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Interview avec Melchior TERSEN / « Killing Technology »

mercredi/02/11/2016
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Art’N’Roll : Tu sors « Killing Technology », 509 pages de photos de patchs et de vestes à patchs, éditées par Pedro Winte du label EdBanger, sorti en exclusivité chez Colette avant une publication officielle le 31 octobre. Qu’est-ce que c’est que ce délire ?

Melchior Tersen : C’est la jolie conclusion de pas mal d’années de travail, tout seul « en sous-marin » : de sérieux, de sacrifices et de passion. De sacrifices, car j’ai à la base un Bac technique, je n’avais peut-être pas le bon Background : je bossais la nuit (en Intérim, au Mac Do). Et petit à petit à partir de mes vingt ans, j’ai commencé à faire mon trou en tant que photographe, voir ce qui me plaisait et ce qui ne me plaisait pas.

ANR : Justement, j’ai lu que tu t’étais pris de passion pour les patchs et les vestes à patchs il y a six ans seulement, alors que tu en as déjà 29. Pourquoi et comment une passion aussi tardive ?

MT : En fait, je me suis acheté les premiers patchs au lycée. Je les ai cousus sur mon sac, car je n’avais jamais vu de vestes à patchs avant, je viens d’un collège et d’un lycée situés en banlieue…

ANR : Et cela ne devait pas, ou plus, être la mode à cette époque…

MT : Oui, c’était le creux de la vague. Vu que les choses reviennent de façon cyclique. Mon projet a commencé sans le savoir, lorsque j’ai été accrédité photos pour mon premier Hellfest en 2010. Les premières étaient prises au téléobjectif. Parmi tous les détails que j’ai observés lors de mes festivals (car j’ai fait pas mal de festivals de Black aussi), je me suis pris petit à petit au jeu…

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ANR : Tu as écumé combien de concerts et de festivals « en sous-marin » afin de réaliser cet ouvrage ?

MT : Les 4/5e des festivals que j’ai fait, je n’ai pas pris de photos. J’y allais pour moi. Ce que j’aime bien en festival, c’est que contrairement aux concerts, tu ne saoules pas le gens quand tu les prends en photos devant les autres, c’est un truc qui me gêne…

ANR : … Il y a de l’espace…

MT : … Il y a de l’espace, les spectateurs ne sont pas avec leurs amis sur une seule soirée avant de rentrer chez eux. Ils sont détendus et ont le temps. C’est le bon contexte, c’est une ambiance festive, je n’ai jamais eu l’impression de gêner en festival.

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ANR : A vingt-neuf ans, c’est bien de sortir un tel livre…

MT : Tu sais, des livres j’en ai déjà sorti soixante-dix ! Je suis très productif. Mais, celui-là, est le premier où je n’étais pas seul, dans la mesure où j’ai été assisté par une équipe. Je suis un peu « loup solitaire », cela me change un peu.

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ANR : Bel ouvrage de 509 pages, format Deluxe, 59 euros… A qui s’adresse-il selon toi ?

MT : Quand j’ai commencé à travailler sérieusement et à m’affiner en tant que photographe, je me suis pris de passion pour le Black. J’ai quitté ma période Néo et Goth, celle de mon lycée des années 2000, afin de m’inscrire dans ce mouvement. Je suis rentré à fond dans l’atmosphérique. Et mon travail s’est inscrit dans cet esprit, un peu à destination des gens qui écoutent du Black Metal… même si j’aime bien le blanc en photos.

ANR : Même s’il y a beaucoup d’humain dans tes photos, n’as-tu pas peur de dénaturer quelque peu l’esprit du truc : montrer à des galeristes, lecteurs de revues branchées et autres esthètes des capitales européennes, un phénomène brut et populaire, qui n’est finalement pas de leur monde ? En définitive : faire avec les porteurs de vestes patchées ce que, par exemple, Yann Moix a fait avec les fans de Johnny, Cloclo et autres Sardou ?

MT : Des caricatures ? J’ai un peu de mal avec l’aspect condescendant de certains pans de la société. En grandissant, je me suis fait une vision plus globale, je me suis fait une idée plus générale : j’ai connu les problèmes des pauvres, et maintenant, je connais aussi ceux des riches. Je reste proche de la base et suis même un peu réac sur certains points. Dans mon travail, je fais ressortir ce côté tribal, un peu sauvage qui me plaît…

ANR : … De code social ?

