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Interview avec Mikko Sirén d’Apocalyptica

vendredi/10/01/2020
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Il y a cinq ans déjà, Art’n’Roll avait eu le plaisir de s’entretenir avec Eicca Toppinen, un des violoncellistes d’Apocalyptica, pour un ITW mémorable réalisé lors de la sortie de leur précédent enregistrement studio, « Shadowmaker ». Cette fois, c’est avec le batteur Mikko Sirén que les compteurs ont été relevés, en vue de la sortie le 10 janvier 2020 de « Cell – 0 », le neuvième album des virtuoses Finlandais, un retour à leurs sources artistiques… Et peut-être le meilleur disque d’Apocalyptica à ce jour.

 

Mikko Sirén (Regardant le dossard « Sabotage » de Black Sabbath cousu sur la veste en jean de l’interviewer) : Wow ! Regarde-moi-ça !!!

Art’N’Roll : Oui, j’aime ce disque réalisé en 1975, tout comme moi…

MS : (Rires) Et tout comme moi-aussi !

ANR : Commençons par votre actu… Vous avez joué chez vous à Helsinki samedi dernier (NDA : entretien réalisé le 27 novembre 2019), en ultime date de votre tournée européenne, et en compagnie de Sabaton et d’Amaranthe, dont un duo avec Elyze Ryd (NDA : la chanteuse d’Amaranthe) sur votre composition « I Don’t Care » : quel est votre ressenti quatre jours après ?

MS : A mon avis c’était parfait. C’était complet et nous avons ressenti de bonnes vibrations émanant de tout le monde, du public comme des artistes. Cet événement nous a permis de rompre la routine des concerts habituels, en compagnie de deux groupes de qualité en première partie, puis Elyze est effectivement revenue sur scène chanter avec nous pendant notre concert. Les liens avec ces deux formations sont forts : nous allons d’ailleurs repartir en tournée, en première partie de Sabaton cette fois, en janvier 2020.

ANR : Comme vous pouvez le constater, il fait moche ici à Paris… Quel temps fait-il à Helsinki ?

MS : Il fait noir sur la partie Sud du pays et nous avons de la neige. J’apprécie vraiment.

ANR : Autre considération d’actualité : hier soir, pendant le concert de Sepultura organisé spécialement à Paris pour cette annonce, le Hellfest a dévoilé la liste des groupes et artistes qui participent à l’édition 2020… Et il n’y aura pas Apocalyptica…

MS : Doux Jésus (Rires) ! Nous serons néanmoins à l’affiche de plusieurs festivals au printemps, notamment en France, puis cet été. Mais nous nous concentrerons cette année sur des représentations données principalement dans des clubs. Nous sortons d’une tournée assez importante en termes d’affluence, nous avons à cette occasion enregistré un album Live (NDA : « Plays Metallica by Four Cellos – A Live Performance »), et il nous est apparu très important d’alterner entre la taille des scènes sur lesquelles nous jouons. Nous ferons la promotion de notre nouvel album en festivals à l’été 2021. Sinon, je garde un excellent souvenir de notre passage au Hellfest en juin 2017, il faisait très chaud.

ANR : Votre précédent disque, « Shadowmaker », avait pour sujet les manipulateurs de tous poils qui pompent nos énergies positives au quotidien : Apocalyptica sort son nouvel album le 10 janvier 2020, le neuvième en plus de vingt-quatre ans de carrière, plus sobrement intitulé « Cell – 0 », de quoi parle-t-il ?

MS : D’un retour vers l’intérieur, notamment vers le noyau de notre musique, le monde est fait de particules à l’image des rochers. La musique elle-aussi est constituée de petites choses, qui sont assemblées et créent alors des mélodies. Nous évoquons également la compassion et l’empathie, ces autres petites choses qui sont constitutives de la race humaine et de ses talents complexes. Selon nous, car le monde s’emballe de plus en plus et devient fou, la violence est partout, la planète est en cours de destruction, et peu de personnes font vraiment quelque chose afin d’y remédier. Le Monde a besoin de l’empathie requise. Et fâcheusement, la race humaine dépense beaucoup d’énergie pour casser cet équilibre : plus d’argent, plus d’innovations négatives alors qu’elles devraient être utiles.

