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Interview avec Joel Ekelöf de Soen

jeudi/24/12/2020
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Le 29 janvier 2021, le groupe de metal prog’ suédois Soen sortira « Imperial », son cinquième album depuis le premier, paru en 2012. Le monde étant toujours plus ou moins confiné à cette date, ANR s’est entretenu par Skype avec Joel, le chauve et cérébral chanteur, le 9 décembre 2020. Il s’agira de notre troisième entretien en quatre ans avec lui, Romain ayant l’honneur de succéder à V. Mamy et à Marion D. à cette heureuse tache. Et le plaisir de pouvoir disserter avec lui, notamment sur la différence entre Empire et monarchie…

 

Art’N’Roll : Salut Joel ! Comment ça va ? Je suis à Paris et toi ?

Joel Ekelöf : Salut, je suis à Stockholm.

ANR : Pas trop froid chez vous ?

JE : Non, pas si froid, c’est OK, on est à l’écart du virus.

ANR : Alors revenons à la chaleur : votre dernier concert a été donné le 15 mars 2020, au Café Iguana de Monterrey au Mexique… Le même jour, Soen publiait un communiqué annulant le reste de votre tournée latine et sud-américaine, laquelle ne venait pourtant que de commencer le 13 mars à Mexico… Peux-tu narrer à nos lectrices et lecteurs cet épisode fâcheux ?

JE : Hum… Tu sais, c’était juste-juste au tout début de la pandémie, nous sommes allés au Mexique sans forcément réaliser de quoi il s’agissait, nous avons compris dans l’avion qu’il s’agissait là d’une pandémie globale, et à notre atterrissage que nous étions dans une merde totale, désolé pour l’expression… Nous voulions réellement finaliser nos concerts au Mexique, mais nous avons vite compris que nous devions retourner chez nous, que le monde entier se refermait lentement sur lui-même. Après ce gig à Monterey, il ne restait basiquement plus qu’un vol à destination de Stockholm, que c’était donc notre dernier concert de cette tournée et qu’il nous fallait désormais revenir en Europe (Rires)

ANR : La conception d’« Imperial » a-t-elle bénéficié de ce chômage technique ?

JE : Pour ce qui est du travail en studio, oui. Les morceaux étaient cependant écrits auparavant. Cela a bénéficié au travail d’enregistrement.

ANR : Estimes-tu qu’il vous a été plus facile de travailler en studio durant cette période ?

JE : (NDA : dodeline de la tête de gauche à droite) Oui et non. Oui, parce qu’elle nous a permis de nous concentrer sur l’enregistrement. Néanmoins, le fait de jouer en public en parallèle nous permet habituellement de peaufiner cette phase, et nous avions d’ailleurs des concerts ainsi que des apparitions en festivals de programmés. Dans un sens, il est bon de n’avoir qu’un seul objectif à l’esprit et de s’y tenir, enregistrer un album ; dans un autre, nous avons dû également faire face à quelques soucis d’organisation, puisque notre guitariste Cody (NDA : Ford) réside au Canada, idem pour notre bassiste, Olek (NDA : Kobel) qui vit en Ukraine… Le fait de ne pas pouvoir se rencontrer physiquement durant le processus d’enregistrement de ce disque a constitué comme une sorte de défi.

ANR : Vous allez néanmoins reprendre la route, du 6 avril au 1er mai 2021… Ce serait une tournée européenne de dix-neuf dates, la première à Oslo, l’ultime à Helsinki…

JE : (NDA : boit un coup d’eau minérale) Hum…

ANR : Vous mentionnez sur votre site Internet que d’autres dates seraient annoncées bientôt… Et pour l’instant, tous les pays d’Europe de l’Ouest seraient traversés, sauf deux ou trois, dont bien évidemment la France…

