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Chronique d’High Energy Rock’n’Roll : Attitude, Riffs & Raw Power

jeudi/11/08/2022
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Auteur : Jean-Charles DESGROUX

Titre : High Energy Rock’n’Roll : Attitude, Riffs & Raw Power

Editeur : Le mot et le reste

Sortie le : 25 août 2022

Note : 18/20

 

Intellectuel de premier cercle (au sens gramscien : id est qui invente et théorise), Jean-Charles Desgroux montre une fois encore que le mot « passionné » employé dans une chronique n’équivaut pas forcement à paresse et galvaudage… Une passion à l’orée de la folie douce. Après « Hair metal : Sunset Strip Extravaganza ! » (2016), « Stoner : Blues for the Red Sun » (2019) et « Rock Fusion : Funk, Hip-Hop, Nü-Metal & autres métissages » (2021), Desgroux n’aura mis qu’un an (525 jours en définitive) afin de concevoir un quatrième tome parachevant (?) une ambitieuse anthologie, le plus surprenant conceptuellement à ce jour. Nous concluions, il y a trois ans, et sans grand effort d’imagination, notre chronique de « Stoner » en indiquant que « cette précieuse somme pourrait fort bien servir de modèle à d’autres, consacrées à des mouvances contemporaines prospères, mais pour l’instants orphelines de toute réflexion d’ampleur en français ». Et c’est précisément ce à quoi que notre biarrot s’est depuis attelé, l’an passé avec « Rock Fusion » (un genre par essence aggloméré) puis ces jours-ci avec « High Energy Rock’n’Roll »… A ceci près que, si les trois premiers ouvrages parvenaient à tout (absolument tout) rassembler concernant genres musicaux et culturels relativement identifiables (respectivement : le metal « à cheveux », le rock « défoncé » et le rock « fusion » naguère appelé « la fusion »), l’objet de ce dernier l’est nettement, voire carrément, moins…

En atteste le potache raz-de-marée de réponses erronées, de bides, d’incompréhensions voire de lassitudes (« Pooooooouce » aurait-on collectivement braillé à l’adresse du copain organisant pareil jeu quatre décennies auparavant…) de la part de ses « amis Facebook » lorsque l’auteur décida en mars dernier de teaser photographiquement le thème de son prochain livre, une photo en rapport sans commentaire débrouillez-vous, faisant par-là-même tourner quotidiennement des dizaines de personnes en bourriques : tout d’abord, Johnny Thunders au Mudd Club par Bob Gruen ; puis une photo dudit auteur devant feu le CBGB ; une autre de lui avec une réplique de Miss Liberty ; quatre 33 tours du MC5 ; « L.A.M.F. » des défunts Heartbreakers ; le premier LP des Ramones ; le troisième d’Iggy and the Stooges ; l’album « Payin’ the Dues » des suédois Hellacopters ; et enfin « Let There Be Rock » d’AC/DC… délivrant finalement premières bonnes réponses, arrachant queues du Mickey, ainsi qu’entière compréhension de l’entreprise (au bout de deux mois quand-même) : un livre sur le rock électrique ! La caractère haletant (voire fastidieux) de ce jeu entre happy fews réticulaires illustrant l’aspect composite voire disparate du sujet. Ce faisant, Jean-Charles Desgroux prouve que l’approche conceptuelle (cerner au feeling en faisant abstraction de toute définition par trop enfermant) ainsi que la méthode d’exposition (un récit historique et logique à chaque fois appelé « Introduction », une centaine de chroniques d’albums majeurs composant le genre présentées chronologiquement, cent albums de plus chacun désormais résumé en une dizaine de lignes également par ordre de sortie, ainsi qu’une bibliographie) choisies par ses soins il y a six ans, enfantaient une formule gagnante. Un heureux canevas. La circonstance que l’éditeur garde à chaque publication supplémentaire une présentation identique, tant du contenant que du contenu, confère en outre un je-ne-sais-quoi de « manuel » à cette gargantuesque entreprise, à l’image d’authentiques manuels de droits, ayant eux traversé moult décennies d’incompréhensions néophytes, de révisions nocturnes puis de classages précautionneux sur étagères (le colossal « Droit administratif » en trois Tomes par Rene Chapus, notamment).

D’aucuns diront que cette dernière phrase exhale (ou empeste, vous êtes libres) l’expérience personnelle du chroniqueur… Et bien cela tombe bien, puisqu’« High Energy Rock’n’Roll » respire quant à lui le subjectif, le ressenti de l’auteur, voire son vécu. En cela, un indice ne trompe guère, à savoir les quatre couvertures d’albums que celui-ci a (subodorons) soigneusement choisies (probablement même suite à des arbitrages mentaux cornéliens) afin d’illustrer ce millésime 2022 : « Let There Be Rock » et « Raw Power » précités, plus « Overkill » de Motörhead et « Apocalypse Dudes » par les norvégiens open minded de Turbonegro… Toutes quatre émanant de groupes fort dissemblables. Pour la simple raison que le genre faisant l’objet de cette quatrième livraison n’existe pas, Jean-Charles a fait plus que jamais œuvre de création, de conceptualisation, parvenir (de surcroît en si peu de temps) à ressembler près de soixante-dix ans de disques caractérisés par l’épars nécessite confiance en soi, vision des choses et capacité de spéculation. C’est pour cette raison que ce quatrième opus est de facto le plus personnel. Ordo ab Chao.

Son idée du rock électrique convoquera et alignera, entre autres (et uniquement pour ce qui ressort des cent premiers heureux élus) : Johnny Burnette et les Donnas, Alice Cooper et Mudhoney, les Kinks et Joan Jett, Little Richards et Black Flag, les Hives et Slade, Nirvana et les Flamin’ Groovies, The Datsuns, Blue Cheer, les White Stripes, Rose Tatoo, L7, Suzy Quatro, Dr Feelgood, Girlschool ainsi que les Who (avec le High Energy « Live at Leeds, bien évidemment…)… Il contredira certains mandarins en plaçant également, avec brio et honnêteté intellectuelle dépourvue d’a priori, nombre de formations honnies de l’intelligentsia rock française (Guns’n’Roses, Airbourne, etc…), démontrant qu’érudition n’est pas synonyme de sectarisme et de Clochemerle. De même, il se fait plaisir en se livrant à des chroniques chiadées et à sa sauce, dans un français fluide et agréable, d’albums plus ou moins légendaires (certains inconnus au bataillon) mais essentiels à ses mirettes. Aux esgourdes de mes miennes manqueront toutefois « Got Live If You Want It », et ses scies balancées par un duo Keith Richards / Brian Jones fuzz sous une bourrine de violence caisse claire d’un Charlie Watts moustachu garage greffé du vrombissement Bill Wyman boots moches purple, avec le Jagger de fin 1966, qui braille en trépignant par-dessus. Dernier détail (puisque qui-on-sait s’y planque dedans) : le gentil petit colis du chroniqueur a été découvert sous son paillasson une matinée entamée au son de « Power Trio », le dernier album de Danko Jones, dont le « We Sweat Blood » (2003) figure en page 220 de ce Panthéon mi-objectif mi-subjectif. Construit pour durer. En un mot comme en cent (albums), le nouveau Jean-Charles ne se contente pas des idées reçues, catégorisations éculées et querelles de chapelles, mais les bouscule, les ratatine, les écrabouille, il vous invite à le suivre dans de salutaires et novateurs raisonnements au feeling (oxymore). Et moi aussi.

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