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Interview avec Vincent de Theraphosa

jeudi/21/05/2020
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Ayant adopté celui d’un arachnide comme nom, Theraphosa est une formation francilienne appliquée et prometteuse, composée de deux frères et de leur symbiote (Vincent, Matthieu et Martin). Les nouveaux-venus ont publié leur premier album le 24 avril 2020 chez Season of Mist, « Transcendence » : un remarquable concentré de metal sombre, cérébral et déterminé. Entretien téléphonique du 11 mai 2020 avec Vincent, le frère chanteur et guitariste…

Art’N’Roll : Salut ! Tout va bien ?

Vincent (chant et guitare) : Tout va bien !

ANR : Commençons, en évoquant votre figure de proue : la theraphosa est la plus grande des araignées vivantes… Lequel de vous a eu l’idée de ce nom ?

V : C’est moi ! Les araignées sont ma passion depuis tout petit, notamment les mygales.

ANR : Avez-vous pensé à d’autres symboles, au moment de choisir le nom ?

V : Non pas vraiment, c’est venu très naturellement et unanimement.

ANR : Quels sont vos âges respectifs ?

V : J’ai trente ans et mes deux acolytes ont vingt-cinq ans.

ANR : Tes deux acolytes sont tes frères ?

V : L’un est mon frère biologique, l’autre est mon frère « de sang versé », comme j’aime à le dire…

ANR : Effectivement, sur les photos, deux des trois membres se ressemblent beaucoup, et un moins, mais il y aurait quand-même un air de famille entre vous trois…

V : Tu vois, faire de la musique ensemble a dû le faire muter…

ANR : Votre tout début de parcours est marqué par cette collaboration avec Jan Rechberger, le batteur d’Amorphis, lequel vous a épaulé pour la conception de votre premier EP à Helsinki en 2018, sobrement intitulé « Theraphosa »… Votre dossier de presse évoque à ce propos une « alchimie totale » entre vous… Comment un jeune trio francilien entre-il en contact, puis en fusion, avec un professionnel finlandais ?

V : C’est simple : c’est par l’entremise de Denis Goria, un photographe et réalisateur de clips, qui travaille habituellement avec les groupes de la scène nordique, dont Amorphis, mais également Nightwish, Pain… beaucoup de gens en bref ! Nous avons réalisé nos photos de groupe avec lui, et il a fait écouter un de nos morceaux de l’époque à Jan, puis lui a demandé s’il était intéressé par une collaboration avec nous. Il a accepté, et nous nous sommes rendus sur place durant une période impartie de cinq jours, afin d’enregistrer les cinq morceaux composant cet EP. Nous avons travaillé ensemble de manière intense, nous nous sommes enfermés en studio, et nous nous sommes très bien entendus, nous rigolions bien. Musicalement, Jan a apprécié notre projet, et c’est vrai qu’il y a eu alchimie totale entre lui et nous !

ANR : Jan Rechberger est-il toujours en contact avec vous ? A-t-il écouté votre nouvel album ?

V : Je ne sais pas s’il a écouté l’album. En tous cas, il est toujours en contact avec nous puisque lorsque il se déplace sur Paris avec Amorphis, nous nous rencontrons. Il faudra que je lui demande ce qu’il pense de notre nouveau disque…

ANR : Justement, vous venez de publier chez Season of Mist votre premier album, « Transcendence » : as-tu le sentiment du devoir accompli ?

V : Non, je n’ai jamais le sentiment du devoir accompli, et je pense que ne l’aurais jamais. Je suis content, vraiment très content de cet album, pour autant je n’ai pas l’impression d’avoir terminé quoi que ce soit. Je ne suis pas même certain qu’un jour dans ma vie j’aurais le sentiment d’accomplissement total. Je suis toujours affamé.

ANR : « Transcendence » a été enregistré sous la houlette du producteur Francis Caste, vous avez déclaré à ce propos qu’il avait « instantanément compris le concept du groupe »… Certes, mais quel est le concept du groupe ?

V : De parvenir à élaborer une musique… Comment dire ? (NDA : longue concentration) Quelque part élégante, même si le terme peut paraître étrange, puisque il est difficile de qualifier d’« élégante » une musique, le ressenti étant quelque chose de subjectif… Et avec une petite touche française… Francis Caste a été très sensible à cela…. Quelque chose de bien construit… Dans un esprit de transcendance, un peu épique, qui évoque un sentiment d’élévation… C’est cela, en fait, l’esprit du groupe.