JE : OUI ! Mais elles vont arriver, elles vont arriver… Nous allons réaliser une tournée au mois d’avril, SI les choses sont rétablies… Si nous ne jouons pas à Paris durant la première branche de cette tournée, nous le ferons à l’occasion d’une deuxième branche, car je pense qu’une autre sera organisée dans la foulée. La question concernant cette deuxième branche est pour l’instant : irons-nous à l’Est ou à l’Ouest ? (Rires) Pour cette première, nous allons commencer en Scandinavie, puis nous rendre en Allemagne, etc… Pour la seconde, nous ne savons pas encore si nous allons jouer d’abord au Portugal ou en Turquie (Rires) tu vois ? Il s’agira d’être pragmatiques, et Paris est quelque part entre ces deux dates, on verra…

ANR : Après cela, il y aurait vraisemblablement votre passage le vendredi 18 juin 2021 sur la Mainstage 1 du Hellfest…

JE : (NDA : pensif) Oh ouais, ouais !

ANR : Le patron du Hellfest, Monsieur Ben Barbaud, a dit qu’il se positionnerait mi-janvier quant au maintien ou à l’annulation de cette édition 2021…

JE : Je comprends tout à fait. Nous vivons une période de pandémie, et rien n’est certain.

ANR : Avez-vous commencé les répétitions de cet « Imperial European Tour » ? Préparé la liste des morceaux ?

JE : Non. Pas à ce jour.

ANR : Vous avez une idée quant à la liste des morceaux ?

JE : Heu… Bien sûr ! Nous n’avons jamais joué sur scène les morceaux d’« Imperial », et nous mourrons d’envie de les jouer ! Ils seront dessus, c’est sûr !

ANR : A ce propos, vous n’avez pas encore, à ce jour, enregistré de disque Live, à part le simple « Sectarian (Live in Lisbon) » en 2018…

JE : Non, mais ce n’est qu’une question de temps : nous publierons quelque chose, peut-être l’année prochaine après la tournée à venir. A ceci près que nous ne publierons qu’un matériel pour lequel nous serons à cent pour cent confiants et satisfaits, dont nous serons certains qu’il constituera l’enregistrement parfait à nos yeux, et dans des circonstances adéquates.

ANR : Penses-tu que les circonstances adéquates sont réunies ?

JE : Oui, en raison du seul fait que nous n’avons pas publié de Live officiel. Je crois que le moment est venu.

ANR : Au rayon actualité du personnel, vous avez intronisé le 25 novembre dernier, un nouveau bassiste, Monsieur Oleksii « Zlatoyar » Kobel… Peux-tu s’il te plaît le présenter aux lectrices et aux lecteurs d’ANR ?

JE : C’est un bassiste fantastique qui nous vient de Kiev. Il détient toutes les capacités techniques afin de jouer dans Soen, et il s’est parfaitement bien intégré à l’équipe, ce qui constitue un point très important.

ANR : Ce n’est pas un débutant visiblement…

JE : Oui, il possède beaucoup d’expérience, ce qui est également une bonne chose. Quand tu intègres Soen, tu as immédiatement sur toi les yeux de Martin (NDA : Lopez) qui est quelqu’un de très exigeant quant au niveau de la section rythmique, tu te dois d’être l’homme de la situation. L’expérience d’Olek constitue un atout pour le groupe.

ANR : Je suppose que « Zlatoyar » est son pseudonyme…

JE : (NDA : amusé et boit un coup d’eau) Oh oui !

ANR : J’ai cherché, je n’ai pas trouvé de signification à « Zlatoyar »…

JE : Moi non plus, tu n’auras qu’à lui demander…

ANR : L’actu de Soen, c’est aussi et peut-être surtout, la sortie le 29 janvier 2020 de votre cinquième disque, intitulé « Imperial », pourquoi ce titre ?

JE : Parce que c’est un album majestueux. C’est un gros album, qui possède un tas de pièces et d’endroits, qui traite de beaucoup de thèmes, du pouvoir et des conflits liés au pouvoir, de la hiérarchie, et nous avons pensé que ce titre résumait bien l’ensemble de ces thèmes.

