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Interview avec Colin H van Eeckhout du groupe AMENRA

dimanche/15/10/2017
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crédit photo: STEPHAN VANFLETEREN

 

Le chanteur d’AMENRA, Colin H van Eeckhout, était de passage à Paris pour discuter de la sortie prochaine du sixième album studio du groupe: MASS VI.

 

Art N Roll : Avant de parler de l’album j’aimerais que tu nous parles du « concept AMENRA », qui va bien au-delà de la musique. Il y a une forme de spiritualisme, d’art, etc. pourrais-tu nous donner ta vision de ce qu’est AMENRA ?

Colin H van Eeckhout: C’est vrai et c’est une question difficile car le concept d’AMENRA est abstrait. Dès le début on savait qu’on voulait être plus que de la musique. On voulait utiliser le medium musique avec une profondeur qui surpasse tous les moyens. C’est un instrument avec lequel tu peux toucher des gens, et leur donner la force.

Il y a des morceaux de groupes qui ont eu beaucoup d’impact sur nos vies. Certains de ces groupes avaient une importance énorme pour moi, mais quand je regardais leurs pochettes d’album ça ne me disait rien, quand je lisais les paroles, ça ne me disait rien non plus. Je me suis demandé pourquoi ils n’allaient pas au fond des choses, et c’est avec cette idée que nous avons commencé à construire notre forteresse. C’est de là qu’est née notre volonté de jouer avec l’art, les projections live. Tout doit servir à renforcer notre œuvre.

L’idée derrière AMENRA c’est de travailler avec la vie, de raconter notre vision de la vie et de ses moments importants, sans jamais imposer cette vision ou être dans le jugement.

 

ANR : Quand on voit AMENRA sur scène il y a quelque chose de très fort qui se passe, en plus des projections dont tu parlais. Tu es, en partie, dos au public et tu sembles vouloir atteindre une forme de transcendance. Comment te prépares-tu à monter sur scène et comment est-ce que tu vis un concert ?

Colin : pour moi la magie c’est ce qui se passe sur scène. En fait on ne se prépare pas vraiment. Chacun arrange son matos, et se met dans sa bulle, mais une demi-heure avant le concert on est encore en train de rire ensemble. Puis plus le concert approche, plus le silence s’installe et une atmosphère sérieuse se met en place jusqu’au moment où il faut y aller.

J’essaie d’avoir le moins possible d’influences extérieures quand je suis sur scène. Je regarde notre batteur, et les visuels deviennent mon point de repère. Si je regarde les gens, j’entre dans leur monde, je me connecte à ces personnes et je sors de ma bulle. C’est pour ça que je préfère me tourner. Il y a aussi le fait que ça permet au public de se concentrer sur le groupe et non juste sur le chanteur. Dans les groupes de Metal tu as souvent le frontman ou frontwoman qui prend toute l’attention et qui ne regarde plus les autres.

Ce n’est pas juste, parce le groupe c’est une entité avec tous ses membres. Je ne suis pas le chef, je ne leur dis pas ce qu’ils doivent écrire, et sans eux il n’y aurait pas de musique. Je n’ai pas non plus envie de parler, je trouve ça un peu con de faire des speechs, en plus si c’est pour dire toujours la même chose ça n’a pas de sens. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui viennent nous voir, on n’est rien sans eux, et je veux juste leur dire merci, mais après le concert.

 

ANR : Comment se passe la construction de la mise en scène de vos concerts et de cet aspect visuel ? Est-ce également un effort collectif ?

Colin : Il y a toujours une personne qui doit tirer le chariot, qui doit donner l’idée. Pour le visuel c’est moi, Mathieu, Jens et Stefaan de la Church of RA qui s’en occupent. Jens mixe les visuels en live, avant c’était moi et le guitariste (Mathieu) qui le faisions dans le passé. Petit à petit ça se construit, une fois la musique enregistrée, il faut s’attaquer au visuel. On ne peut rien faire avant que la musique soit faite.

 

ANR : Vous évoluez dans un registre musical qui, et tu le dis toi-même, est limité, mais vous essayez toujours d’apporter quelque chose de nouveau tout en gardant en tête que vous ne pourrez pas révolutionner le genre. Comment avez-vous intégré ça dans la composition de Mass VI, et quels étaient les challenges ?