ANR : Ce retour à la pureté serait attestée par le fait que « Cell – 0 » est un instrumental, contrairement à « Shadowmaker »…

MS : Effectivement, il n’y a pas de chanteur cette fois. Cela provient du fait que nous avons tourné au cours des années 2018 et 2019 à travers le globe afin de jouer « Plays Metallica by Four Cellos », qui est notre classique, et qui a fêté ses vingt ans. Cela a constitué le point de départ de ce retour aux sources conceptuelles. Surtout, nous avons constaté avec plaisir à quel point le public respectait cet album totalement instrumental, qui est la quintessence de notre style musical. De plus, cela faisait dix-sept ans que nous n’avions pas enregistré de disque instrumental…

ANR : … La simplicité de la pochette de « Cell – 0 » symbolise ce retour aux sources…

MS : … Forts de ces constats, nous nous sommes dit : enregistrons un disque sans chant avec, en effet, une pochette sombre ne montrant qu’un unique violoncelle.

ANR : « Cell – 0 » est produit par Apocalyptica, contrairement à « Shadowmaker » qui était produit par Nick Raskulinecz…

MS : Oui. Cette décision a été très importante pour nous : le faire nous-mêmes, tel le groupe uni que nous sommes. Ce travail réalisé à l’unisson et sans producteur extérieur a notamment été facilité par le caractère instrumental de « Cell – 0 ». Après toutes ces années, passées à apprendre et à observer les divers intervenants en studio, nous savons désormais EXACTEMENT comment produire un disque. Nous ne souhaitions donc pas être influencés dans la réalisation de celui-ci par autrui : le meilleur producteur de cet album ne pouvait être qu’Apocalyptica. Cela ne signifie pas que nous ne ferons plus jamais appel à un producteur pour la suite, mais juste qu’à cet instant de notre carrière et après cette tournée mondiale, nous étions très forts mentalement, l’énergie à l’intérieur du groupe était à son pinacle.

ANR : Le Mix est signé par Andrew Scheps, lequel affiche un tableau de collaborations impressionnant (NDA : Red Hot Chili Peppers, Jay-Z, Lana Del Rey, Metallica, Black Sabbath…), peux-tu nous en dire plus ?

MS : Andrew Scheps a remporté plusieurs Grammy Awards avec des artistes qui sont à mille lieues de notre musique, cela nous a intéressé, et nous nous étions dit qu’un jour nous devions collaborer avec lui. Son apport en tant qu’ingénieur du son a constitué une indéniable valeur ajoutée à « Cell – 0 ». Il a parfaitement saisi ce que nous voulions et s’est intégré à l’entreprise. La relation entre lui et nous lors de la phase de mixage du disque était brillante et synergique.

ANR : Comment l’avez-vous rencontré ?

MS : Par courriels puis par Skype : nous avons tout réalisé par Skype. Nous n’avons pas passé un instant en studio avec lui pendant qu’il procédait au mixage. Il habite à Los Angeles, et à cause du décalage horaire, nous écoutions ses avancées vers trois heures du matin en Finlande, lui donnant en retour nos instructions afin qu’il effectue les changements (Rires)

ANR : Votre son est excellent…

MS : Oui… Oui… La technologie a ses bons côtés. Nous sommes heureux de ce qu’Andrew Scheps nous a apporté… Un son brut anime « Cell – 0 ».

ANR : La batterie est complexe, mais très légère, la caisse claire est omniprésente… Un peu comme la batterie de Danny Carey sur le dernier Tool…

MS : Ouais, ouais ! L’idée directrice pour ma part était de porter différentes ambiances, souvent très sombres, très agressives. Les arrangements à la batterie servent à souligner chaque émotion : quand le groupe joue de manière extrême, ma batterie est tout aussi extrême, lorsqu’il joue de manière tendre, ma batterie est tout aussi tendre. Les violoncelles sont mis en avant et ma batterie doit les accompagner de manière organique.