ANR : « Imperial » n’est pas un mot sonnant « suédois », non ? La Suède est une monarchie constitutionnelle…

JE : (Rires)

ANR : En tant que français, je te garantis qu’Empire et monarchie sont deux concepts qui ne se correspondent pas tout à fait… D’ailleurs, un des morceaux d’« Imperial » s’intitule « Monarch »…

JE : OUI, ce sont deux concepts différents. Au sens du disque, je me réfère à des visées impérialistes, des vues sur le reste du monde. L’impérialisme n’est pas nécessairement le fait d’un monarque, et les morceaux de notre album qui évoquent un monarque n’ont pas, non plus, l’Empire comme thématique. Les autres thèmes développés dans « Imperial » sont la polarisation croissante de nos sociétés, leur division en plusieurs camps opposés, les conflits qui surgissent. Nous nous sommes inspirés de la devise « Diviser pour mieux régner » afin de dégager certains de nos sujets (Rires) et c’est quelque chose que tu peux voir facilement aujourd’hui, qui survient un peu partout.

ANR : Quant aux paroles, vous avez toujours privilégié le côté narratif, introspectif des choses, est-ce que les paroles des huit morceaux qui composent ce cinquième disque sont plus politiques qu’auparavant ?

JE : Je pense que nous avons toujours plus ou moins touché ce genre de thèmes. Mais jamais dans un sens sociétal, ou afin de délivrer un message. Notre démarche n’est pas celle d’activistes. Tu peux écouter notre propos et prendre conscience des injustices autour de toi, mais nous n’avons pas la prétention de dire aux gens quoi faire, et de leur délivrer des solutions, tout simplement parce que nous ne sommes ni des militants ni des politiciens. Néanmoins, il convient de prendre conscience de certains maux, et de veiller à ce qu’ils ne grossissent pas davantage.

ANR : Tu lisais quelque chose de particulier au cours de l’écriture d’« Imperial » ? Machiavel, par exemple ?

JE : (Rires) Non, non, mais je suis certain que j’aurais pu trouver beaucoup d’inspiration dans ses textes.

ANR : Soen possède cette réputation de groupe « littéraire » voire « philosophique » : quels seraient tes écrivains et philosophes préférés ?

JE : C’est assez difficile à lister… Car je pense que nous n’avons pas de tradition philosophique particulière en Suède, comme vous pouvez en posséder une en France…

ANR : C’était ma question suivante !

JE : (Rires) Les philosophes suédois ne sont pas très réputés, nous sommes un peuple très opératif, pratique… Mais j’aime beaucoup la philosophie.

ANR : Et donc, quels seraient tes écrivains et philosophes préférés ? Kierkegaard, en dépit du fait qu’il soit Danois ?

JE : (Rires) Kierkegaard, Heidegger, Schopenhauer, Nietzsche, il y a beaucoup d’inspiration dans leurs textes…

ANR : Que des philosophes du Nord de l’Europe…

JE : C’est vrai… Probablement parce qu’ils sont proches de la Suède…

ANR : Les racines de leurs pensées sont protestantes…

JE : Oui, tandis que pour ce qui me concerne, je suis de culture catholique, ce qui est rare puisqu’en Suède on ne dénombre qu’un pour cent de catholiques…

ANR : C’était ton choix ?

JE : Ce n’était pas mon choix, cela vient du côté de ma Mère, mais je pense qu’ils ont fait le bon choix de se convertir, de passer du protestantisme suédois au catholicisme…

ANR : Pourtant Ekelöf est un patronyme suédois, je suppose que du côté de ta Mère ce n’était pas non plus des immigrés…

JE : Non, ils étaient de racine suédoise également, ils ont fait le choix délibéré de se convertir au catholicisme tout en conservant leur culture suédoise.

ANR : C’est un mélange intéressant, entre Nord et Sud, entre les racines latines du catholicisme et la tradition protestante suédoise, un peu comme la France qui a des parties de son territoire majoritairement catholiques et d’autres à dominante protestante… Quel enrichissement personnel estimerais-tu tirer de cette rencontre ?

