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interview de Messaline

mardi/25/10/2022
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Rencontre avec Eric Martelat ,chanteur et fondateur du groupe Messaline.

Je découvre un musicien sincère ,généreux et passionné.

Interview réalisé au black dog café le 17/10/22.

Merci à Roger de replica promotion.

Art ‘N’Roll : Éric, je suis heureux de te recevoir.

Éric : Oui. Merci !

Art ‘N’Roll : Merci pour cette interview. Alors, je rêvais d’une suite à Illusions Barbares? 

Éric : Oui.

Art ‘N’Roll : Mais, qui n’a pas eu lieu.

Éric : Non. C’est vrai.

Art ‘N’Roll : On a été étonnés par ce nouvel album ?

Éric : Oui. Dans Illusions Barbares il y avait un triptyque sur les Templiers, c’était presque un mini concept à l’intérieur du disque. Il y avait trois morceaux qui se suivaient sur les Templiers. C’est vrai que, vu ce que j’avais dit à l’époque dans les interviews, et, après les concerts qu’on avait faits par la suite où on avait repris toute l’imagerie templière on aurait pu. Mais, lorsqu’il est sorti en 2015 j’étais bien sur ce truc-là et ensuite, ce qui se passe à la sortie d’Illusions Barbares.. En fait, quelques concerts après à la sortie du disque, le batteur est parti et celui qu’on a eu en transition pour les concerts de 2016 à fin 2017… ça m’a un peu coupé sur cette histoire de Templiers. Je voulais repartir sur quelque chose d’un peu plus brut parce que le batteur s’était investi dans les morceaux et il n’y avait plus cette fusion qui se faisait.

En 2018, changement de line-up, avec l’arrivée d’Alain Blanc à la batterie, qui a été le batteur de Dream Child dans les années 90 – le premier groupe français qui a été signé chez Metal Blade Records à l’époque, quand même ! – et Mathieu à la guitare. C’est vrai qu’ils sont arrivés avec une autre vision de la musique, plus rock, moins heavy metal. Le ressort était cassé par rapport à ça, je n’allais pas leur imposer ce côté obnubilé que j’avais par les Templiers. Autant l’équipe d’avant ils étaient dans le truc et j’étais poussé par le batteur de l’époque qui était un historien, donc effectivement, bien dans ce trip-là ; mais, réimposer le concept avec des nouvelles personnes ? Non. C’est pour ça que j’ai laissé tomber. 

Peut-être que je réécrirais un titre de temps en temps, parce que j’aime bien l’histoire, mais ça sera de façon épisodique. Il y a tellement de choses à dire, c’est vrai que c’est une période qui me fascine, cet ordre des Templiers, ça m’intéresse beaucoup, alors, forcément un jour ou l’autre un autre il y aura un autre titre, mais pas de concept album sur ça.

Art ‘N’Roll : Illusions Barbares est pratiquement un album culte pour nous. Quand on pense à Messaline ?

Éric : Ah ! Oui ?

Art ‘N’Roll : Dans le style speed metal, pour moi tu es un peu à l’image de Phil d’ADX, assez pragmatique, qui ne lâche rien.

Éric : Oui. On s’est rencontré quelques fois, c’est vrai que j’aime bien le personnage. Bon, ils sont quand même des années 80, ils ont quand même 20 ans de plus de musique que moi. Oui, ils ont commencé en 85 et Messaline a commencé en 2000, ça fait au moins 15 ans de plus que moi. Effectivement, je l’ai vu à un festival cet été en Rhône-Alpes près de chez nous, et c’est vrai, il ne lâche rien. Ils ont cette ténacité.

Art ‘N’Roll : Un peu comme toi !

Éric : Oui. C’est vrai ! En fait, c’est vraiment une passion. Après, je trouve qu’à un certain âge, soit tu arrêtes complètement parce que tu sais très bien que tu ne vas pas vivre que de la musique avec forcément des compos en français, etc. Donc, comme tu dis : il faut être pragmatique. Soit, tu te dis : « Voilà, j’enlève de ma tête que je veux devenir musicien pro et je fais ça pour me faire plaisir. » et tu continues ; soit : « je veux être musicien pro » et tu t’arrêtes.

En plus, je trouve qu’en France ce n’est absolument pas un but en soi d’être musicien professionnel. Surtout si tu fais de la composition, parce que si c’est pour…  Au bout d’un moment on aime bien son petit confort aussi. C’est-à-dire qu’à 50 ans, je préfère avoir ma vie en province avec ma maison, mon jardin, mes amis et ma famille.

