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Mémoires : La rage est mon énergie

lundi/17/11/2014
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Memoires

 

Auteur : John LYDON

Titre : Mémoires : la rage est mon énergie

Editeur : SEUIL

Sortie le : 16 octobre 2014

Note : 17/20

 

L’autobiographie de John LYDON, alias Johnny ROTTEN, est une somme constituée de 711 pages, dont l’intrigue commence aux premières heures du 31 janvier 1956, dans une famille d’origine irlandaise vivant chichement dans un quartier délabré du Nord de Londres. A compter de cette date, l’auteur va accorder dans son récit une importance égale à chaque époque de sa vie, dont la plus connue n’a finalement duré que d’août 1975 à janvier 1978, ce qui ne représente que trente mois sur cinquante-huit ans. C’est là où se situe la force de l’ouvrage. Doté de réels talents d’historien et de sociologue, John LYDON nous narre son enfance dans le caniveau londonien d’une Angleterre encore en reconstruction, son adolescence dépenaillée et la découverte de T REX, BOWIE ou CAPTAIN BEEFHEART vers la fin des années 1960, le milieu des années 1970, passé dans un pays partagé entre faillite économique, violence de rue et happening permanent, et la suite que l’on connaît… A ce titre, l’époque contemporaine, et la participation de LYDON à des émissions de télé-réalité, à des documentaires animaliers en Afrique ainsi qu’à la promotion du beurre Country Life est plus dispensable…

Les premiers chapitres sont probablement les plus riches, principalement quand notre petit bonhomme nous relate la méningite contractée à l’âge de sept ans, les six mois de coma qui s’ensuivirent (en tous cas son réveil) et l’année de perdue dans un établissement médical, digne des plus sinistres heures de l’ère Victorienne. Cet épisode nous en apprend bien plus sur le personnage et sa vision de la vie (des ponctions lombaires à répétition lui ont déformé à jamais la colonne vertébrale), que les 125 pages dédiées à l’épopée Pistolienne (ainsi que les 23 consacrées à la reformation de 1996, et les 5 à celle de 2007). Il n’y aura donc aucune divulgation notoire sur une histoire, dont les fans connaissent chaque séquence par cœur : la boutique SEX et le recrutement du chanteur sur « Eighteen » d’Alice COOPER, l’Anarchy in the UK Tour, Bill Grundy, le limogeage de Glen MATLOCK, le concert promo sur la Tamise, et la chaotique tournée US de janvier 1978.

Non, les meilleurs passages du livre se nichent avant et après cette histoire. Par exemple, pour l’avant, son passage dans un orchestre d’enfants des années 1960, dans lequel il jouait du triangle à fond les bananes (hilarant). Ou la rencontre entre notre juvénile chevelu (et oui) et Sid vers l’hiver 1973, lorsque ce dernier faisait alors une fixation capillaire sur BOWIE. Et l’épisode croustillant où ils travaillèrent pendant un temps comme balayeurs dans un restau végétarien. Pour l’après, les longs développements consacrés à sa période jamaïcaine, new-yorkaise et dans son appartement de Chelsea, nous plongent avec précision dans l’atmosphère sombre, mais créatrice, de la fin des années 1970 et du début des années 1980. Egalement, le fait que c’est Mick JAGGER qui mit à disposition ses avocats pour le procès de Sid à New York, alors que le célèbre « manager » des Sex Pistols se terrait quelque part mort de trouille. Car, oui, comme dans toute autobiographie Rock qui se respecte, celle de John LYDON a pour office de régler deux-trois comptes a posteriori. Ici, les cabezas de turcos sont au nombre de quatre : Malcolm MC LAREN, évidemment, qui est dépeint comme un pusillanime prétentieux aux idées vaines ; Vivienne WESTWOOD, une boutiquière cassante et proche de ses ronds ; Joe STRUMMER, un gauchiste très scolaire ; Keith LEVENE (le guitariste des premières années de PiL) un junkie égoïste et aigri. On serait ici tenté de penser que l’auteur n’a pas exagéré grand-chose en dépeignant de la sorte ces quatre portraits…

Autre intérêt de cette anthologie, et pas des moindres  nous révéler un homme mûr qui prend la liberté de se dévoiler, souvent avec humour, parfois avec gravité (le décès en 2010 d’Ari UP, sa belle-fille et chanteuse des SLITS, ou de son père deux ans auparavant), qui est fort d’un vécu et qui nous délivre son avis sur à-peu-près tout. D’ailleurs, LYDON a inséré des petits chapitres gadgets et ludiques, dans lesquels il évoque sa passion pour les textes de William SHAKESPEARE ou ses problèmes dentaires (fruits des carences de la Sécurité sociale britannique, puis d’années de paresse hygiénique). Moment de bonheur : Johnny ROTTEN nous confesse (enfin) son amour pour LED ZEPPELIN. Et surtout, se croisent dans ce superbe livre des protagonistes hétéroclites, lesquels vont de Nina SIMONE à LEMMY, de Robin WILLIAMS à ALAN STIVELL, de Michael HUTCHENCE à Arsène WENGER (le mot « Arsenal » répété plus d’une trentaine de fois, sert de fil rouge et blanc aux récits… un attachement complètement clanique), de Danny De VITO à TANGERINE DREAM, de Paul MC CARTNEY à Peter TOSH, de Friedensreich HUNDERTWASSER à Stuart PEARCE, d’Adam ANT à METALLICA, n’en jetez plus l’Earl’s Court est pleine…

Néanmoins, on s’interrogera sur la raison pour laquelle notre homme a souvent raison, celle pour laquelle les autres (Steve JONES et Paul COOK notamment, qui passent pour de réels abrutis, mais aussi Jah WOOBLE pourtant son meilleur ami) ont souvent tort, et celle pour laquelle il a su souvent déjouer seul tout un tas de manigances et chausse-trappes diverses et variées depuis la fin des années 1970… Dommage que nombre d’accusés ne peuvent plus répondre aux développements qui leur sont consacrés. Pourtant, il est indéniable que notre homme est véritablement ouvert d’esprit (on n’oubliera pas qu’il avait formé un groupe avec Steve VAI et Ginger BAKER dans les années 1980), et doté d’une intelligence ainsi que d’un humour authentiquement anglais. John LYDON, citoyen américain et fan de GANDHI, apparaît donc comme un quinquagénaire heureux et apaisé, désormais plus proche de la nature, du soleil californien et des enfants. S’il regrette qu’on lui ait cassé son premier jouet, le groupe PiL est définitivement sa pièce-maîtresse qui lui permet de composer et d’innover à sa guise. Quitte à y intégrer, sans gène aucune, l’ancien bassiste des SPICE GIRLS… En fait, si on tente de lire entre ses lignes, il aurait toujours été une sorte de farfadet espiègle, optimiste et humaniste, avant tout soucieux d’ouvrir de nouvelles portes culturelles et globales. Y compris lorsqu’il composa et interpréta les pires cauchemars auditifs du Royaume-Uni bien-pensant. Pourquoi donner, dès lors, un tel titre à ses mémoires ? Réponse dans ce livre.

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