Westill – Samedi 1er novembre 2025 – « Extrême-occident »

lundi/03/11/2025
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« L’heureux proboscidien »

 

Seconde journée de cette brève (mais riche) incursion en « extrême-occident », comme l’écrivait Aragon, ainsi que de totale immersion en plein territoire stoner… Ce matin, il fait moins beau qu’hier après-midi sur la Loire-Atlantique. Le vignoble est superbe. C’est l’automne et le premier jour de novembre. Le stoner est une musique chaude. Paradoxalement, une grosse poignée de festivals stoner sont organisés durant la saison frisquette… On peut prendre les exemples du Heavy Psych Sounds Fest (qui a lieu ce week-end à Londres, puis en février en Belgique et aux Pays-Bas), du Desertfest (tenu il y a deux semaines à Anvers), du Tombed Stoned Festival (novembre à Bochum), ou encore du Fuzz Festival (novembre à Stockholm). Comme hier, j’ai revêtu mon sweat-capuche orné du logo de la déesse nordique Myrkur… Paul a mis un t-shirt 1000Mods.

Il est 13 heures 34. Nous arrivons à l’espace Champilambart. Je n’avais pas remarqué hier à quel point sa déco boisée est réussie. En prévision de l’anniversaire de mon frère demain, j’acquiers un t-shirt taille L, avec dessus la mascotte de l’édition 2025. Les mascottes du Westill sont, depuis des années, des créatures antropomorohes lookées stoner. Cette année, c’est un homme-mammouth à chemise et tatouages. L’heureux proboscidien succède notamment à l’homme-paon et à l’homme-pieuvre… Il est 13 heures 55, nous trinquons au Muscadet dans l’espace-restauration (la Salle du Bellay, un Angevin) encore désert : « C’est trop bien d’avoir la cantoche qui jouxte la scène », se réjouit Paul. Le bénévole du bar me fait part quant à lui de l’entière satisfaction des orgas quant au déroulement du fest so far…

 

« Angers, à une heure de route… »

 

Angers est entrée dans l’histoire mondiale du rock grâce aux Thugs. Plus de trente années après, un quintet vient d’émerger de la capitale historique et place forte de l’Anjou : Redstone. J’ai pris un certain plaisir à écouter studio le heavy stoner des vainqueurs du Angers Likes Metal VII en 2023 (un EP au compteur, Immortal, paru en mars 2024). Il me restait donc à voir ce que les Angevins valaient sur scène. C’est chose faite à 14 heures 28. Un long, très long, sample lunaire emplit la salle. S’ensuit un riff pachydermique, tranchant, vicieux, clinique, sur lequel une voix grave, autoritaire vient se poser. L’audience se masse, et regarde Martin, Maël, Franck, Antoine et Nico en train de turbiner. « C’est pas dégueu » constate Paul… Je passe au stand d’Urgence Maltraitance Animale, acheter un set d’autocollants, puis m’en vais shooter… « On est un peu les régionaux de l’étape, puisqu’on vient d’Angers, à une heure de route… Angers est aussi une terre viticole, on a commencé à produire du blanc sucré, mais le meilleur vin avec les huîtres, c’est le Muscadet… » Bienvenue dans l’Ouest de la France, cher à mon cœur… Musicalement, les cinq de Redstone ont certainement écouté les Thugs. Leur vestimentaire est sobre, casual. Aussi sobre que leur prestation scénique s’avère intense. Surtout celle du guitariste à lunettes, Les Paul en mains. Du rock lourd, dépouillé, sans concession. Assis par terre sur le flanc gauche de la salle, un mec en capuche opine lentement de la caboche, tandis qu’une jeune femme sourit à son copain… J’aime bien. 15 heures 07 : « Merci le Westill, merci à vous ». Dernière cartouche, puis selfie collectif à 15 heures 11. Une prestation des plus convaincantes. J’ai perdu Paul, il doit être dehors en train de parler stoner à d’autres stoner, notamment ses potes du groupe Facebook « Lords of the Valley », auquel j’appartiens également… Ils feront, à ce titre, leur traditionnelle photo souvenir : une trentaine de personnes tout de même… Les casquettes trucker, les vestes à patchs, les barbes sont de sortie (pour les garçons), pour ne pas écrire « de rigueur »…

