y avoir une guitare électrique, une basse et une batterie. Quand ça doit être beaucoup plus imposant et plus puissant, on va multiplier les instruments ou le même instrument à plusieurs reprises.

Art’n Roll : Dans le dernier album, j’ai l’impression que vous utilisez un peu moins la langue arabe. C’est voulu ou pas ? Genre le tadjwid ?

Foued : En fait il y a une première contrainte qui était que Abder, le premier chanteur, et Sarah parlaient arabe. Donc il y avait de leur part aussi la volonté de porter… en fait, c’était écrit en anglais et ils ont retranscrit en arabe parce que ça leur semblait plus naturel… donc, la question ne s’est pas vraiment posée au moment où on composait. Quand les paroles ont été écrites, la question ne s’est pas posée et Manu aurait chanté en arabe si on lui avait proposé, mais ça ne s’est jamais présenté. Si ça avait servi le propos je pense qu’on l’aurait fait et Manu qui est plutôt polyglotte il aurait parfaitement parlé arabe s’il l’avait fallu… d’ailleurs, tu nous surprends parce qu’en fait, on ne s’est pas posé la question.

Art’n Roll : En parlant de Fredrik Nordstrom, c’est votre producteur ?

Foued : … préféré.

Art’n Roll : J’imagine parce que vu le C.V. (At the gates , Arch enemy)

Foued : Et ARKAN.

Art’n Roll : Et ARKAN, c’est le quatrième album avec lui.

Foued : Oui, c’est notre meilleur ami, c’est le parrain de nos enfants.

Art’n Roll : Vous allez en Suède ?

Mus : Oui, pour nous c’est important. Le fait de s’isoler, de s’enfermer dans son studio ça nous permet à la fois de travailler plus parce qu’il est très exigeant. Le but, c’est de faire le moins de traitement possible sur les instruments, mais au contraire, pousser les musiciens dans leurs retranchements, dans leurs limites pour avoir la meilleure prestation possible. Donc, c’est un mec très perfectionniste. Et nous, on voulait ça aussi, on voulait quelqu’un qui nous pousse à bout…
Foued : Parce qu’on est déjà perfectionniste…

Art’n Roll : On sent qu’il vous a poussé à bout. Surtout le chant de Manu.

Foued : Il nous a tous poussés à bout et ça prend tout son sens. Le chant de Florent est aussi impressionnant. Et c’est là où tu vois l’exigence poussée à son paroxysme. En fait, il ne se satisfaisait pas de quelque chose de très très bien… il était capable d’acculer pour que tu donnes le meilleur de toi-même. Voilà l’état de grâce qu’on retrouve parfois dans certains titres, c’est le niveau d’exigence de quelqu’un… Et on avait besoin de ça parce que le travail qu’on avait fait sur cet album-là, on était en huis clos, on a travaillé, on a intégré un arrangeur qui a tourné sa patte… mais finalement, on n’avait pas l’avis de quelqu’un un peu critique. Et lui, il a été très dur avec nous. On lui a envoyé évidemment la maquette avant et son avis était important pour nous parce qu’on savait ce qu’on voulait, mais on ne savait pas comment y arriver.

Art’n Roll : Vous êtes restés combien de temps avec lui ?

Foued : 15 jours avec une dizaine de jours de prise et après le mixte, le mastering… Voilà, pour nous c’est systématiquement des expériences puissantes.

Art’n Roll : J’imagine, surtout avec un producteur comme lui.

Foued : Producteur, oui, mais il n’y a pas que ça… sur la première partie on avait besoin de lui et il y avait aussi le besoin de se retrouver tous ensemble à finaliser quelque chose qui signifiait beaucoup pour nous, que ce soit sur le plan de la musique, mais surtout sur le plan des paroles. Et le fait de pouvoir le faire hors de chez nous, en vase clos, il y avait quelque chose d’important ne serait-ce que dans l’émotion qu’on voulait retranscrire. Et donc, la Suède, ça s’y prêtait à 200 %.

Art’n Roll : En fait, ARKAN, ça veut dire pilier en arabe ?

Foued : Exactement, oui… vous êtes les piliers du spectacle (rires)…

Art’n Roll : on a une actualité difficile… des projets ? une tournée ? On est dans l’incertitude, on ne sait pas où on va…

Mus : Bah, comme tout le monde. On est en attente.

Foued : On a des projets qui sont malheureusement tombés à l’eau. On est optimiste, et on est surtout positif. On se dit qu’on a la santé, que cette sortie-là forcément déclencher des choses et qu’on sera prêt à y aller. Maintenant, ne fais pas de plans sur la comète, ça n’a pas de sens.

Art’n Roll : Si vous aviez des choses à dire pour les fans ? un dernier mot ?

Mus : Bien sûr, il faut soutenir les musiciens parce qu’ils en ont besoin, surtout la scène française en a besoin… protégez-vous, protégez les anciens qui sont le plus impactés par cette maladie.

Art’n Roll : … Avec le COVID, avez vous finalement l impression que les médias soutiennent mieux la scène française?

Foued : Oui, c’est le sentiment qu’on a.

Mus : C’est une scène qui souffre déjà, qui est à l’agonie depuis plusieurs années en réalité. Oui, il faut la soutenir en priorité. Je m’inquiète un petit peu quand je vois que sur Facebook le nombre de mes potes musiciens qui sont en train de vendre leur matos. C’est assez significatif. Laurent disait que rien qu’en Angleterre le tiers des musiciens a disparu tout simplement pour faire un autre boulot… ce qui risque de se passer, c’est la disparition d’une scène… le fait de la soutenir activement, notamment en écoutant de la musique, en rachetant des CD, aide les musiciens à survive.

Art’n roll : et se procurer des albums?

Foued : Oui, des CD physiques. Parce que le streaming, c’est très bien et on aime nos clients en streaming, mais c’est une goutte d’eau… nous, on a aussi besoin d’avoir… nous, on est fétichiste, on adore acheter des CD, c’est aussi ce qui rémunère le groupe. Donc, quand on est auditeur de musique et qu’on aime en achetant les CD, parce que c’est ce qui fait vivre les groupes de notre envergure. Ne laissons pas disparaître une scène qui est vivace.

Art’n Roll : Merci. On espère vous revoir sur scène parce que ça nous manque, voir ARKAN sur scène dans un grand festival. Je pense qu’on va se retrouver bientôt dans de bonnes conditions. Merci à vous.

Leave A Comment