Auteur : Lionel/Born666
Titre : Confessions Backstage
Éditeur : Camion Blanc
Sortie : mai 2022
Note : 16/20
« Lionel/Born666 » AKA « Lionel Båålberith ». Un personnage. Un vrai. Que je me souviens avoir approché pour la première fois sur le sable de la base nautique de Torcy, de nuit noire pendant un gig de Coven. Nombre d’entre vous l’auront deviné : c’était lors du deuxième soir du Fall of Summer 2017. Sur Facebook, je m’amuse à surnommer Båålberith le « Louchébem des Batignolles », ou l’« l’Équarrisseur de la Place Clichy », rapport à son physique de catcheur trapu et à sa trombine d’enfer. Car l’aminche possède une gueule : un compromis entre Lino Ventura, Bernard Blier et un rockeur fifties. Le ceinturon qui comprime son bedon est orné d’une boucle en forme de croix de fer. Durant la période estivale, ses yeux clairs sont dissimulés sous des lunettes noires de méchant de dessin animé. C’est, grosso modo, un greaser avec une tête de latin. Ce quinqua truculent s’avère être un pilier des festivals et des salles de concerts, ceux principalement où l’on goûte le BM (au quatre heures). Surtout, Lionel signe des papiers dans divers webzines, illustrés qui plus est par ses propres photos. Il immortalise ses artistes de prédilection et, de temps à autres, le petit peuple metal venu admirer ceux-ci ou taquiner divers comptoirs (je reconnais d’ailleurs la plupart des gens sur ses clichés bistrologiques). En mai 2022, j’avais questionné notre luron sur Messenger quant à « la genèse de la communauté hardos en France »… J’avais cru en effet deviner qu’il détenait des parchemins relatifs aux premiers rassemblements du genre (Albi, Nice, Choisy-le-Roi, Bayonne…). Lionel m’avait fait montre de ses qualités d’archiviste (et de chic type), en m’adressant en retour une pléthore d’articles de presse (Best, Hard Rock et Enfer Magazines, Metal Attack, et cetera), de publicités et d’autres incunables qui étaient scannés et mis en ligne sur son blog personnel.
Confessions Backstage, édité en mai 2022 (un mois clef, décidément…) aux éditions Camion Blanc, est un recueil des interviews que Lionel a réalisées. Une sorte de Best of méritoire. Vous l’avez compris, cette chronique arrive tels les carabiniers, une fois la promo achevée… Mais s’ils possèdent un code-barres, les véritables livres n’ont en revanche pas de date de péremption. Conscient du potentiel culturel dudit ouvrage, et soucieux de rattraper le temps écoulé depuis sa parution, j’avais, le mercredi soir du Hellfest 2024, fait à mon camarade la promesse de commenter sa somme dans un délai raisonnable. Dont acte.
En l’occurrence, nous avons affaire à une succession de paragraphes choisis, introduits par une phrase de présentation en gras (nom, endroit -le plus souvent Hellfest, Fall of, Motocultor, et lieux parisiens connus-, explication éventuelle du pourquoi de la citation, année), soigneusement extraits des entretiens que les combos et artistes ont accordé à Lionel une douzaine d’années durant. Un verbatim metal, illustré par une sélection de photos prises à l’occasion de ces rencontres ou lors de ses nombreuses accréditations (ma favorite étant celle d’Olve Eikemo alias Abbath sur scène, page 148). Ces précieux témoignages écrits et visuels sont regroupés au sein de seize chapitres, seize thématiques librement et judicieusement dégagées par notre franc-tireur, au rang desquelles prennent place : « Le triptyque de l’équilibre : Les amis, la famille et les fans… », « Les premiers pas d’un groupe, la gestion d’une carrière et la vue du business… », « Le quotidien d’un musicien… », « La personnalité… », « L’héritage musical et les influences… », « De l’inspiration à la création… », « L’histoire et la mythologie… » Le chapitre prépondérant, le plus personnel me semble-t-il, figure en huitième position de ce gouleyant déroulé. C’est celui consacré au « black metal » bien évidemment. Y sont consignées sur une cinquantaine de pages des déclarations du ban et de l’arrière-ban de cette chapelle musicale, honnie par une majorité et vénérée par une minorité dont l’auteur. La couverture du livre trahit, à ce propos, l’appartenance de ce dernier à cette mouvance. Tout du long de ce huitième chapitre, le BM, ses marottes, ses contradictions et ses obsessions maladives (la religion chrétienne en premier lieu…) se taillent la part du lion.
S’illustrent du reste, tous thèmes abordés et tous styles représentés dans ce livre, les appréciables citations d’une palanquée de protagonistes de choix, dont les plus réputés seraient à mon sens : 1349, Abbath (lors de son dissipé passage promo à Paris d’avril 2019), Amon Amarth, Airbourne, Aura Noir, Behemoth (où l’on apprend que Nergal se surnomme le « David Beckham du black metal »…), Burzum (Varg Vikernes pas content à un moment de l’interview), Cavalera Conspiracy, Darkthrone, Ghost (Tobias Forge témoignant à Lionel de son affection pour l’école de rock progressif dite « de Canterbury »), Immortal, Judas Priest (le pas encore retraité Glenn Tipton), Kvelertak, Lacuna Coil (la divine Cristina Scabbia, à l’endroit de Peter Steele en particulier, et de la Faucheuse en général), Månegarm, Marduk, Mayhem (Necrobutcher), Mötley Crüe (Mick Mars), Motörhead (Mikkey Dee), Myrkur, Napalm Death (Barney, bien sûr), Nashville Pussy, Opeth, Paradise Lost, Pentagram, Satyricon (Frost qui cause de Venom), Saxon, Septicflesh, Shining (une autre interview dissipée crois-je savoir…), Sólstafir, Thundermother, Turbonegro, Ultra Vomit (Manard, et le garçonnet à la basse là…), Vader, Wardruna (avec le ténébreux Gaalh), Watain… Chemin faisant, il est difficile de se figurer que certains interviewés ont depuis trépassé, à l’image du regretté Joey Jordison (1975-2021).
Ces 395 pages de confidences (le mot « confessions » est peut-être un chouia excessif : je suppose qu’on en entend de bien plus croustillantes dans un authentique confessionnal… De plus, Båålberith n’a pas spécialement l’allure d’un confesseur…) faites en coulisses se lisent aisément. Elles sont préfacées par Amduscias, le guitariste-chanteur des blackeux franciliens Temple of Baal. Sa courte contribution se doit d’ailleurs d’être lue par tout interviewer, de même que doit l’être l’avant-propos confectionné par notre bon et chevronné Lionel… Lequel démontre si besoin est que les amateurs sont parfois bien plus professionnels, enthousiastes et érudits que ne le sont les détenteurs d’une carte de presse. De leur côté, les fans, les connaisseurs et autres encyclopédistes y chineront leur nécessaire ration d’informations. Une fois n’est pas coutume, je ne procéderai à nulle extraction entre guillemets de passages bruts de fonderie que renferme ce bouquin. Je vous laisserai en revanche (et ce, quels que soient vos goûts et vos préférences artistiques) le soin de déflorer de vous-mêmes cette compilation instructive, à la fois récréative et empreinte de profondeur. Un modèle du genre.