Colin : C’est toujours un challenge pour nous de faire un album, c’est très difficile. On cherche vraiment une espèce de rencontre spirituelle et émotionnelle, qui va te donner les larmes aux yeux, la chair de poule, des frissons. C’est très difficile de trouver ça pour 5 personnes. C’est notre 6ème album studio, mais chacun a des projets à côté, donc ça devient de plus en plus dur de composer. Surtout qu’on ne va pas utiliser de synthé ou de samples. C’est aussi le premier album avec notre nouveau bassiste Levy, il a pu mettre un pied dans la création, et il a apporté quelque chose de plus. Il a dix ans de moins, et il a une vraie énergie motrice.

Jusqu’à présent, on composait en se disant que tout devait être possible en live. On n’utilisait pas plus de 2 guitares par exemple. Avec MASS VI on est sorti de ce schéma, on s’est dit que si on entendait dans nos têtes une troisième guitare ou des paroles qui dépassaient mon souffle, il fallait quand même y aller. C’est une porte que nous n’avions jamais ouverte.

 

crédit photo : STEPHAN VANFLETEREN

ANR : Parlons un peu du chant clair. Sur le morceau que j’ai préféré de l’album « A Solitary Reign », on te sent vraiment à fleur de peau. On ressent une influence de Tool dans cette façon que tu as de chanter. Est-ce que c’est quelque chose qui te fait peur, ou qui te demande beaucoup de travail ?

Colin : C’est vrai que l’influence de Tool est présente. Sur ce morceau, j’ai fait quelque chose qui est impossible à faire pour moi en live. Quand tu fais de la musique, techniquement tu as un câble dans les oreilles, qui est branché sur différentes parties de ton corps. Et avec moi ça ne marche pas car je bouge trop, et ça ne tient pas. Alors quand je chante en chant clair j’ai besoin d’un repère qui me dit si je chante juste ou pas et je suis encore en train de réfléchir à comment l’avoir.

Puisque tu parles de la comparaison avec Tool, pour lui c’est aussi un grand problème d’avoir du volume sur la scène et de s’entendre. Il bouge moins que moi alors il peut utiliser l’appareillage, mais je n’ai pas envie de réduire mes mouvements.

 

ANR : On retrouve dans tes paroles, depuis le début du groupe, une omniprésence de la dualité, notamment entre la noirceur et la lumière. Peu importe les ténèbres dans lesquelles tu nous entraînes il y a toujours comme une lueur d’espoir au bout du tunnel, qui se ressent aussi dans la musique. Est-ce que tu es d’accord avec ça ?

Colin : A fond, je suis complètement d’accord. C’est ce qu’il y a de plus important. Beaucoup de gens parlent de catharsis, mais ce n’est pas vraiment ça.

 

ANR : C’est aussi un mot à la mode…

Colin : Oui c’est exactement ça, chaque groupe a sa forme de catharsis en ce moment (rires). Ce n’est pas le mot juste, mais je comprends ce que les gens veulent dire. On travaille toujours avec la noirceur, et l’adversité qu’il peut y avoir dans une vie humaine, mais on essaye aussi de convaincre qu’il peut y avoir de la lumière là-dedans. Chacun doit trouver une manière d’accéder à cette lumière. C’est une idée étrange, que chacun doit s’approprier, et c’est ça le côté spirituel. C’est étrange quand tu dis de toi-même que tu fais des choses spirituelles (rires). Mais c’est ce qui attire beaucoup de gens, parce qu’il y a toujours un moment dans la vie où tu ne vois plus la lumière.

 

ANR : Comment est-ce que tu arrives à trouver l’inspiration pour tes paroles ?

Colin : J’écoute les gens, je prends toujours des gens qui m’entourent, même dans les interviews que je fais aujourd’hui. C’est toujours la même imagerie, et les thèmes sont récurrents, mais ça va j’arrive encore à écrire. On raconte toujours la même histoire, mais avec des mots différents.

 

ANR : L’imagerie du groupe est très maîtrisée et travaillée, comment faîtes-vous pour garder le contrôle sur cette image ?

Colin : J’ai de la chance, car les autres me confient cette responsabilité. Ils ne mettent pas leur véto sur ce que je fais. Les années ont prouvé que je ne les décevais pas. AMENRA c’est défini et pas défini en même-temps, et c’est un équilibre fragile à conserver.

 

crédit photo : STEPHAN VANFLETEREN

ANR : Peux-tu nous parler de la pochette de MASS VI, avec ce volatile qui semble mort, mais dont on ne voit ni commencement ni fin ?

