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Devin Townsend Project au Bataclan le 31 janvier 2017

vendredi/17/02/2017
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Conscience et ferveur, tels ont été les maître-mots de cette soirée du dernier jour de janvier 2017.

Conscience, tout d’abord. Parce qu’il n’est aucunement aisé de coucher sur le papier le ou les sentiments qui nous saisissent au moment de pénétrer à nouveau dans une salle de spectacle qui a été profanée, et pour l’éternité, un soir de novembre, il n’y a qu’une treizaine de mois. Dont le gentil et guilleret nom est, en un seul instant, devenu pour le Monde entier et en direct, synonyme de carnage humain, proféré au nom de l’islamisme assassin. Comme Orlando ou Charlie Hebdo. Endroit dont les murs et l’ornement ont été refaits en quelques mois, avec la volonté de tout effacer physiquement, mais jamais moralement. L’odeur de peinture fraiche dans ses lieux d’aisance nous rappelle cette réalité. Conscience également, que le personnel de sécurité à l’entrée, ne nous fouille pas afin de nous faire perdre du temps ou gâcher notre plaisir. Conscience aussi, que si l’on paie pour visiter les catacombes ou la macabre Conciergerie, on se rend au Bataclan d’abord en vue d’assister à un concert. Comme avant. Mais, avec cette conscience de quelque chose à honorer et à perpétrer. Les lumières sont disposées en ovale. Et ce soir, le ban et l’arrière-ban du Metal de chez nous sont présents. Le bar sert et ressert bières et alcools forts, dans de charmants verres en plastique frappés de la devanture de la salle.

Ferveur, ensuite. Car le Metal cérébral du Devin Townsend Project est à la hauteur des lieux qui l’accueillent ce soir. Probablement plus que certains des quelques artistes qui l’y ont précédé ici depuis le 12 novembre 2016 (et sans douter de leurs talents). Devin Townsend est un personnage humble et humain, alors que sa musique est complexe et donne matière à réfléchir. Le public Parisien, lequel s’était docilement massé sur le trottoir du boulevard Voltaire jusqu’en amont de la rue Oberkampf dès la fin de cette journée du 31, est venu pour célébrer un dense travail accompli depuis près de vingt-cinq ans. Et en effet, l’assistance mange dans sa généreuse main dès les premières notes du pachydermique « Rejoice », titre au nom évocateur, assené à 21 heures pile après qu’une lourde nappe de synthé l’ait enveloppée.

C’est donc quasi-religieusement que les quatorze morceaux offerts par Devin Townsend vont être accueillis par l’auditoire. Pas de bousculade, de sifflets ou d’invective, comme ailleurs dans d’autres cénacles. Juste un respect. Mutuel. Le gentil Prince chauve invective chaleureusement, brassant les lumières à dominante pourpre de ses gestes sémaphoriques. Et donne tout dès le début. « OMG IT’S GOOD TO BE HERE !!! » s’exclame-t-il avec sa voix de Looney Tunes. Et « Night » de suivre. Sur ce deuxième leg, les claviers dominent les guitares, rappelant au passage que la musique du multi-instrumentiste est plus proche du Rock Prog’ que d’autre chose de connu. Mais pas que. Car le Canadien a parfaitement amalgamé le Hard FM à claviers, et pour le meilleur. Mais pas que ce genre : les morceaux d’après (« Stormbending » et le lyrique « Failure ») sont conçus de Metal lourd, évoquant parfois Alice in Chains.

La ferveur ne quittera pas l’enceinte de la soirée. Nous la laissons d’ailleurs quelques instants, afin de rejoindre les aimables fumeurs sur le boulevard, non sans avoir oublié de se faire tamponner l’épiderme du poignet du fameux sigle de la boîte. Hilarités, discussions, des spectateurs moins assidus que la moyenne y font une pause. Tout en dissertant de l’artiste du soir, certains comparant son dernier Opus (le bien-nommé « Transcendence ») au reste de son œuvre. Le retour à l’intérieur donne comme l’impression d’avancer au sein d’une cathédrale tellement le son est pur, et la dévotion de l’assistance palpable au fil du Set. Devin y va de sa ballade romantique, typiquement dans l’esprit Folk de son pays (« Where We Belong »). Sous une lumière pourpre, les fans clappent au rythme du Mid-Tempo « Planet of Apes ». Les interventions de la gentille Star entre chaque morceau sont systématiquement ovationnées, et parfois saluées par les rires.

La célébration se termine sur un épique (et le mot n’est pas galvaudé) « Kingdom », puis le consistant et lumineux (lumières jaunes partout) « Grace » : « Nous sommes un seul Peuple » synthétise DT. Avant de confier à ses fidèles qu’il s’est fait un nouveau Tatoo. Comme quoi, même les plus grands sont eux-aussi faits de chair et de peau. Applaudissements nourris. Lors du premier morceau du rappel, « Ih-Ah ! », que le Maître des lieux délivre seul et en toute spontanéité, l’interrompant à plusieurs reprises sous les vivats et de nouveaux éclats de rires, le public frappe encore et en parfaite cadence dans ses mains. Sans oublier d’en chanter le simple et chamanique refrain. Nous sommes à 22 heures 28, lorsque les doux arpèges introduisant le récent « Higher » viennent annoncer la fin des réjouissances, et ce, comme pour toutes les dates de cette tournée mondiale 2016-2017. Une fois encore les talents de l’ingé-son ne déméritent pas, aidés en cela par cette assemblée attentive et silencieuse. Ce morceau grandiloquent clôt un Show impeccable. Et sans regrets puisque les disciples n’attendront pas des lustres pour s’éclairer à nouveau des lumières du Devin Townsend Project : il sera présent en juin prochain au Hellfest, ainsi qu’au Festival « Be Prog My Friend », à Barcelone (en compagnie de Jethro Tull et de Marillion). Conscience et ferveur.

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