ANR : Ce serait quoi, la « touche française » ?

V : C’est le grand débat que nous avons eu ensemble. Je ne suis pas sûr que celle-ci ne soit tout à fait encore définie. Je pense qu’elle consiste en une réflexion, une façon de concevoir la musique. Il suffit d’écouter Gojira, on ressent quelque chose d’unique. C’est particulier, on sent qu’ils sont dans leur univers, et que cet univers est à eux, et à eux seuls. La touche française serait une réflexion menée en amont quant à la conception de la musique. Il y aurait aussi un aspect visuel, quelque chose de sobre et d’élégant, un aspect que l’on retrouve parfois dans la haute couture. C’est enfin un savoir-faire en voie de maturation.

ANR : C’est aussi mon avis. A ce titre, les années 2010-2020 ne constituent-elles pas la période la plus propice de l’histoire du metal français à l’éclosion d’un groupe comme le vôtre ?

V : Je le pense aussi. Ceci dit, je ne suis pas un spécialiste de la scène française. J’ai néanmoins le sentiment que celle-ci n’a pas été des plus présentes dans l’histoire de la musique metal, et que Gojira a au contraire démontré que nous pouvions produire quelque chose d’unique, de qualité, qui ne se borne pas à une simple reproduction de ce qui se fait ailleurs.

ANR : Vous avez enregistré au studio Sainte-Marthe, situé à la frontière des dixième et dix-neuvième arrondissement de Paris, entre les stations Belleville et Colonel Fabien… Penses-tu que les lieux au sens large du terme, c’est-à-dire le studio mais aussi la localisation de celui-ci, la ville, peuvent influer sur le résultat final d’un disque ?

V : J’ai envie de dire oui, et j’ai envie de dire non en même temps. Tout d’abord le non : parce que, pour ce qui nous concerne, au moment où nous sommes arrivés en studio, nos musiques étaient déjà prêtes à être enregistrées, donc l’influence que peut avoir le lieu s’en retrouve amoindrie. Ensuite le oui : il faut quand-même le reconnaître, l’environnement du studio Sainte-Marthe est un quartier de psychopathes ! Nous nous sommes marrés tous les jours ! Des situations dingues ! Déjà, il y a énormément de monde, cela fait « fourmilière », cela ne s’arrête jamais. De plus, il n’est pas rare d’y croiser des gens qui ont l’air tout droit sorti des urgences psychiatriques, c’est assez amusant ! J’ai plein d’anecdotes : lorsque nous arrivions le matin, il y avait toujours le même mec qui jouait du tuba dans la rue, et qui en jouait toute la journée durant ; ou alors, nous nous faisions systématiquement alpaguer par une dame qui nous racontait à chaque fois des histoires sans queue ni tête… Plus les putes qui nous alpaguaient quand on sortait manger, c’était rock’n’roll ! (RIres) Au début c’est un peu perturbant, puis cela forme au fil des jours comme une sorte de réconfort, car tu as pris les marques et les repères du lieu, de ce qui s’y passe quotidiennement. Dans une certaine mesure, ce quotidien peut influer sur ta création, c’est marrant.

ANR : En tant que guitariste, et en plus du chant, tu alternes rythmiques lourdes et fioritures plus légères : quelles sont tes influences guitaristiques ?

 V : Beaucoup de choses. Pour ce qui est de la rythmique, je dirai le metal au sens large, que cela soit du thrash ou du death. Le dernier truc, même s’il n’est pas si nouveau que cela, qui a impacté et enrichi mon jeu, c’est Meshuggah, une recherche de rythmiques un peu plus extrêmes… Pour tout ce qui est mélodique, je pense que des guitaristes comme Slash ou Zakk Wylde font partie de mes influences. C’est un mélange de tout cela.

ANR : Vous n’avez jamais songé à t’adjoindre un second guitariste ?

V : Nous nous sommes déjà fait la réflexion, car il est vrai qu’un second guitariste permettrait de mieux restituer sur scène ce que nous faisons sur disque. Mais la réponse est non, pour la bonne et simple raison que nous tenons à maintenir cette alchimie développée à trois. Nous ne voulons prendre aucun risque en implémentant un autre membre au groupe. Aussi, parce qu’en douze ans d’existence, le temps et les épreuves, nous possédons un passé commun.