MT : Oui, de code social : pour plein de gens, le Metal c’est une forme d’affirmation. Tu entres dedans à un âge où tu te cherches, tu essaies d’exister dans une passion. A aucun moment, je n’aurais fait un livre sur le Metal en sachant qu’il allait être lâché en pâture. Je n’aime pas la condescendance de ceux qui filment les gens en train de se jeter dans la boue… Je suis au contraire pour une ouverture positive entre les genres.

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ANR : A ce titre, tu multiplies les interviews. Comment se passe la promo ainsi que l’accueil de ton recueil ?

MT : Pour le moment, et depuis un mois que le livre est sorti, je n’ai pas reçu un mail désagréable de gens qui ne comprennent pas ma démarche. Car cela arrive. Quand on me reproche notamment de me moquer de certaines choses. J’explique toujours le pourquoi et le comment de mon travail. Je ne suis pas là pour me faire mousser ou pour m’inscrire dans une mode, comme celles et ceux qui mettent en ce moment des t-shirts de Metal sans même connaître le groupe. Remarque, si ça peut leur faire plaisir, je m’en moque. Donc, pour moi, tout se passe bien.

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ANR : En tous cas, il semblerait que tu sois le premier, peut-être au Monde, à te lancer dans pareille démarche…

MT : Je me suis renseigné sur l’histoire des patchs et de la veste à patchs. J’ai d’ailleurs rencontré un vieil Anglais au Fall of Summer, qui tient un stand de Merch, et qui m’a expliqué avoir été le premier à en faire, notamment celui-là (NDA : il montre un de ses patchs sur la veste qu’il porte). C’est le premier à avoir fait ça au début des années 1980.

ANR : Et l’école Allemande ? La veste à patch est d’origine Allemande (« Kutte »). Elle provient plus précisément des stades (« Fussball Kutte »), à partir des années 1970, et ce, avant d’essaimer dans le Hard Rock…

MT : Les Allemands que j’ai rencontrés sont les plus passionnés en la matière. La fête de la bière, le Foot, le délire Biker… Ils se donnent beaucoup de mal pour créer leurs vestes, ce n’est pas un effet de mode chez eux : c’est culturel et dépasse le simple aspect concert. Avant d’écouter du Rap, on passait du Rock dans leurs stades. J’étais l’autre fois à Karlsruhe, et le Club local recevait Sankt Pauli (NDA : Club de Hambourg très classé à gauche). Cinquante supporters de Sankt Pauli arrivent en train, et je n’ai jamais vu pareille ambiance à la gare.

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ANR : Tu as cousu quel dossard en premier ?

MT : Le premier c’était « Escape to the void » de Sepultura.

ANR : Pourquoi ce titre « Killing Technology » ? Il revêt une certaine connotation, non ?

MT : J’ai beaucoup cherché. Un soir, j’ai trouvé ce titre parce que j’aime beaucoup Voivod (NDA : « Killing Technology » est un album de Voivod paru en 1987, et inspiré par les catastrophes de Tchernobyl et de la navette Challenger). Je suis un fan d’Heroic Fantasy et de Mangas. Et je suis un nostalgique des choses : je suis né en 1987, je viens de cette époque. Désormais, nous vivons une période ultra technologique. J’ai connu Internet avant et pendant. Mon travail de photographe n’est pas daté car le Metal reste le Metal. L’état d’esprit demeure le même, malgré que le monde change. Les jeunes d’aujourd’hui ressemblent comme deux gouttes d’eau à leurs ainés des années 1990 : une tournée reste une tournée, un poster sur un mur reste un poster sur mur, une première guitare reste une première guitare… Il y a quelque chose de désuet mais intemporel…

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ANR : Beaucoup de metalleux seraient Geeks ?

MT : Oui, c’est très lié. Comme les Mangas, le Metal constitue un refuge. C’est une évasion. Prends celui qui habite dans la Creuse et qui galère à l’école : il va s’identifier à quelque chose avec les Mangas, fantasmer sur le Japon. Mais, dans le Metal, c’est encore mieux : tu peux être.

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ANR : La préface est signée Iggor Cavalera. Tu l’as capté comment ?

MT : Je ne le connais pas personnellement, c’est Pedro Winte qui l’a touché pour moi. J’ai d’abord pensé à Kronos, car Venom passait au Fall of Summer : je voulais en profiter afin de l’approcher et lui présenter mes maquettes. Mais Pedro m’a proposé Iggor Cavalera. Du coup, je lui ai envoyé un PDF et le bouquin. Le projet lui a plu. C’est parfait, car Sepultura est très présent dans mon ouvrage, presque à chaque page. Tu as vu, j’ai même sur moi le patch « Schizophrenia ».

ANR : Merci Melchior.

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