JE : (NDA : Opine du chef) Tout à fait, je pense que ce mélange m’a aidé à être plus ouvert sur les questions d’ordre mystique, au mysticisme et au symbolisme, et ce bien plus que la moyenne de mes compatriotes. Tu peux parler avec la plupart des groupes de metal suédois, tu constateras qu’ils sont plus agnostiques, et plus terre à terre dans leur façon de considérer les autres religions. Pour ma part, je suis davantage ouvert au mysticisme. Je ne me considère néanmoins pas comme une personne religieuse…

ANR : Un bigot…

JE : Non, même si je suis ouvert aux croyances, je les respecte.

ANR : Est-ce que Soen est un groupe axé sur le symbolisme ? Ou du moins un certain mélange entre le symbolisme et une approche plus suédoise, comme celle d’Arch Enemy par exemple…

JE : Oui, je pense que tu as raison, Soen est un mélange de cela. Nous sommes un petit peu différents des autres groupes suédois dans leur approche.

ANR : Dans la même veine, peux-tu nous en dire plus sur la couverture de votre nouvel album ? Que symboliserait ce serpent ?

JE : Il s’agit d’un beau serpent, un serpent noir. Il est ambivalent. Pour moi, il représente clairement le mal, il représente également une forme d’innocence, il représente aussi la sagesse ainsi que la guérison.

ANR : Tu as choisi cette pochette ?

JE : Non, c’est Martin qui a eu cette idée.

ANR : Sinon, j’ai vérifié : en cinq albums de Soen, il n’y a qu’une seule de vos chansons dont le titre dépasse l’unique mot… Il s’agit de « The Other’s Fall », qui figure sur l’album « Tellurian » paru en 2014… Pourquoi cette volonté de faire court dans vos intitulés, de vouloir tout résumer en un mot unique ?

JE : (Rires) C’est parce que je pense qu’il revient à l’auditeur de se faire sa propre idée à partir de son ressenti, c’est à lui de dresser le décor, non pas à nous de lui décrire une thématique par de longs intitulés. Tu vois : « Monarch », c’est sujet à réflexion… Nous faisons de la même manière avec les paroles de nos chansons : elles sont ouvertes, et nous laissons une marge d’interprétation à celles et ceux qui les écoutent, en tant qu’auditeur tu as à contribuer par toi-même au contenu de nos morceaux… Nous avons délibérément opté pour une démarche de participation, nous faisons nos chansons à l’unisson avec notre public.

ANR : Serais-tu capable de résumer Soen en un seul mot ?

JE : Ce que nous sommes ? (Sourire) Il va falloir que je revienne sur cette question, car c’est difficile de tout résumer en un seul mot… Heu… Oui… Oui… (NDA : opine négativement de la tête) Je vais devoir revenir sur cette question…

ANR : D’accord…

JE : Attends ! Pour aujourd’hui je dirais « METAL »… Parce qu’aujourd’hui je me sens metal…

ANR : D’accord… Considères-tu la musique de Soen comme mélancolique ?

JE : Pas nécessairement. Parce que nous évoquons effectivement des sujets sombres, mystérieux, mais toujours dans une optique d’espoir, mystique, ainsi que la certitude que tu peux toujours faire quelque chose afin de rendre les choses plus lumineuses, la fin de nos chansons est toujours empreinte d’espoir, comme la lumière au bout du tunnel. Donc, en ce sens, je ne peux pas affirmer que nous soyons mélancoliques.

ANR : Il va être l’heure d’y aller… Je te laisse le mot de la fin à l’attention de nos lectrices et lecteurs ?

JE : On se voit de nouveau à Paris bientôt, et j’espère vraiment que nous pourrons nous rencontrer le plus vite possible, j’ai toujours aimé être là car c’est un des endroits où je préfère me produire, et que j’apprécie visiter parce que c’est tout simplement magnifique.

ANR : Merci. D’ici là, je te souhaite un bon hiver et une bonne journée de promo, au revoir.

JE : Au revoir Romain.

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