28 ANS PLUS TARD

samedi/12/07/2025
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23 ans ! C’est le temps qu’il a fallu pour que l’une des plus grosses arlésiennes du cinéma d’horreur débarque enfin sur nos écrans. Entre-temps, il s’est passé beaucoup de choses : Danny Boyle a eu l’Oscar du meilleur réalisateur pour Slumdog Millionaire et Alex Garland, scénariste de 28 jours plus tard, est devenu un réalisateur reconnu avec Ex Machina, Annihilation et Civil War. Donc non seulement les deux hommes étaient très occupés chacun de leur côté, mais surtout, ce qui a en grande partie retardé cette suite, ce sont non seulement des problèmes de droits, mais aussi une brouille entre les deux réalisateurs sur le tournage de Sunshine. Pendant un temps, il était question d’une suite se nommant logiquement 28 mois plus tard, et on devait suivre un groupe de survivants en Russie, mais tout ça fut jeté à la poubelle. Finalement, les deux comparses se sont réconciliés, chacun revenant à son poste d’origine (Boyle à la réal et Garland au scénario) et se lançant dans le très intriguant 28 ans plus tard, qui, bien qu’intéressant sur de nombreux aspects, n’est pas dénué de défauts.

On y suit une famille de survivants, réfugiée sur une petite île où vit toute une communauté, à l’écart de tout infecté, et c’est le jour où un père et son jeune fils, Spike, doivent rejoindre la côte pour un rite de passage à l’âge adulte. Et déjà, premier parti-pris qui va diviser : Boyle annule la fin de 28 semaines plus tard, avec cette dernière scène où le virus de la Fureur a atteint l’Europe et où nous voyons un groupe d’infectés en direction de la Tour Eiffel. Dès le début, on nous informe sous forme de carton que la France a réussi à repousser le virus et que tout le Royaume-Uni est sous quarantaine et coupé du monde… depuis 28 ans. Clairement, Boyle a décidé de s’inspirer de tout ce qui s’est passé ces dernières années, notamment le Covid-19 mais aussi le Brexit, où certains parallèles sonnent de façon évidente, surtout avec cette Angleterre coupée de tout et qui s’isole elle-même. Un choix audacieux, mais qui va faire grincer des dents ceux qui rêvaient d’un film post-apo dans une Europe dévastée.

Mais fort heureusement, Boyle n’a rien perdu de ses ambitions visuelles : déjà, il faut savoir que le film a été tourné entièrement à l’iPhone 15 Pro (avec l’ajout de plein d’objectifs différents évidemment), afin de pouvoir travailler plus facilement l’image numérique, lui permettant d’expérimenter certains effets visuels pour pouvoir raconter quelque chose à travers l’image. C’est le cas quand on filme des infectés avec une « night-shot », comme on filmerait des animaux dans un documentaire : les infectés font maintenant partie de la faune et de cet univers, et ils doivent composer avec. Même la séquence où le père et le fils quittent l’île sur le fameux poème Boots de Rudyard Kipling est très significative sur ce que ça raconte, et la difficulté de ce rite de passage. Autre idée qui va peut-être diviser, mais que j’ai personnellement appréciée : le virus a muté ! Maintenant, en plus des infectés rapides et enragés, nous avons les rampants : des contaminés dont le physique ne leur permet que de ramper et de se nourrir de vers. Et surtout l’Alpha, dont le virus a agi comme des stéroïdes, les rendant plus puissants, plus résistants, mais aussi très… contents de nous voir ! (Ceux qui ont vu le film savent…). Boyle enrichit donc son univers avec de nouvelles créatures, de nouveaux codes, pour créer une certaine évolution de ce monde.

On a pu voir certains articles analyser le film comme une critique de la masculinité toxique avec le personnage du père et des infectés Alpha, et c’est quelque chose avec lequel je ne suis pas du tout d’accord. Pour commencer, le père (joué par Aaron Taylor-Johnson) n’est vraiment pas ce qu’il y a de pire dans cette idée, car il se montre aimant et encourageant envers son fils durant toute son initiation, quitte à en rajouter sur ses récits. Et sans spoiler, la seule fois où il se montre violent, c’est quand il a lui-même été poussé à bout suite à divers événements. Certes, cela n’excuse pas tout, mais quand on parle de masculinité toxique, il est vraiment petit joueur face à certaines personnalités existantes. Quant à l’infecté Alpha, il est tout simplement… infecté : il porte en lui une maladie qui le rend complètement enragé 24h/24, et qui a transformé son corps. Il n’a pas décidé du jour au lendemain d’être bodybuildeur pour se montrer « puissant ». Il est juste devenu un animal enragé à cause du virus.

Dans sa deuxième partie, le film va aborder les vrais thèmes, qui ne sont ni plus ni moins que le deuil d’un être cher, ce deuil qui est le vrai passage à l’âge adulte. Ce n’est pas en tuant des contaminés par dizaines que l’on grandit plus vite, mais en faisant face à la mort de quelqu’un, et en comprenant qu’on ne peut rien y changer. Durant son voyage, Spike va rencontrer quelqu’un qui va lui apprendre l’adage Memento Mori « Souviens-toi de mourir ». Cet adage est non seulement là pour rappeler la vulnérabilité de l’être humain, mais il sert aussi à revenir à des traditions plus « païennes » pour célébrer les morts et ne pas les oublier, notamment lors d’une scène très touchante, qui marque un moment de répit dans un film plutôt hystérique et effréné.

Mais le film de Danny Boyle n’est pas sans défauts. Comme je disais plus haut, il risque de diviser par ses choix scénaristiques, et surtout la façon dont ils sont abordés. On a parfois quelques facilités d’écriture sur certaines séquences, qui sont expédiées et jamais développées. Pendant son voyage, Spike va également faire la connaissance d’un personnage secondaire, voire même anecdotique, tant il n’apporte strictement rien à l’histoire et est écrit un peu avec les pieds (pieds dont on aurait retiré les chaussettes après une longue randonnée). Et sans spoiler bien sûr, la dernière scène hallucinante du film, c’est du « ça passe ou ça casse », mais clairement, on ne reste pas de marbre face à la dernière folie de Boyle.

28 ans plus tard est donc une nouvelle expérimentation dans la filmographie de Danny Boyle, au sein de cet univers tant apprécié. À l’heure où j’écris ces lignes, si le film a plutôt été bien reçu par la presse, il a clairement divisé les fans par ses intentions et ses effets de style bien marqués. Il ne reste plus qu’à découvrir les futures suites prévues, car 28 ans plus tard a été pensé comme une nouvelle trilogie, dont le deuxième chapitre, intitulé « The Bone Temple », devrait arriver en janvier 2026, et qui sera réalisé par Nia DaCosta (le remake de Candyman, The Marvels), et le troisième à nouveau par Danny Boyle.

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