Art ‘N’Roll : Plutôt qu’être sur la route…

Éric : …et puis crever la dalle et bouffer avec mille euros de droits SACEM tous les mois. Après, je sais, quand tu as 25 ans que tu es jeune, je comprends complètement que tu veuilles en faire ton métier. Moi, je ne vois que le côté bonheur et plaisir. Quand tu n’éprouves plus de plaisir effectivement, tu arrêtes. Alors que, quand tu n’as pas de plaisir et que c’est ton boulot, tu ne t’arrêtes pas, il faut que tu continues pour bouffer.

Art ‘N’Roll : Tu as des regrets par rapport à ta carrière avec le groupe Messaline ?

Éric : Ah, non, non ! Pas du tout. Parce que franchement, j’ai commencé Messaline assez tard. Mon groupe précédent était ABSURD. Messaline a commencé en 2005, donc j’étais déjà ultra installé et déjà trentenaire, j’ai un métier qui me plaît. En fait, j’ai même deux métiers : je suis dessinateur de presse et je suis prof d’arts appliqués en lycée pro, ce qui me laisse du temps pour faire plein de musique et qui me permet de vivre très décemment, je veux dire, il ne faut pas déconner ! Quand j’ai commencé Messaline, ça a toujours été un « loisir ». On fait tout de façon très professionnelle, mais, avec ce côté amateur, loisir, qui nous va très bien. 

Quand on a commencé Messaline je n’ai jamais eu aucune attente. C’est pour ça aussi, je pense, que c’est la raison pour laquelle on est détendus par rapport à ça. Il n’y a pas de…

Art ‘N’Roll : Il n’y a pas de contrainte… C’est vraiment ta passion.

Éric : Il n’y a aucune contrainte. Et puis, par rapport à tous les albums qu’on a sortis avec Messaline, puisque je suis le dernier de l’histoire, il n’y a aucun regret. Je ne réécoute jamais trop mes disques, mais je les ai réécoutés, là, pour l’enregistrement du dernier, pour voir ce qui allait et ce qui n’allait pas. Forcément, tu es obligé de réécouter et tu n’entends que les défauts ! « Putain, je ne l’aurais pas fait comme ça. » Et puis, quelques fois, il y a des morceaux, qu’aujourd’hui on joue et qui ont été enregistrés d’une certaine façon et que maintenant je chante vraiment bien, et, je me dis : « c’est comme ça que j’aurais dû l’enregistrer à l’époque. » Parfois, c’est un peu chiant parce que tu te dis « ce n’est pas comme ça que j’aurais dû faire. » Mais, je ne regrette rien du tout et j’assume complètement les morceaux un peu moins bons, les erreurs qu’il y a sur certains trucs, parce qu’un enregistrement c’est vraiment un instant t et puis c’est bien que ce soit comme ça aussi. En fait, quand tu fais un disque tu graves un petit bout d’éternité quand même. Voilà, à l’instant t, tu as fait ça, tu pensais ça, tu t’es exprimé de telle façon, c’est comme ça. Et après, tout le monde est pareil, je pense que si tu demandais à Jimmy Page de réécouter Stairway to Heaven il pourrait te dire : « J’ai fait un pain dans le solo. » alors que tout le monde dit que c’est un solo mythique et il voudrait le refaire. Mais, je veux dire, putain on s’en fout ! On a vibré comme ça et c’est comme ça.

Art ‘N’Roll : C’est comme ça que tu vois. Tout à fait.

Éric : Ben ! ouais. Voilà.

Art ‘N’Roll : On va parler de ton nouvel album Les Vieux Démons qui est sorti au mois de septembre. Alors, est-ce qu’on peut parler d’un concept album ?

Éric  :  Oui.

Art ‘N’Roll : Il y a énormément de références. Déjà on va parler des 3 Stryges, alors c’est qui ces trois démons ?

Éric : Les 3 stryges ce sont trois démones. J’ai découvert le mot stryge dans une chanson de Tiéfaine, j’aime beaucoup son écriture, et c’est vrai que je n’avais jamais entendu ce mot-là. Ce sont des démones qui tournent autour des morts et des vivants, c’est un bon départ pour écrire un texte.

Et pour répondre à ta question sur le concept album, c’est un concept album sans histoire.

Art ‘N’Roll : Il n’y a pas de fil conducteur ?