Colin : C’est une forme d’art abstrait, c’est comme dans mes textes, rien n’est clair, mais il y a toujours une idée qui sort. Tu ne le vois pas, mais avant ce résultat il y a eu plein d’essais qui racontent une histoire. C’est un cygne, un animal avec une grâce et une force, un symbole de beauté qui demande le respect. Ce sont des attributs que j’associe à notre musique. Je trouve qu’elle dégage une force qui demande le respect et l’attention. Le cygne est mort, et dans sa fin, il a encore la beauté et une grâce qui vient de sa fin. Je réalise aussi que chaque album peut être le dernier, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans une vie.

 

ANR : Vous faites une release party à Bruxelles, je suppose que vous avez prévu quelque chose de spécial, peux-tu nous en dire un peu plus ?

Colin : Toujours oui ! (rires). On fait tout nous-mêmes, on va essayer de rendre le moment inoubliable, c’est le but et je ne vais rien dire d’autres (rires).

 

ANR : Votre musique exige une certaine forme de concentration, ce n’est pas quelque chose que l’on va écouter en bruit de fond ni dans une voiture.

Colin : Oui c’est vrai, il y a une forme de poids, quelque chose de lourd.

 

ANR : On se demande donc comment vous allez présenter cette musique à une foule dans le cadre d’une release party.

Colin : Oui, on se le demande aussi (rires). En fait c’est trop de pression, il y a les speechs, il faut dire quelque chose de spécial, faire quelque chose de spécial, etc. On essaie de tout faire pour que ce soit bien, mais c’est perdu d’avance pour nous. Il y a beaucoup de gens qui viennent de loin et on doit bosser dur pour créer ce moment inoubliable, on leur doit bien ça.

 

ANR : Vous avez évoqué le fait de vouloir jouer dans des lieux atypiques, est-ce que ces projets avancent ?

Colin : Ce qui est difficile, c’est que les attentes des personnes sont très élevées, que ce soit en termes de lumières, de visuels, de sons. Ce n’est pas évident de gérer tout ça dans une usine ou une église pour arriver au même niveau qu’un concert. Mais on veut le faire, ça nous attire et on trouvera un moyen de le faire.

 

ANR : Vous faîtes tous partis de nombreux projets musicaux, est-ce ces projets viennent également nourrir la musique d’AMENRA ?

Colin : Oui, et dans toutes les directions. AMENRA a probablement inspiré Oathbreaker, qui a permis d’ouvrir la porte du Hardcore et de s’ouvrir à d’autres mondes qui viennent influencer AMENRA et vice et versa. J’ai appris beaucoup de choses avec mon projet solo, sur l’utilisation de ma voix. Syndrôme nous apporte aussi. Mais au final on raconte la même histoire avec tous ces groupes, le lien est omniprésent.

 

ANR : Vous avez signé sur le label NEUROT de Neurosis, mais quel est le lien qui vous unit avec ce groupe, tout comme avec Converge ?

crédit photo : STEPHAN VANFLETEREN

Colin : On existe depuis 20 ans, Converge depuis 25 et Neurosis plus de 30 ans. On a fait une tournée ensemble, pour laquelle on ouvrait le show, puis venait Converge, puis Neurosis. Ce que je trouvais beau c’est que nous ne pouvons nier l’influence de ces deux groupes, comme Converge ne peut nier l’influence de Neurosis. Cette tournée présentait une cascade d’influence.

Ces groupes m’ont permis de comprendre qu’il fallait croire en soi-même, et qu’il faut se foutre des tendances et de ce que les autres attendent de la musique. Ce sont des groupes prolifiques avec une identité forte qui cherchent à toujours placer la barre plus haute.

 

ANR : Est-ce que tu prends le temps d’écouter d’autres groupes ?

Colin : Je ne suis pas quelqu’un qui cherche à se tenir à jour sur la scène musicale. Je vois les groupes qui jouent avec nous, les groupes dans lesquels mes amis jouent, mais surtout les groupes dans lesquels les membres d’AMENRA jouent. On devait jouer avec Chelsea Wolfe à Athènes, et j’avais beaucoup entendu parler de l’idée et du phénomène Chelsea Wolfe. Je me disais que c’était trop de Marketing, ça me fatiguait déjà. Je les ai rencontrés, ils étaient sympas, et j’ai regardé le show. J’ai trouvé ça très fort, je suis resté bouche bée.

 

ANR : 2018 sera donc l’année d’AMENRA ?

Colin : Oui ! On va beaucoup tourner, on sera partout puis chacun va vite se jeter sur ses autres projets.

 

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