ANR : Tu parles d’agressivité : par moments, notamment sur « Ashes of the Modern World » », on ressent vaguement comme une ambiance black metal…

MS : OUI, je vois ce que tu veux dire. Notamment sur son Outro. Je crois même que le titre de travail de ce morceau était « Norvège » ou quelque chose du genre, tout simplement parce que la Norvège est le pays d’origine du black metal. J’aime beaucoup ce morceau parce qu’il est composé de beaucoup d’éléments différents, notamment black metal, il est assez majestueux également…

ANR : … Ce morceau est fascinant : il sonne comme une bande originale de film…

MS : L’aspect visuel dans notre processus de création musicale est prédominant : nous nous inspirons de films, mais aussi de peintures…

ANR : Et il y a un morceau dont le titre est à moitié en Français : « En route to Mayhem »… Que cela signifie-t-il ? Il y aurait un rapport avec le célèbre groupe de Black Metal ?

MS : (Rires) Non, il fait littéralement référence au mot « Mayhem » : le désordre, le chaos… Nous nous sommes dit que le mélange avec le Français était amusant. Ce morceau sonne comme une explosion, porté par une véritable performance technique des violoncellistes, je pense que c’est la partie la plus « Metal » de tout l’album. Bombastic !

ANR : Black metal toujours… Tu as vu le récent film « Lords of Chaos » ?

MS : Heuuuuuuuuu….

ANR : Sur la vie d’Euronymous, le guitariste de Mayhem….

MS : D’accord !

ANR : … Et son assassinat par Varg Vikernes en 1993…

MS : D’accord !

ANR : Cela collerait, selon moi, avec votre morceau « En route to Mayhem » dont l’ambiance est à moitié cinématographique, à moitié black metal, et qui évoquerait le groupe Mayhem de surcroît…

MS : Non, je ne l’ai pas vu. Mais justement et peut-être à cause de la sortie de ce Biopic, il y a eu récemment toute une avalanche de papiers sur le groupe Mayhem dans la presse Nordique, surtout à propos de son passé. Le Metal en règle générale, et le Black Metal en particulier, possèdent une mythologie très connectée à la nature, ce qui est très familier au peuple Finlandais, c’est un phénomène très intéressant.

ANR : Votre précédent disque, « Shadowmaker », était également sorti en version « Track by Track Commentary », avec des explications audios données par les membres du groupe à propos de chaque morceau : allez-vous faire pareil pour « Cell – 0 » ?

MS : Nous avons été filmés durant son enregistrement, afin de montrer son processus de réalisation, et nous faisons effectivement des commentaires sur tel ou tel aspect ou détail de notre travail à tel ou tel moment.

ANR : C’est important pour Apocalyptica de transmettre et d’apprendre à son public ?

MS : (Rires) Tu peux dire cela, oui !

ANR : Depeche Mode a sorti « Music for the Masses », vous ce serait plutôt « Haute musique pour les masses »…

MS : (Rires) Il est important pour nous de conserver le contact avec nos auditeurs.

ANR : « Cell – 0 » va sortir en 33 tours… Vous qui avez débuté dans les années 1990, à une époque où aucun disque ne sortait plus sous ce format, que pense Apocalyptica de ce grand retour du vinyle ?

MS : Je suis moi-même un grand fan du son vinyle, donc je ne peux que me réjouir de cette résurgence. Comme on l’a dit tout à l’heure, je suis né en 1975, donc c’est avec cela que j’ai grandi musicalement, ma mère possédait une énorme collection de disques vinyles. J’aime vraiment tout dans ce format, notamment le cérémonial consistant à sortir le disque de sa pochette, de poser le diamant dessus, de régler le son du tourne-disque, c’est la meilleure façon d’écouter une œuvre musicale. Le compact-disque sonne mieux, bien sûr qu’il sonne mieux, mais il ne possède pas l’atmosphère unique, la dimension physique et émotionnelle, d’une écoute sur format vinyle. Comme je t’ai dit, lorsque nous avons composé « Cell – 0 » nous avons privilégié l’aspect visuel de nos idées, chaque chanson devant correspondre à un tableau, ce qui ressort d’autant mieux sur 33 tours.

ANR : Si tu avais à résumer « Cell – 0 » en trois mots seulement, tu choisirais lesquels ?

MS : Oh Jésus Christ… (Rires) Je peux avoir droit à cinq ?

ANR : Oui !