Éric : Le fil conducteur n’est pas dans le fond, ce n’est pas dans les textes, ni dans l’idée, c’est dans la forme. C’est dans les clins d’œil musicaux, c’est ça les vieux démons. En fait, on s’en est aperçu après. Une fois qu’on a commencé quelques morceaux avec Mathieu, on s’est dit : « finalement le fil conducteur il est là. » On ne voulait pas forcément écrire un concept album au départ. Un concept album à la The Wall, où tu as l’histoire d’un mec et d’autres personnages, parce qu’en fait il n’y a pas de lien entre les textes entre eux. Mais, en fait, ce qui fait le lien ce sont tous ces clins d’œil musicaux à nos grands anciens. 

Quand il a fallu commencer à trouver un nom d’album, le morceau qui s’appelle Vieux Démons, le morceau éponyme, on ne l’avait pas encore écrit. Mais, au bout de quatre cinq morceaux, quand on voyait qu’on était en train d’élaborer un album comme ça, j’ai dit à Mathieu : « Tiens ! l’album on va l’appeler Les Vieux Démons. »

Le terme vieux démons je l’avais déjà utilisé dans un texte sur un disque précédent et ça m’est revenu. Nous, on est des vieux démons ! On a tous la cinquantaine, on continue à faire la musique du diable (rires) donc, on est un peu démoniaques, et puis, vieux, voilà, on a des cheveux blancs et pour le coup on a fait remonter nos vieux démons, nos cadavres dans le placard, nos Led Zeppelin et compagnie, notre inconscient de cette musique est ressorti, on l’a laissé…

Art ‘N’Roll : On retrouve un morceau de Led Zeppelin dans Je voulais te dire ?

Éric : Oui, oui. Et, on le retrouve aussi dans Le jardin des délices, ce morceau, c’est vraiment un plan acoustique de Page dans Led Zeppelin III, l’album le plus acoustique de Led Zeppelin.

Art ‘N’Roll : Alors, tu vas me dire, dans Les 3 Stryges, le riff me fait penser a  Stocks. SUZY ?

Éric : Ah ouais ? Ben, tu vois c’est un riff de Metallica.

Art ‘N’Roll : J’ai tout de suite pensé à Suzy de ce fameux groupe Stocks des années 80. 

Éric : C’est marrant ! Depuis qu’on a commencé les interviews c’est super, parce que, nous, on a des références et on est influencés par tel truc et des gens nous disent, « Ah ben ! tiens il y a ça ! ». Par exemple, la semaine dernière, on a fait une interview pour une émission de radio et le gars nous dit :  « Sur la rythmique dans Je voulais te dire, il y a du Led Zeppelin, Immigrant Song, » et le gars a trouvé aussi Touch too Much d’AC-DC. C’est vrai qu’il y a un passage…

Art ‘N’Roll :  Oui, mais du coup chacun donne son avis.

Éric : Oui. Mais le truc, c’est comme maintenant on a ça en tête, on va s’efforcer de trouver, parce que bon, effectivement, il n’y a que sept notes dans la musique, tu vois (Rires), à un moment donné… Il y a des dérapages contrôlés ou d’autres incontrôlés, mais c’est sympa !  Et je suis super content du titre de l’album, je trouve que c’est un titre parfait. Je trouve qu’il sonne.

Art ‘N’Roll : Quand on voit la pochette des Vieux Démons on pense tout de suite à Ghost, vous êtes représentés chacun en démon. Cette fameuse pochette de Stan Decker ?

Éric : Stan Decker, je l’ai contacté quand on a commencé à avancer sur disque en lui disant que j’aimerais beaucoup qu’il fasse la pochette parce que j’aime beaucoup son travail et je suis ce qu’il fait depuis longtemps. Lui, il connaissait deux albums de Messaline, pour lui c’était prog, mais avec le côté théâtral chanté en français. Lui, il a écouté beaucoup de prog, il connaît bien ce milieu-là. Il m’a dit : « oui, bien sûr. » Je lui ai expliqué qu’on voulait une pochette où on se mettait en scène un peu comme les groupes dans les années 70. Mathieu avait en tête en référence, la pochette de Kiss Love Gun, où il y a les quatre avec des gonzesses… tu vois ? Voilà. Et moi j’avais en tête l’album de Rainbow Rising avec la main et l’arc-en-ciel. Je voulais vraiment une peinture, qu’on sente que c’est fait à la main, une peinture dans le style renaissance. 

On a échangé avec Mathieu, lui avait sa référence et moi j’avais la mienne. Je me suis aperçu, putain, que c’était le même peintre, Ken Kelly, qui avait fait Love Gun et Rising, et je me suis dit : « Ce n’est quand même pas un hasard, c’est trop ! Nos deux références, c’est le même peintre. » J’ai expliqué ça à Stan et je lui ai parlé du concept qu’on avait trouvé, du nom Les Vieux Démons. Entre temps – comme je suis dessinateur, je lui ai fait un croquis, mais un croquis hyper poussé, avec toute la mise en scène dans la chapelle.