ANR : Quels sentiments ou sensations souhaitez-vous communiquer à l’auditeur ?

V : Une sensation de puissance déjà. D’essayer par la musique de faire prendre conscience à l’auditeur qu’il recèle en lui tout le potentiel, afin de pouvoir être ce qu’il a envie d’être. Une volonté de réflexion aussi : l’inciter à se poser des questions à propos de tout ce qui nous entoure. Une envie de se remettre en question enfin, quant à nos propres certitudes et convictions.

ANR : Peut-on définir Theraphosa par le terme « équilibre » ?

V : Je pense que c’est cohérent. Parce que c’est ce qui est contenu dans notre album. Parce que l’univers est fait de choses qui s’affrontent, et pour autant qui collaborent mutuellement. Et que l’équilibre transparaît également dans la composition de notre groupe : mon frère et moi sommes opposés sur bon nombre de points, et Martin le troisième membre, forme le pont entre nous deux.

ANR : « Transcendance »… Pourquoi ce titre ?

V : La volonté de dépasser, de surmonter, ce qui fait la médiocrité de la race humaine. D’essayer de devenir un être supérieur à celui qu’on était la vieille. De pouvoir puiser au plus profond de soi ce qu’il y a de plus secret et de plus sombre, afin d’affronter la réalité. Tout cela participe du concept de transcendance, d’où le nom de l’album.

ANR : Theraphosa pratique un metal d’aujourd’hui… Aurais-tu néanmoins voulu vivre dans une période musicale antérieure, et laquelle ?

V : Il y en a plusieurs. Celle de la musique romantique, avec Beethoven et Chopin. Celle des années soixante-dix, cela me fascine, j’aurais vraiment aimé voir ce côté extrêmement rock’n’roll de mes propres yeux.

ANR : La musique des années soixante-dix en règle générale, ou une sous-catégorie, un sous-genre ?

V : Tout ce qui est rock, quand même…

ANR : Rock d’accord, mais quel sous-genre, c’est large non ? Aurais-tu gravité dans la mouvance de Black Sabbath ?

V : Pas nécessairement Black Sabbath, plutôt Aerosmith. Ce genre de hard rock, un peu excentrique, un peu glam !

ANR : Dans quel autre groupe aurais-tu aimé jouer ?

V : Il en a plein ! J’aurais bien aimé jouer dans Ghost…

ANR : En tant que suppléant masqué ou en tant que Papa Emeritus ?

V : En tant que suppléant masqué, cela me va très bien, à la guitare. Meshuggah, j’aurais adoré. Mayhem, j’aurais adoré. Rammstein aussi, cela doit être bien sympa !

ANR : Tu cites beaucoup de groupes différents… Justement : à quel public Theraphosa veut-il s’adresser ?

V : Honnêtement, nous ne visons personne en particulier. Tant qu’un individu trouve quelque chose dans notre musique, surtout s’il est différent de nous, cela nous ravit.

ANR : Avez-vous déjà la suite à l’esprit ?

V : J’ai commencé à réfléchir. Mais, pas de là à avoir en tête le concept du prochain album.

ANR : Comment te vois-tu ainsi que Theraphosa, idéalement, dans dix ans ?

V : Idéalement ? Je rêverais de pouvoir jouer au Zénith de Paris, c’est mon rêve absolu. Plus simplement, de pouvoir vivre de ma musique, mes acolytes et moi. Je souhaiterais également pouvoir composer pour le cinéma, pour le jeu vidéo.

ANR : A ce stade, quels enseignements retires-tu de cette expérience ?

V : La première chose, même si cela peut paraître « bateau », c’est de ne jamais renoncer, de ne jamais lâcher l’affaire, même si c’est extrêmement difficile. La seconde, c’est de s’autoriser l’échec, car je trouve que notre société stigmatise très dangereusement l’échec et que c’est contre-productif : au contraire l’échec, justement, nous aide à devenir quelqu’un de supérieur. Il faut savoir prendre des leçons afin de pouvoir avancer. J’ai retiré de mes échecs un mental de guerrier.

ANR : Merci Vincent, je te souhaite le meilleur pour la suite, et à bientôt j’espère !

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