Teleferik – Lune Electric

jeudi/05/11/2015
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Goupe: Teleferik

Album: Lune Electric

Label: Modulor (FR) / Knick Knack Records (US) / Chili Music Korea (KR)

Sortie le: 9 octobre 2015

Note: 15/20

 

Pas de jeu de mots inutiles in limine sur le blaze du groupe (du genre « prenez ce groupe » ou « Teleferik vous transporte vers des sommets sonores » ou encore « le mec de Teleferik joue sur une Telecaster ») mais un constat, telle une évidence : ce trio Franco-Libanais possède une très forte personnalité. A ma gauche, Arno Vincendeau, guitariste barbichu et luneteux, dont le jeu crade et brulant rappelle celui de Jon Spencer, de certains guitaristes Early 70’s (Pete Townsend Live at Leeds, un peu Neil Young aussi), et même parfois de Robert Smith (plans de gratte indie, quoi). Lui cite Jimi Hendrix (son « mentor »), Jimmy Page et Dan Auerbach des Black Keys. Notre homme s’occupe aussi des claviers, lesquels sonnent proto années soixante-dix. A ma droite, Eliz Murad, astre brun et incandescent en provenance du Pays du Cèdre, est la chanteuse et la bassiste (peu de parties de basse). La fille est capable de passer de la clarté et la douceur aux hurlements les plus féroces, et ce, sans effort aucun. Et derrière, le metaloïde batteur, Olivier Hurtu.

Le disque s’appelle « Lune Electric » et fait suite à trois EP autoproduits sortis les uns à la suite des autres depuis 2011. Titre de noblesse : les dix morceaux qui forment ce premier album ont été enregistrés et mixés par Peter Deimel (The Kills, Anna Calvi, Laetitia Scheriff) au Black Box Studio (France) puis masterisés au Golden Mastering Studio (USA). Signe de raffinement : il est disponible en format vinyle, cd, cassette et téléchargement numérique (rien que ça, et pourquoi pas en cassette single tiens). Marque de distinction : leur distributeur (Knick Knack Records) est basé à Seattle, contrée qui a tant donné à la musique (suivez mon regard…). On ajoutera que leurs clips (si, si Eddie Vedder, ça compte les clips vidéos…) sont très soignés, surtout celui de « Behlam Fik », tourné à Berlin par Neirin Best (Jane Weaver, Pixies), qui met sympathiquement en scène les membres du groupe dans un restau libanais, lui en cuistot (« Ma bouffe, c’est de l’art ») et elle en serveuse (« C’est trop beau Arno »). Ils ont indéniablement le sens du symbole chez Teleferik.

Cuistot et serveuse, c’est en fait ça la formule (et pas que le midi) de ce combo. Le chant de Eliz est puissant (la montée sur « Beaumont », qui ouvre l’album), envoutant (« Nature’s Creature »), remarquable. Tantôt en Français (« Les lois de la physique », « Mystic Machine »), tantôt en Anglais… et un chouaï en Arabe. L’option de cette dernière langue apparaît, il ne vous aura pas échappé, aussi comme un autre symbole en ce triste début de siècle. Faire cohabiter le Rock et l’Orient est le credo de cette artiste, qui est autant à l’aise en cuir qu’en tenue traditionnelle. Sur le déchirant Blues « Mara » (« Une femme seule, ça ne se fait pas, pourquoi ? »), elle se fait la porte-parole de nombre de femmes arabo-musulmanes, celles en tous cas qui subissent et refusent le diktat de leur patriarche, de leur mère, de leur frère ainsi que le qu’en dira-t-on du voisinage (« Ecoute les voisins, leur fils est le plus beau de Beyrouth »). On signalera que Teleferk était en tournée au Liban le mois dernier. Ils ont aussi tourné aux USA en 2014 et ont par ailleurs fait la première partie du chanteur Coréen Kang San Eh.

Alors certes, Teleferik n’est pas exactement apparenté au genre Metal ou à une de ses innombrables sous-chapelles, le riff de « Bombs and Rockets » rappelle même certains morceaux du premier album de Salad (allez sur Wikipedia ou Youtube, puis tapez « Granit Statue », je n’ai pas le temps de vous expliquer…), et « Money Value » est un Blues chaud à la Hendrix. Mais l’art et la rage sont bel et bien présents, tant dans le chant que dans la guitare. A ce titre, un léger regret : la version live de « Hero » disponible sur le Net, est supérieure à celle studio, présente sur le disque (mais qui est déjà très correcte, c’est dire…). Mazette, quelle puissance. La vache, quelle présence. La voix de la chanteuse y est incroyable, forte et autoritaire, évoquant à la fois Plant et Janis Joplin. Le guitariste est littéralement possédé, et se cabre sur sa Tele comme Tom Morello circa 1993. Rien à redire, ils ont le feu sacré. Je vous propose fortement d’aller écouter et contempler ce plan d’anthologie sur Youtube. Et aussi d’écouter « Lune Electric ». Et d’aller voir Teleferik en vrai le jeudi 12 Novembre 2015 à la Mécanique Ondulatoire. Il serait fâcheux que le Rock Français (entre autres) passe à côté d’eux. Ne loupez pas le passage de Teleferik (zut, je l’ai faite).

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