Art ‘N’Roll : Vous avez chacun votre démon?

Éric : Oui. Eh bien, j’avais tout dessiné. C’est marrant parce qu’il m’a dit : « C’est la première fois que j’ai un croquis aussi détaillé dans mes commandes. » C’était assez rigolo, on s’est marré là-dessus et puis il l’a finalisé avec le talent qu’on lui connaît, c’est un truc de fou.

Quand on regarde la pochette de près, c’est pareil, il y a quelques références. Tu vois la nana qui est au deuxième plan avec Mathieu, elle lève un voile et dans le voile on voit une croix pattée, parce que j’ai quand même fait une référence aux Templiers pour dire l’ancien .

Derrière l’hôtel, où je suis posé, il y a une femme devant, et, derrière l’hôtel il y a un tableau. Dans ce tableau, nous sommes tous les quatre encadrés, c’est la photo de la pochette de l’Hôtel des Possédés notre album précédent. C’est L’Hôtel des Possédés et je suis devant l’hôtel !

Il y a une lumière qui va de gauche à droite, qui passe par le vitrail et quand elle frappe le vitrail on voit un arc-en-ciel, c’est ma référence à Rising. La lumière de l’arc-en-ciel se transforme en lumière blanche et elle tape une petite sculpture, c’est un pape, une référence à Ghost, et, quand on regarde de près, le pape a la tronche de Lemmy de Motörhead. Il faut bien regarder ! C’est pour ça qu’avec la version vinyle gatefold – parce qu’il y a aussi un vinyle qui sort dans quinze jours, et on l’a déjà reçu – on voit la pleine mesure.  Avec Stan on avait parlé du visuel, il m’a demandé s’il y aurait une version vinyle et je lui ai répondu : « oui » et il m’a dit : « Alors je vais pouvoir m’éclater à faire les détails que tu veux. » Donc, il a réfléchi la pochette en sachant qu’il y allait avoir le grand format. C’était un grand échange artistique avec lui, et, c’est vrai que sur le vinyle on voit bien tous ces détails. 

Parce que on veut faire de « l’art total ». Pour nous la musique c’est quelque chose, mais tout est important : les morceaux sont importants, l’ordre des morceaux, le livret à l’intérieur – qu’un copain graphiste fait tout le temps est hyper design aussi – la pochette de Stan. On a sorti aussi un clip pour Je voulais te dire en animation et en dessin animé qui fait référence au 19ème. Il y a toujours des références artistiques dans ce que je fais. Parce qu’on trouve avec Mathieu… Et c’est super, parce que j’ai trouvé mon alter ego, Mathieu il n’est pas que musicien et que guitariste, il est vraiment aussi dans cette veine. On se fait plaisir, mais ce n’est pas pour ça qu’on ne va pas au bout des choses, on veut aller au bout.

Art ‘N’Roll : On sent que vous vous faites plaisir sur cet album. Au niveau de l’enregistrement, on a vraiment l’impression de vous entendre jouer en live.  Et si on revient au morceau Les 3 Stryges on le voit plus en live qu’en studio, la dimension est complètement différente. Vous avez des chœurs féminins.. C’est un peu à l’image de Trust qui intègre maintenant des chœurs.

Éric : C’est vrai. On a deux choristes, pour l’instant qu’une parce que l’autre a des problèmes de voix. Mais Agnès est entrée en tant que choriste, chanteuse et percussionniste dans le groupe, on n’est plus quatre, mais cinq, voire six. mais une des deux a des problèmes de voix assez important depuis six mois, mais le line-up c’est cinq, voire six, effectivement. On ne nous verra plus jamais à quatre sur scène, parce que c’était vraiment une valeur ajoutée. Agnès, la choriste qui est pour l’instant présente tout le temps, joue aussi des percussions donc elle donne d’autres couleurs. Un peu comme Ian Gillian qui s’emmerdait pendant les solos (rires). Mais, là, ce n’est pas pour s’emmerder, c’est pour ajouter une autre couleur à la musique et puis je vais lui laisser de plus en plus prendre le micro. Il y a un morceau qu’on a retravaillé et on fait carrément un duo. Qu’il n’y ait pas que ce côté un peu « réducteur ».  Mais Les 3 Stryges tu as raison, c’est un morceau qui a une dimension de folie, et puis, ce que tu disais : « on sent que vous avez enregistré… » On a fait ça aussi à l’ancienne, pour garder le côté rock. Parce que le problème de faire du studio, c’est que maintenant tout le monde a des home studios et donc personne ne va s’emmerder à aller payer deux fois plus cher pour aller en studio. 

