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Deftones – Gore

mercredi/13/04/2016
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Deft

 

 

Goupe: Deftones

Album: Gore

Label: Reprise Record / Warner Music Group Company

Sortie le: 8 avril 2016

Note: 17/20

 

« We won’t follow the Leader » déclarait Chino Moreno à la presse US avec un brin de provocation en 1998, lors de la sortie de « Follow the Leader » de Korn, alors à son apogée. Et bien en a pris, à lui et à son groupe, puisqu’ils ont survécu à la cata Neo-Metal, surtout lorsque qu’elle n’a plus été néo du tout (assez vite en somme toute). La différence entre Deftones et la quasi-totalité des groupes jadis étiquetés « Nu Metal », ceux qui ont vite fait fortune au tournant des années 2000, c’est que ces premiers ne se sont jamais laissé enfermer dans un bocal ô combien réducteur (et assez faible, tant musicalement qu’esthétiquement), mais dont ils sont pourtant considérés comme les initiateurs. Deftones a depuis ses débuts délivré sa propre et unique version des choses, ce qui différencie en fait depuis l’aube des temps les artistes des suiveurs (à dreadlocks jaunes, baggys et ongles vernis en l’occurrence). « Adrenaline » et ses hurlements Indus reflétait adéquatement l’ambiance post-grunge de l’année 1995, tout comme « Around the Fur », ses deux simples  et sa pochette inoubliable, 1997. Et que penser du livide « White Pony », leur sommet à ce jour ? Un des seuls albums potables de l’an 2000 tout bonnement. Il en fut de même pour le sombre « Deftones » ainsi que pour l’inquiétant « Saturday Night Wrist » de 2003 et 2006. Les reflets indémodables d’une époque.

Pour dire que ce huitième essai des cérébraux de Sacramento était très attendu des deux côtés de l’Atlantique. Savamment teasé depuis le mois de janvier, trois extraits ayant été déjà divulgués par la maison de disques, « Gore » était d’ores et déjà annoncé comme un des albums de 2016. La vision deftonienne de notre temps s’avère, à première vue, assez légère, comme en témoigne cette magnifique pochette, ce ciel violacé dans lequel s’envole un troupeau de flamands roses. Contrastant avec son titre, mais en bonne adéquation avec son Artwork, le contenu musical est contre toute attente aérien, fruit de la première collaboration entre le groupe et le renommé Matt Hyde (qui a assisté un grand nombre de divers et vrais artistes US depuis vingt ans : Slayer, No Doubt, Monster Magnet, Porno for Pyros, Sum 41, Children of Bodom, etc…). Et la prod’ s’avère être un des points forts de ce successeur du triste « Koi No Yokan », l’album conçu pendant l’interminable coma du regretté Chi Cheng. Le disque commence sur un léger crissement, enchainé sur un riff cristallin et la plainte éthérée de Chino Moreno (« There’s a new strange godless demon awake inside me / There’s a force divine terrorizing the angels I keep… » : l’astral « Prayers / Triangles » donne le ton des 48 : 08 minutes à venir.

Tout le long, la voix de Chino Moreno paraît étonnamment juvénile. Très souvent mélancolique. Tout comme ceux des disques antérieurs, l’alternance entre cris surhumains saturés, refrains lancinants et cœurs harmonieux caractérise les vocaux de « Gore ». Partout, les aigus dominent les graves. Même sur les morceaux les plus lourds (« Gore »). Les paroles sont toutes signées Moreno, qui assoit son emprise sur la direction artistique. Ses mots renforcent l’impression vaporeuse : « Acid Hologram », « Doomed User », « Geometric Headdress », « Xenon », ou encore « Phantom Bride ». Sur ce dernier, le revenant Jerry Cantrell, qui lui, demeure emmuré dans la seconde moitié des années 1990 pour une raison non musicale, nous offre un chorus et des parties de guitare dont il a conservé le secret. Eblouissant morceau. Pétries de cohérence et d’unité, les onze pistes ne sont ni longues ni courtes, et toutes en mid-Tempo. Les atmosphères sont souvent à dominante mid-eighties. En arpèges, reverbs et échos, elles font contre toute attente plus penser à Depeche Mode, à Tears for Fears, voire à A-Ha, qu’à Limp Bizkit, P.O.D. ou Alien Ant Farm. D’ailleurs, on se souviendra que l’eurasien et les siens chérissent la New Wave, ayant repris « To Have and to Hold » des quatre de Basildon sur le Tribute « For the Masses » en 1998. Les riffs lourds, caractéristiques du style de Stephen Carpenter, cèdent parfois le passage à des guitares Indie (« Hearts / Wire », une sorte de quête vers le néant). Le seul morceau véritablement Hard Rock est le Maiden Look Alike « Pittura Infamante » (du moins son intro).

Ce saphir prend fin sur l’épique « Rubicon ». Qui rassemble à lui seul l’ensemble des qualités de « Gore ». Et qui plane à mille lieux au-dessus de la Californie. Il s’agit de l’album d’une voix… et d’une guitare, les autres musiciens restant quelque peu en retrait. Etonnant lorsqu’on a lu que des tensions entre le chanteur et le guitariste auraient émaillé l’enregistrement. Etonnant ou pas, au vu du nombre de joyaux qui ont été conçus dans le trouble, la rancœur, voire la haine. Celui-ci laisse au final l’impression d’une collision dans le temps. Comme si des ambiances de 1985 avaient rencontré des plans musicaux de 1997 et une production de 2016. « Gore » n’est toutefois pas un disque facile d’accès. Mais, sans radoter, sur jouer ni encore moins revenir en arrière, Deftones conjugue à sa guise les époques, ses époques en définitive, et ce faisant nous livre le chef-d’œuvre de ce printemps. C’était simplement ce que le Monde libre attendait d’eux.

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