« Starmonger » en anglais britannique désigne un astrologue ou un diseur de bonne aventure. Les Parisiens Arthur, Mathias et Seb (oui Madame Michu : encore un trio…) confessent faire du Psych/Doom/Fuzz/Rock (oui Madame Michu : il y a là plus de sous-genres assemblés qu’il n’y a de membres dans ce trio…) Sur le papier, cela augurait d’une musique de Jawas… 15 heures 31 : le triumvirat psyché investit l’estrade sous des applaudissements. « Ça va Westill ?!! », puis riff massif, plus chaud que celui de leurs compatriotes Angevins tout à l’heure… Comme eux, le chant est en anglais. À l’entrée de la Salle du Bellay, un jeune chevelu en bermuda danse lentement, convaincu… Le chant n’occuperait pas une place de choix dans les compos de Starmonger. Quoique. Non. Sur certaines compos, certaines harmonies sont bien présentes, et sympas. Le public frappe dans ses mains au rythme du pied de batterie. Certains passages sont épiques, au sens premier du terme. C’est intense et généreux. En débardeur noir, le guitariste-chanteur donne tout. C’est, je crois savoir, le concert le plus important de leur carrière. Au deuxième rang, deux jeunes femmes vêtues de noir oscillent lentement de la tête, concernées. Certains plan basse-batterie sont envoûtants, presque voodoo… 16 heures 04, ils concluent par une nouvelle composition, jouée en exclusivité. Décidément, le stoner français se porte comme un charme.

 

« Le stand de gâteaux de la fête de l’école »

 

« IAH » est l’acronyme désignant l’apnée du sommeil. Fort heureusement, le trio (encore Pivert !) de stoner rock psyché IAH s’est baptisé ainsi, en référence à un dieu mineur lié à l’astre lunaire. Ces trois mélancoliques nous viennent de Córdoba, la deuxième agglomération argentine par le nombre d’âmes. Ce sera ce soir l’ultime date de leur courte tournée européenne, laquelle les a emmenés à Amsterdam, Gand et Paris (le Klub dimanche dernier). Juan Pablo (bassiste), Mauricio (guitariste) et José (batteur) prennent possession de l’estrade à 16 heures 28. Une bande-son hypnotique et onirique est diffusée. Une minute après, les premières frappes de batterie, lentes, retenues, marquent la véritable entame du concert. « On dirait le stand de gâteaux de la fête de l’école ! » me fait remarquer la femme du bassiste de Redstone, en désignant le stand de UMA… Ce qui se passe sur scène est tout aussi spirituel. Une musique instrumentale réflexive, de qualité. Concentré sur sa SG, Mauricio travaille des parties de guitares assez intéressantes. Parfois douces, parfois tempêtueuses. Le Westill observe, respectueux, peut-être admiratif pour certains. Les intitulés des compositions sont en espagnol, un simple mot le plus souvent : « Silencio », « Caballan », « Sentado »… Au total, six extraits de leur répertoire pour trois quarts d’heure de set. 16 heures 55, et un long et acéré solo déchire l’atmosphère de Vallet. Ovation. « Merci beaucoup Westill !!! ». Les trois esthètes quittent la scène à 17 heures 11. N’empêche, c’est dingue le nombre de t-shirts et de hoodies Slomosa…

Ils s’appelaient « Jerusalem » jusqu’en 2012. C’était peut-être à un clin d’œil à leurs ancêtres Nazareth. Quoiqu’il semblerait que les paroles des chansons de Wytch Hazel, écrites par le chanteur Colin Hendra (dit « Christian Col »), soient pétries de foi chrétienne, d’où l’ancien nom du quatuor… Nos amis viennent défendre V: Lamentations, qui est sorti le 4 juillet. Il fait suite à IV: Sacrament et à III: Pentecost… 17 heures 44 et ça fuzze déjà à mort ! Ouais, c’est rock. Col a vraiment une belle voix, quelque chose du premier Coverdale. Il y a de la wah-wah. Les rythmes sont, effectivement, boogie. C’est du hard rock de la première moitié des années 1970. Iron Maiden devait, je suppose, sonner comme cela lors de sa formation par Steve Harris en 1975… Ça ressemble à Raimbow également. C’est bien. Je reviens aux racines de ma musique. 17 heures 50, ça scande. La croix orne en effet la Les Paul blanche du guitariste Alex Haslam. Ses chorus sont tant épiques que limpides. Le chanteur est looké comme Demis Roussos en 1972. Il porte une tunique blanche ornée d’une croix presque démesurée. Accoudée contre la scène, une petite fille brune de huit ou neuf ans me fixe de ses grands yeux pendant que je shoote Wytch Hazel. Elle porte une petite veste en jean avec, des patchs Iron Maiden dessus. Gageons que cette enfant se souviendra longtemps de ce concert du samedi après-midi. 18 heures 08, tandis que la nuit prend ses aises, résonne une cavalcade rythmique à la Maiden. Quand il prend la parole entre deux chansons, le chanteur à la même voix que Bruce Dickinson. Sont forts ces Anglais…