Nous, on le fait. Pourquoi ? Parce qu’avec un home studio tu as ta batterie programmée, ou même si tu vas faire de trucs avec un batteur, ensuite, le mec est devant son ordinateur. Les mecs mettent six, huit, mois à enregistrer un album parce qu’ils ont fait cinquante prises de guitares pour arriver à être propre de chez propre. Mais, après, plus tu fais du propre plus ça devient hyper chirurgical et dans la musique il y a… Alors, bien sûr, quand tu fais des trucs hyper techniques, gent et tout ça, c’est hyper chirurgical, mais finalement le résultat devient aseptisé. 

Pour certains styles de musique c’est bien, mais pour nous, qui revenions à un côté très organique, très hard rock, avoir cette démarche de faire du home studio et faire quarante prises de guitare pour dire c’est calé. On aurait perdu ce côté hard rock, rock ‘n’ roll et c’est pour ça qu’on a absolument voulu aller en studio à l’ancienne. On a pris trois jours pour la batterie : « Tu te démerdes, tu fais tes batteries. » Trois jours pour la basse : «Tu te démerdes. » Deux, trois jours pour la guitare et pareil pour les voix. Je me suis dit : « Je fais deux ou trois morceaux par jour, histoire d’être encore dedans. » Sinon, effectivement, si tu chantes un couplet un jour, un couplet un autre jour, bien sûr tu vas être super propre, mais tu n’as plus l’énergie rock ‘n’ roll. 

C’est vrai, Mathieu a fait toutes ses guitares en deux prises, maximum trois prises. Alain à la batterie, idem. Moi, j’ai essayé au maximum de faire deux prises, à certain moment j’en ai fait plus pour essayer de chopper la bonne note, mais en règle générale, c’était une prise d’échauffement et ensuite, on enregistre pour garder l’énergie. Parce que tu la perds, comme tu perds l’énergie, l’autre aussi la perd et tu empiles des piles de façon chirurgicale, putain ! après c’est dur pour qu’il y ait de la magie !

Art ‘N’Roll : On sent la magie dans cet album.

Éric : Ah ! c’est super.

Art ‘N’Roll : Totalement. C’est pour ça qu’il est un peu déroutant pour le monde du metal – on ne va pas dire traditionnel – mais on a perdu un peu cette magie; J’ai fait écouter l’album et on m’a dit : « On a l’impression qu’ils sont tous nouveaux, qu’ils débutent. » L’album est apprécié, mais pour ceux qui ne connaissent pas Messaline, ils disent : « Ils sont débutants ».

Éric : Ah ? Débutants dans le sens où ils ont cette énergie ?

Art ‘N’Roll : Oui. Cette énergie, ce sens, ce son?

Éric : Qui est frais…

Art ‘N’Roll : Qui est frais, qu’on n’entend plus.

Éric : Oui. Tu vois le mastering, on l’a fait à Paris, chez Arnaud Bascùnana qui commence à beaucoup travailler. Il a fait Guitar United, il a fait tout l’album.

Art ‘N’Roll : Il a bossé avec Fred Chapelier ?

Éric : Oui, il a bossé avec Chapelier.

Art ‘N’Roll : C’est pour ça qu’il y a tant d’envolées de guitares en fait ?

Éric : Je ne sais pas ? Il a fait Yarol Poupaud, il a fait le nouvel album d’Axel Bauer. En fait, on lui a fait masteriser et pas mixer. C’est-à-dire quand tu reboostes tout l’ensemble pour équilibrer les intensités de basses, d’aigües… Le disque était déjà mixé. On lui a envoyé parce que j’ai un copain qui est dans Guitar United qui me l’avait conseillé, il m’avait dit : « Il bosse à l’ancienne, il a du super matos, il a des vieilles bandes. » 

Je l’appelle et je lui ai expliqué le concept. Ça l’a emballé parce qu’il m’a dit : « tu es à contre-courant, mais tu es tellement à contrecourant que tu es super dans le vrai et dans ce que je fais en ce moment. Les groupes qui viennent enregistrer chez moi au studio 180, je les fais enregistrer à l’ancienne, tous dans la même salle à bandes. Je vais te faire ton mastering comme si ça sortait de mon studio au niveau du mixage. » Je lui ai envoyé les bandes et il me fait : « Vous avez bien mixé avec le gars. » Et il nous a fait un mastering qui respire vachement. Tu as l’impression qu’on est effectivement tous dans la même pièce parce qu’il y a un son qui respire. Il n’a pas fait comme tous les mecs qui font du master maintenant, les mecs compressent tout à burnes, tout est compressé et tout est dans la saturation. Donc, quand tu écoutes ces albums, du début à la fin c’est brhhhh, c’est saturé. Nous, il y a des vagues, quand c’est soft et quand c’est acoustique, ça respire. Les guitares acoustiques, tu as l’impression qu’elles sont devant toi. Je trouve qu’il a fait un super boulot de mastering.