MS : Ce – qu’Apocalyptica – est – en – 2020.

ANR : Et le 17 janvier 2020, à Zurich, vous reprenez la route en compagnie des Suédois de Sabaton, pour vingt-trois concerts dans quinze pays d’Europe… En tournée, vous sacrifiez dorénavant à l’exercice du « Meet & Greet », la pratique généralisée chez les groupes de Metal, qui consiste à faire payer aux fans les plus motivés un supplément afin de vous rencontrer avant le concert…

MS : (Extrêmement gêné)

ANR : … Ce n’est pas une question polémique : connaissant la traditionnelle humilité nordique, que penses-tu du fait que des fans sont prêts à verser de l’argent uniquement pour te serrer la main et faire un selfie avec toi ?

MS : J’ai des sentiments contrastés à propos du Meet & Greet. Parce que je sais que la possibilité de nous rencontrer avant le concert de l’autre côté du rideau est extrêmement importante aux yeux de certaines personnes, la pratique me gêne un peu, mais j’ai conscience qu’en serrant des mains et en leur disant quelques paroles, je sers mes fans. Certains, de plus, n’auront pas l’occasion de nous rencontrer d’une autre manière. Je suis batteur, j’aime être en retrait derrière mes fûts, je ne suis pas une Rock Star. C’est néanmoins une grande opportunité pour certains de nos fans de passer un excellent moment avec nous.

ANR : Un avis sur la scène Metal Finlandaise et son incroyable évolution depuis vingt-cinq ans, scène dont vous êtes les précurseurs avec Nightwish ?

MS : Nous n’en sommes pas les précurseurs, il y en avait plusieurs bien avant nous, ils n’ont toutefois pas connu de réussite à l’international. Amorphis, aussi, était là avant nous. La scène Finlandaise est très familiale, tout le monde se connait personnellement, notamment parce que nous répétons dans les mêmes locaux. Cela créé un esprit convivial et créatif. Cela me fait un peu penser à la Bay Area de San Francisco dans les années 1980. Récemment, par exemple, j’ai prêté mon matériel de batterie à un jeune groupe qui allait enregistrer, ils jouent du Skate Punk.

ANR : Tu viens de parler de la Bay Area : ce n’est un secret pour personne, Apocalyptica est le petit-frère « classique » de Metallica… Avez-vous vu Metallica sur leur tournée européenne de 2019 ?

MS : Et non ! Pas sur cette tournée pour ma part. Mais Eicca les a vu. Et m’a dit que c’était super. Il les a également vu à l’occasion de leur concert symphonique « S&M 2 », il s’est rendu à San Francisco en septembre dernier.

ANR : Avec énormément de difficulté, lors de notre entretien d’il y a cinq ans, Eicca nous avait finalement concédé qu’« Orion », l’instrumental de Metallica paru en 1986 sur « Master of Puppets », était son morceau préféré du groupe… Même question difficile, afin de comparer : et pour toi, ce serait lequel ?

MS : Difficile ! Également difficile pour moi ! Il y a une véritable diversité dans la production de Metallica, de « Blackened » à « Mama Said » ! Cela dépend de mon humeur : tel jour, je privilégierais tel morceau, tel autre le lendemain. C’est ce qui fait la beauté ainsi que l’exceptionnelle qualité de ce groupe. Ce sont d’époustouflants compositeurs et mélodistes, avec des riffs merveilleux à chaque album. Metallica possède une âme qui fait défaut à nombre de groupes de Metal.

ANR : Tu vois, c’est ce qu’Eicca m’avait répondu il y a cinq ans…

MS : (Rires) Nous parlons ensemble de musique en continu depuis des années, que nous en venons à partager les mêmes analyses.

ANR : Il est midi, c’est l’heure du déjeuner, je me souviens lors de notre précédente rencontre que vous dégustiez des crèmes glacées vers seize heures de l’après-midi…

MS : (Rires) BERTHILLON !!! Magnifique : ce sont les meilleures glaces du Monde !!!

ANR : Et aujourd’hui, vous prévoyez de manger quoi ?

MS : Berthillon ! Je crois que nous allons nous y rendre dans la soirée…

ANR : Bon app’ Apocalyptica !

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