 

« Ça va enchaîner »

 

Un chauve à lunettes et barbe noire attaque avec conviction son saucisse-flageolets à 18 heures 23, en constatant : « On n’aura plus le temps de manger après, ça va enchaîner… » L’enceinte est aujourd’hui pleine à craquer. La sono crache « Gemini » de Elder, puis « Bruane Brenn » des excités Norvégiens Kvelertak. En cette an de grâce 2025, j’aurais chroniqué un joli petit lot d’albums stoner (ou affiliés), certains s’étant produit au Westill les éditions passées : Stoned Jesus (Songs to Sun), Pentagram (Lightning in a Bottle), Hippie Death Cult (Live at the Star Theater), Hangman’s Chair (Saddiction), Witchcraft (Idag), Paddang (Lost in Lizardland), Da Captain Trips (In Between), Birds of Nazca, (Pangaea)… Mais nullement Castle Rat, qui ont publié un très chouette Bestiary le 19 septembre… Pourtant, presque tous les morceaux sont bons. Je me rattraperai donc ici et maintenant en les chroniquant live. Mon frère m’avait dit avant que je ne parte, éprouver des doutes quant à cette formation, qu’il juge « être un peu trop à la mode ». Trois gros cierges blancs sont disposés sur l’ampli côté droit de la scène… Un homme déguisé en sorcier à gros bâton, traverse vouté l’estrade sous quelques lights rougeoyants…

Le quatuor new-yorkais de « Medieval Fantasy Doom Metal », mené par sa guitariste chanteuse, Riley Pinkerton, la « Rat Queen », Gibson SG blanche et tunique noire, investit (après résolution de quelques problèmes de son) l’estrade à 19 heures 08, sur des incantations. D’emblée, Franco Vittore alias « The Count » à la guitare, Charley Ruddell alias « The Plague Doctor » à la basse (magnifique modèle Les Paul) et Josh Strmic alias « The Druid » à la batterie, font le taf derrière leur vedette maquillée. Au passage, c’est le pape Clément VI qui créa les médecins de la peste pendant la Peste noire de 1347 pour assister les malades d’Avignon, Michel de Nostredame, dit « Nostradamus », et Ambroise Paré, ont officié en tant que médecins peste… « The Plague Doctor » avait procédé il y a quelques instants à la balance masqué et encapuchonné, sans son lugubre bec noir… 19 heures 18, sonnent les premières notes du récent mais déjà culte « WIZARD », dont je recommande le visionnage du clip. 19 heures 25 : retour à l’espace-presse le plus sympa que je connaisse, afin d’interviewer Georg Edert, le batteur d’Elder, deux heures et demie environ avant leur entrée en scène. À mon retour, Queen Rat se bat au glaive contre un démon, ou plutôt une démone… Barbarella mode on. Le public est complètement captif. Mention spéciale au batteur druidique, et à sa frappe titanesque. 19 heures 50, et c’est le syncopé et passionnant « SIREN » (oui, les intitulés des chansons du nouvel album sont tous écrits en lettres capitales). Morceau final. Superbe. Le concert du fest ? En tous cas, le spectacle du fest ! Et l’unique présence féminine sur les tréteaux… « Castle Rat ont fait le même show qu’au Hellfest, ils sont toujours aussi efficaces », dixit Paul…

 

« Avec tout autant de précaution »

 