Art ‘N’Roll : On entend beaucoup de sons différents dans tout l’album, l’harmonica, du flamenco ;des touches bien jazzy?

Éric : Je pense qu’il y a deux choses : les morceaux individuellement je les trouve bien, et la valeur ajoutée, c’est d’écouter l’album dans son entièreté, d’un seul trait, parce que les morceaux s’enchaînent tous superbement. Je trouve que l’enchaînement est très sympa et je pense que c’est une valeur ajoutée que d’essayer de prendre du temps – alors maintenant personne n’a plus de temps – pour l’écouter en entier parce qu’il se passe quelque chose quand tu écoutes en entier, justement il y a des temps calmes, des interludes, etc. 

Un interlude, ça marche juste parce que tu as mis un truc avant qui annonce celui d’après. Si tu n’écoutes que l’interlude sur Deezer, tu te dis : « Ah, ben voilà ! c’est juste un bout de piano avec un petit truc de guitare derrière. » Tu vas dire : « C’est sympa, oui, mais… » Alors que l’interlude, il arrive à la suite d’un truc qui est hyper violent, qui monte en puissance. Avec Black Shaman, ça se finit avec l’ordre du temple solaire ils se sont tous zigouillés, ça part avec un solo de batterie, des guitares qui font du ping-pong, gauche, droite, un petit peu à la Hendrix. Tu es asphyxié et tu arrives, pof ! avec le guitare-piano, c’est une bonne respiration, au bon moment. En plus, ce morceau fonctionne parce que dans les oreilles il y a eu ce tu as eu avant, et aussi, parce que c’est l’intro pour le morceau suivant qui repart un peu punchy. Alors, parfois, c’est hyper important d’écouter un disque en entier comme il est agencé. C’est pareil, c’est à l’ancienne et l’autre truc à l’ancienne, c’est ce que tu disais : il faut plusieurs écoutes, en fait c’est ça ! 

Art ‘N’Roll : Oui, il faut plusieurs écoutes afin de se l’approprier.

Éric : Nous, quand on achetait nos vinyles les premières écoutes on était un peu déstabilisés parce qu’il y avait plein de trucs qui se passaient. « Merde ! » Et comme tu t’achetais un seul disque par mois parce que tu n’avais pas de pognon, eh ! ben, tu étais obligé de l’écouter plusieurs fois. Après la deuxième écoute tu disais : « Putain, je n’avais pas entendu ça la première fois. » À la troisième écoute « ça y est, il y a ça, mais il y a encore autre chose. » et au quatrième coup tu te dis : « Ouah ! c’est vraiment super. » C’est con à dire, mais, si j’ai un conseil à donner aux lecteurs c’est qu’il faut prendre du temps, je pense que c’est un disque qui s’écoute en entier et plusieurs fois.

Art ‘N’Roll : Tout à fait. En plus vous avez beaucoup d’invités. Vous avez quatre invités qui sont quatre chanteurs plutôt emblématiques et complètement différents comme Jo Amore de Nightmare qu’on retrouve dans Orion Stargazer. C’est un peu votre Starmania ce titre ?

Éric : Alors, Orion Stargazer c’est une référence à Rainbow, l’intro avec la guitare un peu sèche, claquante, c’est un peu Blackmore dans Do You Close Your Eyes. En plus, Stargazer c’est le morceau épique de Rainbow, et là, on peut dire que c’est un peu le morceau épique de Messaline qui conclut l’album. Faire commencer Jo Amore, qui est un peu le James Dio français, je trouvais ça génial.

Art ‘N’Roll : Il a un son de voix très particulier, on le reconnaît immédiatement.

Éric : Faire un clin d’œil à Rainbow, avec le James Dio français, pour moi, je trouve ça génial, dans le concept. Effectivement, on s’est dit : « On ne va pas se faire chier. » En plus, ce sont tous nos copains, alors on prend les tous meilleurs chanteurs de hard français, c’est-à-dire : Renaud Hantson et Jo Amore. Et les tous meilleurs chanteurs de prog « français » c’est Tristan Décamps et Pierre-Yves Theurillat, je dis français entre guillemets parce que Pierre-Yves Theurillat est Suisse et le groupe Galaad c’est quand même une référence dans le prog chanté en français. Je trouvais ça, vraiment cool ! Une fois de plus on s’est fait plaisir et eux aussi ils se sont fait plaisir, il se sont lâchés et ils ont bien compris où je voulais en venir quand je leur ai expliqué. 

Art ‘N’Roll : Bon. Que du bon pour la suite de Messaline. 

Éric : J’espère. 

Art ‘N’Roll : Allez-vous faire une reprise des groupes des anneès 80 ?

Éric : On a fait une reprise d’Ange. 

Art ‘N’Roll : Est-ce qu’un jour on aura un disque avec toutes les reprises que tu as faites, que ce soit en premières parties, ou en festival, tous ces groupes français qui sont passés avec vous ils sont tous différents. Alors j’imagine… 

Éric : Oui. Alors, faire un disque avec juste des reprises… Je pense que quand un groupe fait un disque de reprises c’est une pause dans sa carrière, c’est pour reprendre son souffle, ou se remotiver sur des trucs. Bon, pour nous, ce n’est pas à l’ordre du jour parce qu’avec Mathieu on est hyper motivés et boulimiques sur plein de choses. Après, pour le clin d’œil… 

Sur scène pendant les deux derniers concerts on a joué une reprise – et ça marche bien – du premier groupe de hard français de l’histoire, parce que je suis toujours dans la reconnaissance du ventre, le clin d’œil, la référence. Tu sais qui c’est ?

Art ‘N’Roll : Un groupe français ? 

Éric : Non, un groupe qui a commencé en 1966 et qui a fait un premier album en 1970 ! 

Art ‘N’Roll : Laisse moi reflechir……..

Éric : Et il est classé hard rock !

Art ‘N’Roll : Les Variations ?

Éric : Ah ! Oui. Les Variations ! Ils ont fait les premières parties de Led Zeppelin en 1969, ils ont joué avec les Blue Öyster Cult, Steppenwolf… Ils ont commencé avec un premier album en 1970 très Led Zeppelin, et puis, Jo Leb il avait une voix cassée un peu à la Mick Jagger. Ils l’appelaient le Mick Jagger français et quand tu vois les archives de l’époque, avec les cheveux longs, ils ont le look, le guitariste a les cheveux bruns, tu as vraiment l’impression de voir Led Zeppelin. Ils chantaient en anglais, le deuxième album, Come and Get It, a été enregistré aux États-Unis. Ils ont joué avec Aerosmith, ils ont une carrière incroyable.

Art ‘N’Roll : Et vous reprenez un de leurs titres ? 

Éric : Oui. On joue un titre d’eux. C’est le seul 45 tours qu’ils ont sorti chanté en français – parce que moi, ça me fait chier de chanter en anglais pour un groupe français – et eux ils ont fait ce morceau en français qui s’appelle Je suis juste un rock ‘n’ roller. Ça fait deux concerts qu’on le joue et il y a un riff un peu rock à la Led Zep dessus, c’est un joli clin d’œil. Alors, peut-être que cette version-là comme on la joue en live, on l’enregistrera. 

Art ‘N’Roll : Comme vous avez fait un album de reprises de Killers?

Éric : Alors, on ne va pas faire un album entier. C’est vrai que pour le tribute à Killers, Brennus nous avait contacté pour faire un titre, et, si on nous demande de faire un titre pour un tribute à untel ou untel on le fera avec plaisir.  C’est un exercice de style. Mais, tout un disque ? Comme on essaye de faire les choses bien. Il faut prendre du temps. Je pense que par rapport à l’énergie qu’on a en ce moment, on n’a pas de temps à « perdre » parce qu’il faut quand même y investir du temps, et, autant se consacrer à nos compos. Mais, si on nous demande un tribute à je n’sais pas qui… même un tribute à Claude François je le fais !

Art ‘N’Roll : Vous êtes chez Brennus Music, on reste dans Killers, c’était leur ancien label ? 

Éric : C’est vrai. 

Art ‘N’Roll : Maintenant Killers s’autoproduit. 

Éric : Oui c’est ça. Ils s’autoproduisent parce qu’ils ont compris que le marché du disque…

Art ‘N’Roll : Pourquoi cette démarche ? 

Éric : Je ne sais pas. Mais, je pense que c’est parce qu’ils ont bien compris que le marché du disque était mort et que si c’est pour en vendre cent en magasins, c’était plus la peine, et, qu’ils font de la main à la main. 