20 heures 30 : je passe à l’as le sludge et post-metal écossais de Dvne. « Les gens devant la scène sont ultra deter pour Elder, plus que pour Orange Goblin ! » me signale Paul. Mon frère m’avait dit, avant que je parte, mettre quant à lui sa pièce sur Elder. Le bestiaire de la galaxie stoner ne pourrait être tout à fait complet sans un groupe de prog contemporain. 22 heures, je confie la plume à Paul, pour ce qui ressort des deux ultimes concerts… Vas-y mon pote, c’est à toi…

La foule se presse devant la scène du Champilambart pour la première tête d’affiche de la soirée. Il est 22 heures, Elder entre en scène. Les exilés de Boston, désormais Berlinois de cœur, entament leur set par « Compendium ». Dès les premières notes, le public Valletais se laisse embarquer par le stoner progressif du quatuor, tantôt psychédélique, tantôt massif. Les nuques se balancent, les yeux se ferment, l’audience se laisse porter. Le groupe déroule « Thousand Hands », « In Procession », puis « Merged in Dreams – Ne Plus Ultra ». Alors que les premières notes de « Sanctuary » retentissent, mon pote Alex me glisse en souriant : « Veuillez reprendre contact dans dix minutes ». C’est l’effet Elder : enchaîner sept titres en une heure et demie (soit douze minutes par morceau) tout en donnant l’impression de n’avoir joué que quarante minutes. Le groupe conclut par son tube « Gemini », avant de se faire copieusement acclamer par la foule qui en réclame encore. Il n’en sera rien. Un unique regret : l’excellent EP Liminality, paru au mois de septembre, n’est pour l’instant pas encore joué par le groupe.

À charge de revanche. Je rejoins rapidement la communauté des Lord of the Valley qui s’est donnée rendez-vous pour une photo de famille, et retour devant la scène pour rendre un dernier hommage à Orange Goblin, qui a choisi le Westill pour le dernier concert français de sa carrière. Comme à son habitude, le groupe entre au son de « It’s a Long Way to the Top (If You Wanna Rock ’n’ Roll) ». Le titre d’AC/DC résonne ce soir d’une façon bien particulière, puisqu’il raconte la route, les galères, les kilomètres avalés pour mériter la scène. Tout ce que Orange Goblin a vécu pendant près de trois décennies. Sans plus tarder, Ben Ward et sa clique démarrent en trombe avec « Solarisphere » avant d’enchaîner sur « Scorpionica ». Pour la deuxième année consécutive, le frontman est à Vallet comme à la maison et harangue : « Westill, it’s time to go fucking crazy ! » Chauffée à blanc, l’audience ne se fait pas prier et lance le premier moshpit du week-end (et pas des moindres). Le groupe remercie chaleureusement l’audience et enchaîne les classiques : « (Not) Rocket Science » succède à « The Filthy & the Few ». Connaisseur, le public reprend en chœur « Made of Rats ». Quelques titres et quelques litres de transpiration plus tard, le quatuor adresse un dernier au revoir à ses fans avec « Red Tide Rising ». Finalement les gars d’Orange Goblin auront fait ce qu’ils savent faire mieux : rouler droit devant, plein phares et pied au plancher jusqu’à la dernière seconde. Fin de carrière, mais pas fin de route : si Orange Goblin coupe le contact, les vrombissements de leur stoner énervé continueront de résonner longtemps sur nos platines et dans nos oreilles.

Je reprends la main, merci Paul ! 00 heure 29 : un quinqua, ou sexa, en t-shirt vert à l’effigie de l’homme-mammouth, enlève précautionneusement une des affiches du Westill 2025 qui étaient placardées dans la salle de restauration. Il en ôte, avec tout autant de précaution, le scotch noir des quatre coins de celle-ci. La cantine a fermé ses volets mécaniques. La neuvième édition du principal festival stoner français vit ses dernières dizaines de minutes. Nous prenons définitivement congé du Champilambart. Vendredi, la sympathique salle de Vallet accueillera le non moins sympathique Alain Chamfort, pour une « Conversation musicale » en sa compagnie. Nous ne ferons pas le déplacement. Pourtant, Dieu sait que « Manureva » était un chouette morceau… En tous cas, j’espère que ce live report brut de pomme vous aura plu…

 

 

Mes cinq concerts persos Westill 2025 :

 

  1. Brant Bjork
  2. Castle Rat
  3. Wytch Hazel
  4. Graveyard
  5. Redstone
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