Nous on n’a pas cette démarche parce qu’on n’a pas un carnet d’adresse aussi étoffé que Killers. Ils sont là depuis les années 80, ils ont une sorte de fan club, finalement ils n’ont pas besoin d’un label. Nous ça nous fait un peu plus de ventes d’être encore chez Brennus. Et puis, le fait que Brennus bosse avec Believe, la boîte de distribution qui distribue sur toutes les plateformes numériques c’est bien, parce que l’avenir c’est quand même ça. 

Tu vois, on le sait, c’est l’avenir de Messaline. On a déjà composé deux nouveaux morceaux qu’on joue maintenant sur scène. Avant de sortir un album il faut sortir des singles sur les plateformes. Là, on a un morceau qui est bien foutu, qu’on a déjà joué deux fois et apparemment les gens ont bien aimé, on va rentrer en studio et on va le sortir en single. 

Art ‘N’Roll : Et un futur album ? 

Éric : D’abord un futur single. J’aimerais bien qu’on le sorte avant juin 2023. Un nouveau titre pour se lancer, et puis, tu fais des sessions de studio régulièrement et tu sors : soit un EP quatre titres en physique pour les gens qui ne sont pas sur les téléchargements, soit tu attends encore et tu ressorts un album avec les morceaux que tu as sorti sur les plateformes. Je crois que l’avenir c’est ça. 

Art ‘N’Roll : Que du bon pour l’avenir de Messaline. 

Éric : Oui. Je crois. 

Art ‘N’Roll : Une tournée ? 

Éric : J’espère que la personne qui s’investit avec nous pour nous trouver des dates en trouvera. Nous on a pour objectif de commencer les concerts début 2023. Oui, parce qu’on ne voulait pas qu’il commence à nous chercher des dates avant, parce que chercher des dates en amont, au printemps dernier, ça aurait été démarcher avec l’ancien « CV » sans écouter le nouveau Messaline, qui, je trouve, est complétement différent musicalement de l’ancien, plus hard rock… Ça fait chier qu’il essaye de démarcher des concerts et qu’il se fasse claquer la porte de certains festivals, on lui répond avec des « C’est trop rock » ou « pas assez rock » alors que ce n’est pas la musique qu’on fait actuellement. 

On a tourné des clips live cet été qu’on a diffusé. Là, on a deux singles qui sont sortis avec deux clips, et maintenant il y a de la matière. On démarre les interviews, les chroniques commencent à tomber, finalement, on est plus à trois mois près, il vaut mieux qu’on démarche maintenant, parce que là on nous dit : « Ah, ben, oui j’ai lu une chronique le mois dernier dans tel truc… » et puis : « Oh ! Là, vous venez de sortir un clip, bien sûr… » 

C’est pour ça qu’on ne fait pas comme les grosses productions américaines, quand les mecs sont en interviews, ils sont là pour promouvoir leurs tournées ; moi, je suis en interview pour promouvoir mon disque et que ça donne de la matière au tourneur pour qu’ensuite il puisse nous caser sur des belles premières parties…  Bon, il ne faut pas rêver non plus. Une tournée il ne faut pas être présomptueux à part quelques gros groupes comme Lofofora et Ultra Vomit, je veux dire, faire une tournée ce n’est pas possible.  Oui, ça sert à quoi de mentir. Il faut avoir le vrai discours. Il y a des mecs qui disent : « Ouais on va partir en tournée ! » Non, ce n’est pas parce que tu joues chez toi et la semaine suivante à dix kilomètres de chez toi que tu fais une tournée. Non ! tu fais des concerts, il faut arrêter, je veux dire. Lofofora fait des tournées, Ultra Vomit fait des tournées, Mass hysteria fait des tournées, mais c’est tout. Ça sert à quoi de mentir pour le lecteur, en faisant ça tu dis de la merde. Les mecs disent « Ouais je vends cinq mille albums ! » Mais non ! Tu fais comme tout le monde, tu vends entre cinq cents et mille disques et sur ce nombre, tu en vends deux cents en magasins et le reste c’est parce que tu connais des gens et que tu fais des concerts. La réalité elle est là, point ! Tous les groupes c’est ça, mais il n’y en a pas beaucoup qui le disent en tout cas.  C’est bien simple, les albums de Messaline je les ai toujours tirés à mille exemplaires, le premier est épuisé, et les autres j’en ai deux cents environ. Alors, effectivement, les disques de Messaline se sont tous vendus entre six cents et mille, il y a des mecs qui vont dire : « Ce n’est pas beaucoup ! » et il y en a d ‘autres qui vont dire : « Putain, si c’est beaucoup. » parce que c’est par rapport au marché. 

ART ‘N’ ROLL : Merci à toi Eric ,tout est dit. 

Eric: Au plaisir.                       

 

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